La légalisation du cannabis et sa distribution à travers une société d’État en ont fait un produit de consommation plus facilement accessible. La marijuana demeure tout de même une substance psychoactive pouvant avoir des effets indésirables notamment pendant la grossesse. Or, une récente étude de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) démontre que les risques sont encore méconnus pour de nombreuses femmes.

Dans le cadre de l’étude intitulée « Représentations sociales de la consommation de cannabis pendant la grossesse », la conseillère scientifique spécialisée à la direction du développement des individus et des communautés, Louise Pouliot, conclut que les femmes interrogées étaient « très peu informées des risques précis sur la santé ».

La chercheuse observe également que les consommatrices de cannabis se tournent alors vers les réseaux sociaux et tentent d’expliquer leur choix par « différentes logiques personnelles de consommation » plutôt que de s’ouvrir à des professionnels de la santé en raison du stigma associé à la drogue.

Pourtant, bien qu’on ne nage pas dans une abondance de preuves scientifiques sur les impacts du cannabis pendant la grossesse, certains risques ont été bien documentés, selon la professeure au service sur les dépendances de la faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke, Karine Bertrand.

Elle mentionne que l’indicateur le mieux appuyé par des preuves empiriques est celui du petit poids du nouveau-né à la naissance. Puis, si l’on ne connaît pas encore très bien les conséquences, on sait aussi que le cannabis traverse le placenta et que les récepteurs de cannabinoïdes dans le cerveau se forment très tôt dans le développement du fœtus.

« Donc, la recommandation d’éviter l’exposition au cannabis provient du fait qu’il y a un risque potentiel, résume la professeure Bertrand. On sait qu’il y a un produit, là, qui est psychoactif, qui va traverser le placenta et qui va être capté par les récepteurs dans le cerveau de l’enfant. »

Dans une mise à jour de l’état des connaissances publiée par le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, datée de mai 2022, on souligne que le cannabis est la deuxième substance psychoactive la plus consommée pendant la grossesse. La première demeure l’alcool.

On affirme aussi que des effets à plus long terme auraient été observés chez les enfants dont la mère consommait du cannabis de façon régulière pendant la grossesse. Au cours de l’enfance, de l’adolescence et même au début de l’âge adulte, ceux-ci seraient plus susceptibles de développer des « troubles de l’attention, troubles émotionnels, hyperactivité et impulsivité, troubles du sommeil et d’usage de substances ».

Par ailleurs, l’usage de cannabis par une mère qui allaite pourrait aussi avoir des conséquences sur l’enfant. Toujours selon la publication du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, intitulée « Dissiper la fumée entourant le cannabis », « des composés du cannabis peuvent passer dans le lait » maternel que l’enfant ingère et métabolise.

Sensibilisation et prévention

Parmi les « pistes de réflexion » proposées par Louise Pouliot, elle cite le besoin de développer et de diffuser « des messages de santé publique au sujet des effets de la consommation de cannabis durant la grossesse ». Le tout en misant sur « un langage neutre, non stigmatisant et axé sur le soutien », précise la chercheuse de l’INSPQ.

L’experte suggère également d’utiliser les médias sociaux pour rejoindre les femmes concernées. Elle est aussi d’avis qu’il faut mieux outiller les professionnels de la santé afin que leurs patientes soient moins réticentes à parler de leur consommation de cannabis.

Selon la professeure Karine Bertrand, la communauté scientifique s’entend de son côté sur l’urgence d’accélérer les études sur les effets du cannabis pour la mère et le fœtus.

La spécialiste de toxicomanie estime d’ailleurs que la légalisation du cannabis « offre une opportunité d’ouvrir plus facilement le dialogue » pour les professionnels de la santé et que ceux-ci doivent en profiter.

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