Les Canadiens ne mangent guère mieux que les Américains, conclut une étude menée par trois universités québécoises. Nos habitudes alimentaires obtiennent un « score médiocre » et celles-ci ne s’amélioreront pas à moins d’adopter de meilleures politiques publiques, soutiennent les experts.

Un indice pour mieux comparer les pays

Les Canadiens ne s’alimentent pas mieux que les Américains. C’est le tout premier constat de l’étude dirigée par Michel Lucas, professeur à la faculté de médecine de l’Université Laval. Des résultats qui contredisent pourtant d’autres enquêtes menées dans le passé, qui indiquaient que les Canadiens avaient de meilleures habitudes alimentaires que leurs voisins du Sud. Selon Michel Lucas, les données utilisées permettaient plutôt d’évaluer « l’adéquation aux guides alimentaires ». « L’indice utilisé ne permettait pas vraiment de faire des comparaisons avec d’autres pays qui ont des guides alimentaires différents », précise-t-il. Les nouveaux résultats montrent un écart de moins de deux points de pourcentage entre le Canada et les États-Unis, alors que celui-ci était nettement plus élevé (plus de 20 points) avec l’autre méthode de calcul.

« Un score médiocre »

Les chercheurs ont utilisé un autre indicateur, l’indice alternatif de qualité de l’alimentation, utilisé partout dans le monde, comme base de référence pour leur étude. Cet indice est notamment utilisé aux États-Unis, ce qui facilite grandement les comparaisons avec le Canada. Les auteurs de l’étude publiée dans la revue Nutrients ont utilisé les données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2004 et 2015 de Statistique Canada. En 2004, les Canadiens ont obtenu un score moyen de 36,5 points sur une possibilité de 100 points. Onze ans plus tard, en 2015, le score est passé à 39 points. Aux États-Unis, en 2004, le score moyen s’est établi à 34,9 et il pointait à 37,1 en 2010. Invité à qualifier les résultats au Canada, Michel Lucas a parlé d’« un score médiocre ».

« Un réveil brutal »

« C’est un réveil brutal. Le problème majeur, ce n’est pas ce que les gens consomment, mais ce qu’ils ne consomment pas », lance M. Lucas, qui est aussi chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval. Or, le score pour la consommation de fruits, de grains entiers et de viande rouge est resté sensiblement la même entre 2004 et 2015, selon l’étude intitulée Les adultes canadiens ont échoué deux fois à leur examen sur leurs habitudes alimentaires (Canadians adults fail their dietary quality examination twice). On a aussi constaté un recul en ce qui concerne les légumes et l’alcool. Bonne nouvelle, cependant, les Canadiens ont amélioré un peu leurs résultats pour la consommation de noix, d’acides gras riches en oméga-3 et de sodium.

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L’étude note un recul en ce qui concerne la consommation de légumes.

De meilleures notes pour les immigrants

Sans surprise, les femmes obtiennent un meilleur score que les hommes quant à la qualité de leur alimentation. Les Canadiens âgés de 19 à 30 ans ont présenté un score sous la moyenne tant en 2004 (33 points) qu’en 2015 (35,5 points). Des résultats qui s’améliorent dans les autres groupes d’âge. Si le niveau de revenus influence les choix des consommateurs, ceux-ci semblent encore plus influencés par le niveau d’éducation. Les personnes détenant l’équivalent d’un diplôme d’études secondaires ont reçu des notes de 34,8 (2004) et 35,3 points (2015) tandis que celles détenant un diplôme universitaire ont affiché des scores de 38,7 (2004) et 41,4 points (2015). À noter : les immigrants affichent de meilleurs résultats que les non-immigrants. « Ils ont souvent une culture alimentaire où l’on favorise la consommation de légumineuses et de noix », note Michel Lucas, qui a travaillé avec des chercheurs de l’Université de Sherbrooke et de l’Université de Montréal pour cette étude.

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Les immigrants « ont souvent une culture alimentaire où l’on favorise la consommation de légumineuses et de noix », ce qui participe à leur conférer un meilleur score que les non-immigrants.

Le Québec au milieu du peloton

Fait intéressant : l’étude permet aussi de comparer les provinces canadiennes. Le Québec figure au milieu du peloton derrière la Colombie-Britannique, l’Alberta, l’Ontario, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard. Pourquoi le Québec affiche-t-il un score inférieur à la moyenne canadienne ? Le professeur Lucas précise que ce n’était pas l’objectif de l’étude d’analyser les écarts entre les provinces. Il faudra mener d’autres travaux avant de tirer des conclusions, note-t-il. Si la situation globale au Canada peut s’améliorer, il ne faut pas s’attendre à des miracles, rappelle-t-il. « Je ne pense pas qu’on va avoir 80 points. Déjà, un score de 50 points, ça serait bien. » Ailleurs dans le monde, les meilleurs élèves se trouvent dans des pays méditerranéens et au Japon qui affichent des moyennes d’environ 70 points.

Les limites des responsabilités individuelles

Un peu à l’image de la lutte contre les changements climatiques, l’étude québécoise signale les limites de compter seulement sur les choix individuels pour adopter collectivement de meilleures habitudes alimentaires. « Au lieu de s’attaquer aux puissants déterminants commerciaux et environnementaux des habitudes alimentaires, l’accent est souvent mis sur des stratégies et des approches d’information qui placent la responsabilité sur la capacité des individus », affirment les auteurs. « Il faut arrêter de taper sur la tête des gens. C’est un problème de leadership », tonne Michel Lucas, qui dit souhaiter de meilleures politiques publiques sur ces enjeux.

En savoir plus
  • 68,2 points
    Score en 2015 obtenu avec l’ancien indice évaluant l’adhésion des Canadiens au guide alimentaire
    Source : Les adultes canadiens ont échoué deux fois à leur examen sur leurs habitudes alimentaires
    33,4 points
    Score obtenu en 2004 chez les fumeurs contre un pointage de 37,1 pour les non-fumeurs. En 2015, il est passé respectivement à 34,5 et 39,9 points.
    Source : Les adultes canadiens ont échoué deux fois à leur examen sur leurs habitudes alimentaires