Comment faire face au dédale d’épreuves qui suit un diagnostic de cancer ? Dans son nouveau livre, Cancer : mode d’emploi, la journaliste Sophie Marcotte répond aux mille et une questions qui accompagnent cette épreuve qu’elle a elle-même traversée.

Pourquoi était-ce important d’égayer vos propos de quelques touches d’humour ?

« Ça a été quand même un dosage un peu difficile à trouver, justement pour que je n’aie pas l’air de trouver ça drôle – parce que ça ne l’est pas. Mais je ne voulais pas que ça soit sombre non plus ; je voulais montrer que ça pouvait être moins pire qu’on le pense, qu’on pouvait passer à travers en n’étant pas toujours couché en boule en train de pleurer. »

Vous racontez avoir écrit ce guide une fois remise sur pied ; mais l’intention était là dès le départ ?

« Peut-être un mois après avoir eu mon diagnostic, juste avant de commencer la chimio, beaucoup de gens me posaient des questions. Je me documentais aussi beaucoup et je me suis rendu compte qu’il n’existait pas de livre qui répondait à mes attentes et aux questions pratico-pratiques que j’avais. Je trouvais beaucoup d’infos sur les effets secondaires des traitements, mais ce n’était pas juste ça que je voulais savoir. Ce qui me procurait le plus d’apaisement ou de réponses, c’était de parler avec des personnes qui avaient eu le cancer ou qui en avaient encore un : savoir comment ça s’était passé pour elles la chimio, qu’est-ce qu’elles apportaient en salle de chimio – des choses plus ancrées dans la vie quotidienne. Je me suis dit que je ne suis sûrement pas la seule qui veut savoir ça un peu à l’avance pour apaiser l’angoisse. Tous les jours, je prenais plein de notes sur comment je me sentais, combien de temps allait durer mon traitement – parce que c’est sûr que la chimio, c’est le gros morceau épeurant de ce parcours. Je me prenais en photo toutes les deux semaines pour illustrer à quelle vitesse les cheveux repoussent, les sourcils. Donc le livre était dans mon viseur pas mal depuis le début, mais j’ai commencé à l’écrire après ma première chirurgie, en février 2022. À ce moment-là, ça faisait un mois que j’avais fini la chimio, j’avais commencé à avoir plus d’énergie pour travailler et à travers ça, je trouvais des moments pour écrire parce que j’avais vraiment besoin d’écrire. »

  • Sophie Marcotte quand elle s’est fait raser la tête, « encore rayonnante » dans les premiers mois de chimiothérapie

    PHOTO FOURNIE PAR SOPHIE MARCOTTE

    Sophie Marcotte quand elle s’est fait raser la tête, « encore rayonnante » dans les premiers mois de chimiothérapie

  • Sophie Marcotte quand il ne lui restait plus qu’un seul traitement de chimiothérapie

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    Sophie Marcotte quand il ne lui restait plus qu’un seul traitement de chimiothérapie

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Vous avez écrit le livre comme si vous vous adressiez à une amie que vous tutoyez. Pourquoi ce choix ?

« J’avais commencé au vous, puis je suis passée au tu parce que quand j’étais en salle de chimio, la moitié des femmes – c’était un centre spécialisé en cancer du sein – étaient dans la vingtaine ou la trentaine, donc plus jeunes que moi. Ça m’a vraiment donné un choc parce que je m’attendais à être la plus jeune à 43 ans – mais pas du tout. Donc je me suis dit qu’il fallait parler à ces filles-là de façon plus directe, plus intime, puis effectivement, en parlant avec quelques-unes d’entre elles, j’ai vu qu’on avait les mêmes préoccupations et incertitudes. »

À travers tout ce qu’on vit quand on doit combattre un cancer, comment se protéger de certains mots maladroits qu’on peut se faire dire ?

« Moi, ça me rentrait par une oreille et ça ressortait par l’autre. Je n’étais pas en maudit parce que quelqu’un m’avait dit : ‟Ah, c’est sûr que tu vas guérir, t’es tellement forte.” Je prenais le positif de ça et le reste, je l’oubliais automatiquement. J’ai une amie qui a eu un cancer aussi, puis elle, ça la fâchait de se faire dire certaines choses. On dirait que je n’avais pas d’énergie à consacrer à être fâchée à propos de maladresses comme ça. Moi-même, ça m’est déjà arrivé d’être maladroite. »

Quelle est la pire affaire qu’on puisse dire à une personne atteinte d’un cancer ?

« Il n’y a rien qui arrive pour rien. Ça, ça me fâchait, par exemple. Je comprends que ça veut dire que tu vas quand même retirer du positif de cette épreuve-là, mais comment c’est formulé, c’est comme s’il fallait que ça arrive. Non, je m’en serais passée, même si j’en ai retiré du positif. »

Est-ce que vous sentez que vous êtes une personne différente aujourd’hui ?

« Oui. J’ai découvert que j’avais une force que je ne pensais pas avoir. Je me sens plus à l’aise de faire plein de choses qui me stressaient beaucoup avant, par exemple donner des entrevues à la radio. Alors que là, tout devient pas très grave, pas très stressant. Même chose avec des examens médicaux qui n’ont pas de lien avec le cancer. Inconsciemment, je me dis : tu as traversé un cancer, donc tu es assez forte pour faire telle ou telle chose. Je suis vraiment plus relaxe, je suis moins anxieuse à propos de plein de choses que j’ai peur de ne pas être capable de faire et je m’attarde moins à plein de détails. Je savoure aussi beaucoup plus la vie, particulièrement les moments avec les gens que j’aime, et je suis plus consciente de la possibilité que tout se termine. C’est super quétaine, cliché, mais c’est un degré de conscience et de gratitude qui, je crois, s’atteint seulement quand on est passé proche de la mort. Notre finitude devient extrêmement réelle. »

Sophie Marcotte sera en dédicaces au Salon du livre de Québec, du 12 au 16 avril.

Cancer : mode d’emploi

Cancer : mode d’emploi

Éditions Cardinal

208 pages