Les recommandations pour notre alimentation, notre santé et notre bien-être pullulent. La plus récente, celle sur la consommation d’alcool, a fait énormément jaser. Sommes-nous devenus intolérants aux directives même si celles-ci sont bienveillantes ? La psychologue Janick Coutu, qui pilote le balado Dose de psy, répond à nos questions.

Sommes-nous moins tolérants aux recommandations données par des études et organisations ?

D’abord, je pense que même avant la pandémie, beaucoup de gens remettaient en question ce que la science dit et ce que les experts disent. C’est comme si tout le monde pouvait devenir expert de tout. Évidemment, je ne suppose pas que nous devrions tout tenir pour acquis. La remise en question et le regard critique demeurent importants. Mais les gens qui étaient déjà dans cette façon-là de penser, ils se sont sûrement radicalisés au cours de la pandémie.

Plus on en connaît sur l’être humain, sur la science et sur la médecine, plus on va faire des recommandations. Je me demande à quel point les gens sont tannés en général de sentir qu’ils ne sont pas à la hauteur. Il y a beaucoup de « il faut », « il faut faire du sport tous les jours », « il faut méditer », « il faut pratiquer tel genre de parentalité avec nos enfants »… Je pense que quand il y en a une autre qui s’ajoute, ça amène peut-être les gens à se dire : « Une autre affaire que je ne fais pas correctement. » Plusieurs sentent déjà qu’ils n’arrivent pas à s’ajuster aux recommandations d’avant.

Pour [les recommandations concernant] l’alcool, c’est quelque chose de culturel aussi. Notre consommation est quand même élevée dans la population, donc je pense que ça implique pour beaucoup de gens de devoir s’ajuster s’ils veulent suivre la nouvelle recommandation.

PHOTO FOURNIE PAR JANICK COUTU

La psychologue Janick Coutu

Donc, il y aurait beaucoup de pression qui viendrait avec ces nouvelles informations ?

Je pense que les gens vont se mettre cette pression-là. Les gens veulent bien faire. Je l’entends dans mon bureau, certains se disent : « Je sais que je devrais faire telle chose, mais je n’y arrive pas », et ça, c’est comme un cercle vicieux.

On le voit beaucoup avec l’activité physique, les gens savent tous les bienfaits sur leur santé physique et mentale. Pourtant, beaucoup de personnes ont de la misère à l’intégrer et savent qu’elles le devraient. Mais, avec cette pression-là, ça diminue la motivation à le faire et on est pris dans un cercle vicieux.

Comment faire la part des choses avec les recommandations ?

Ça dépend de quelles recommandations on parle. Il faut faire preuve de flexibilité. Concernant l’alcool, par exemple, les conséquences d’en consommer régulièrement peuvent être dramatiques. Si la science nous dit ça, après, l’important, c’est que les gens connaissent les conséquences.

Par contre, je crois que l’être humain est bon pour avoir des pensées magiques ou des distorsions cognitives. On a tous entendu des gens dire : « Ouais, mais moi, je connais des gens qui ont fumé toute leur vie et qui sont morts à 95 ans. » C’est une façon de se réconforter quand on ne suit pas certaines recommandations.

Ce qu’on devrait faire, c’est de se dire : « OK, c’est ça que la science dit. » Après ça, il faut voir si la recommandation a du sens dans sa vie, et comment on pourrait travailler petit à petit à l’intégrer, tout en étant flexible.

Est-ce qu’on n’aime pas se faire dire quoi faire ?

C’est sûr qu’il y a quand même des études de psychologie sociale qui ont démontré que, quand on se fait ordonner quelque chose, on est beaucoup moins enclin à y obéir. Après, les recommandations, ce sont des recommandations, ce n’est pas une règle.

Ça peut peut-être affecter certaines personnes qui ont un côté oppositionnel, mais ça dépend aussi à quel point on est particulièrement concerné. Pour d’autres personnes, ça va les amener à se remettre en question. Ça dépend de la personnalité de chacun.

Les propos ont été remaniés à des fins de clarté et de concision.