Xander Schauffele semblait éternellement condamné à devoir se contenter du prix de consolation. Dimanche, au coucher du soleil, il est finalement et légitimement devenu le champion de tournoi majeur que l’on attendait.

Disputée à Louisville, au Kentucky, la 106e édition du Championnat de la PGA empruntait la prémisse du célèbre Derby, organisé dans le même État.

La quantité de prétendants à la victoire était étourdissante au départ de la ronde finale. Miser sur n’importe quel des 15 candidats les plus sérieux offrait des chances justifiables de rapporter gros.

Et comme dans la plus épique des courses équestres, le suspense a duré jusqu’à la toute fin. La victoire s’est jouée à quelques millimètres près et la constance l’a emporté sur la puissance. Puis, en marge, des gens vêtus de polos et arborant d’imposants chapeaux blancs ont célébré le triomphe du favori.

Schauffele n’avait jamais terminé un tournoi majeur au sommet du classement. Au 18e trou, la pression était à son comble. Bryson DeChambeau frappait des balles au terrain d’entraînement en attente de son sort. Le meilleur des représentants de la série LIV Golf avait rendu un pointage final de -20, grâce à un roulé délicat et suffisamment long sur le dernier trou pour rejoindre Schauffele en première place.

Si ce dernier n’avait jamais remporté de tournoi majeur auparavant, c’est principalement à cause de sa fâcheuse manie à s’écraser et à tenir son bâton un peu trop serré lors des moments de tension.

En revanche, son adversaire le plus sérieux carburait à ce genre d’affrontement où tous les coups sont permis.

Schauffele devait donc réaliser un oiselet sur le dernier trou pour éviter la prolongation de trois trous pendant laquelle il aurait été le négligé. Son coup de départ, comme au 17e, a été plutôt erratique, sur la gauche. Sa balle a atterri sur la lèvre de la fosse. L’Américain a donc effectué son deuxième coup les deux pieds dans le sable. Évidemment, impossible d’attaquer le fanion situé à plus de 200 verges. Cette normale 5 permissive lui a toutefois servi sur son coup d’approche, qu’il a fait freiner à un peu moins de sept pieds de la coupe.

PHOTO ADAM CAIRNS, USA TODAY SPORTS

Xander Schauffele au 18e trou

Ce roulé sur courte distance, similaire à des milliers de roulés déjà pratiqués à l’entraînement, représentait le coup le plus important et significatif de la carrière de Schauffele. En le réussissant, il mettait la main sur 3,3 millions de dollars, mais surtout, il allait enfin pouvoir souffler, en faisant son entrée dans le club des immortels. En le ratant, il s’exposait une fois de plus aux critiques relatives à son incapacité à trancher le débat.

Son fer droit Odyssey rouge a embrassé sa balle Callaway avant qu’elle ne tombe finalement au fond de la coupe. Devant une foule monstrueuse, le golfeur de 30 ans venait de ramener la meilleure carte de l’histoire en tournoi majeur avec un pointage final de -21, grâce à une ronde finale de 65 (-6).

L’éternel second

Dans sa résidence de San Diego, Schauffele possède certainement dans un boîtier quelconque sa médaille d’or olympique, remportée aux Jeux de Tokyo en 2021.

Tout de même, c’est comme si, aux yeux des amateurs et des observateurs, son image n’avait jamais changé. L’éternel perdant à la bouille sympathique souffrait d’un manque grave de notoriété. Avant dimanche, le troisième golfeur au classement mondial était encore considéré comme le meilleur joueur actif sans titre majeur à sa fiche.

Malgré ses sept victoires sur le circuit, ses 12 top 10, dont deux deuxièmes places en tournoi du Grand Chelem, pesaient plus lourdement dans la balance de son capital de sympathie.

C’est pourquoi ce titre sera salvateur pour lui. Et ce titre, il ne l’a pas volé. Il est devenu le premier golfeur depuis Brooks Koepka en 2019 à mener toutes les rondes du tournoi. Jeudi, il a offert une carte de 62. Parmi les quatre autres golfeurs à avoir égalé cette marque en tournoi majeur, Schauffele est le seul à l’avoir fait à deux reprises.

Et même si sa ronde finale a démarré un peu comme une calèche dans la gadoue, il s’est bien repris. Les 7609 verges du très permissif club de golf Valhalla lui ont permis de s’exprimer dans sa pleine mesure. Certains faits saillants, comme son long roulé pour l’oiselet au premier trou et ses coups d’approche au 11e et au 12e lui ont permis de compenser pour ses écarts aux 5e, 6e et 10e trous, qu’il a quand même pu sauver.

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Xander Schauffele célèbre sa victoire au 18e trou

Schauffele a gagné en n’excellant dans aucune phase du jeu. Il a frappé seulement six des 14 allées (68e rang) et 14 des 18 verts en coups réglementaires (13e), mais il s’est sorti de belle manière de situations complexes. Ce qui restera de cette victoire, néanmoins, c’est sa manière de gérer la pression. Jusqu’au 13e trou, six candidats pouvaient encore entretenir l’espoir de soulever le trophée Wanamaker. Mais seul Schauffele a résisté.

Finalement, DeChambeau (-20), Viktor Hovland (-18), Thomas Detry (-15), Collin Morikawa (-15) et Justin Rose (-14) ont soit ouvert la machine trop tardivement, soit bousillé leur rythme trop rapidement.

La menace DeChambeau

DeChambeau est passé bien près de faire mal paraître le circuit PGA Tour pour une deuxième année consécutive. L’an dernier, son collègue de la série LIV Brooks Koepka avait enlevé les grands honneurs lors du seul tournoi majeur portant le nom du circuit qu’ils ont déserté.

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Bryson DeChambeau

Mais qu’on aime ou qu’on déteste le bombardier du Texas, il demeure encore le golfeur le plus divertissant de la planète, même si on le voit beaucoup moins. Avec le temps, c’est comme si, en plus de ses missiles sur les tertres de départ, il avait peaufiné son jeu court. Et sa démonstration depuis le début du week-end a été sensationnelle. Personne n’a fait mieux que lui, dimanche, pour sauver ses verts ratés en coups réglementaires. Même sur longue distance avec ses fers, DeChambeau a été fumant, comme en a témoigné son approche de 221 verges à quelques pouces du drapeau au 18e trou.

Il a remis une carte de 64 (-7), la meilleure de sa carrière en tournoi majeur.

Avec une sixième place au Tournoi des Maîtres et une deuxième position au Championnat de la PGA, il sera assurément parmi les favoris à Pinehurst, lors de l’Omnium des États-Unis, dans quelques semaines. Tournoi qu’il a remporté en 2020.

Meneur en début de journée, Collin Morikawa a connu une ronde sans feu d’artifice et le double vainqueur en tournoi majeur aurait fort probablement apprécié voir quelques flammèches dans son jeu. Il a remis une ronde égale à la normale, ponctuée de 16 normales, d’un boguey et d’un oiselet. Une carte qui ferait l’envie de n’importe quel golfeur du dimanche, mais qui est insuffisante pour gagner un majeur sur des allées aussi malléables.