Le service est bien connu. Depuis des décennies, les mamans qui souhaitent allaiter peuvent obtenir le soutien de marraines d’allaitement, des mères bénévoles qui les écoutent, les conseillent et répondent à leurs questions. Mais saviez-vous qu’il existe également des parrains d’allaitement ? Lumière sur cette nouvelle forme d’aide.

« Parrain d’allaitement. » Bien qu’on s’intéresse beaucoup aux sujets qui touchent de près ou de loin la famille, on n’avait jamais entendu cette expression avant de recevoir le courriel de Steve A. Côté, bénévole chez Nourri-Source Estrie et premier parrain d’allaitement de la région.

Non, contrairement à ce que pourrait laisser entendre son titre, il ne conseille pas les femmes qui allaitent, et ce, malgré le fait qu’il a reçu la même formation que les marraines d’allaitement. C’est aux nouveaux pères qu’il s’adresse.

Tous les hommes n’ont pas nécessairement la chance d’avoir des amis avec des enfants vers qui se tourner s’ils ont des interrogations à la suite de la naissance de leur poupon, souligne celui qui a été le premier papa de sa gang. Le parrain d’allaitement est là pour écouter et répondre aux questionnements des pères sur les boires du bébé, mais aussi, plus largement, sur leur nouveau rôle de papa.

« Ils ont besoin d’être rassurés et entendus », indique Steve A. Côté, au sujet des hommes qui l’ont consulté.

PHOTO FOURNIE PAR STEVE A. CÔTÉ

Steve A. Côté et son bébé

Père de quatre enfants âgés de 12 ans, 11 ans, 2 ans et 2 mois, le bénévole « trippe » sur la période périnatale. Au cours de l’entrevue, il parle avec enthousiasme des moments passés en portage avec son poupon ou encore du « cocktail d’hormones » ressenti par les femmes, mais aussi par les hommes à la suite de l’arrivée d’un nouveau-né dans la famille.

Souhaitant soutenir d’autres pères afin qu’eux aussi vivent une période périnatale harmonieuse, celui qui travaille également pour un organisme œuvrant auprès d’hommes à la tête de familles monoparentales a rempli le formulaire de bénévolat de Nourri-Source Estrie. Il a été agréablement surpris lorsque l’organisme l’a rappelé.

Pourquoi ce service ?

Si Nourri-Source Estrie a ajouté ce service à son offre, c’est notamment pour aider les pères à naviguer dans les nombreuses informations qui circulent sur l’allaitement, indique sa directrice générale Anne-Marie Aumond. Dans le forum de Nourri-Source sur Facebook, qui compte plus de 25 000 membres, beaucoup de mères rapportent que leurs conjoints et elles ne s’entendent pas sur le sujet.

« Leur conjoint s’est fait dire par un collègue ou sa mère : “Ta femme ne devrait pas allaiter la nuit”, ou des choses comme ça. Ça vient toujours créer des conflits dans les couples, parce que le père n’a pas les informations factuelles. C’est plus des ouï-dire, des opinions des gens. Offrir un service pour informer le père et qu’il puisse poser ses questions […], ça aide le couple à mieux s’harmoniser sur l’allaitement », fait valoir Anne-Marie Aumond.

Lancé il y a environ deux mois, le service de soutien téléphonique est encore au stade embryonnaire. Pour le moment, Steve A. Côté n’a discuté qu’avec deux filleuls. Est-ce parce que les hommes n’ont pas besoin d’un tel service ? Steve A. Côté pense plutôt que, pour le moment, c’est parce que l’offre est méconnue.

Il y a une nouvelle génération de pères clairement plus ouverte. Ils sont plus proches de leurs sentiments. […] Ils ont nécessairement besoin de parler avec les autres.

Steve A. Côté, bénévole chez Nourri-Source Estrie et parrain d’allaitement

Il remarque toutefois que de nombreux hommes hésitent à chercher de l’aide. « C’est une trail qui va être dure à taper, illustre-t-il. Il y a les papas qui vont devoir demander de l’aide, mais il y a aussi les intervenants du réseau de la santé qui vont devoir oser parler du service. »

Selon lui, certains professionnels tiennent pour acquis que les pères ne se tourneront pas vers un parrain d’allaitement. Ils ne leur transmettent donc pas l’information même s’ils en ont l’occasion.

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Parfois, les pères ont de la difficulté à trouver leur rôle quand la mère allaite.

Besoins de la mère et du père

Or, Steve A. Côté croit beaucoup aux bénéfices que peuvent apporter des discussions entre pères, que ce soit sur l’allaitement ou sur tout autre sujet touchant la périnatalité. « Avec l’allaitement, le papa, sa tâche, c’est d’écouter la maman, d’être attentif à ses besoins, d’être présent pour elle. […] Quand elle est épuisée, tannée, quand ça ne marche pas et qu’elle devient même fâchée ou triste, il faut prendre le temps de l’écouter. C’est ça notre rôle de partenaire », indique le bénévole, qui croit que les pères ont également besoin d’un espace pour parler de ce qu’ils traversent, les joies comme les moments plus difficiles.

« Parfois, les pères ont de la difficulté à trouver leur rôle quand la mère allaite. En parler avec un autre père qui a vécu la même situation, ça peut l’aider à prendre sa place dans la nouvelle vie de famille », affirme Julie Richard, directrice générale de la Fédération Nourri-Source, qui vient d’ailleurs de lancer une plateforme pour faciliter le jumelage entre les marraines (et parrains) d’allaitement et les parents.

Ailleurs au Québec

Nourri-Source Estrie n’est pas la seule division régionale de la Fédération à soutenir les pères.

Nourri-Source Laurentides offre du jumelage téléphonique depuis 2021 grâce à la mobilisation d’un comité de pères bénévoles. Jusqu’à maintenant, seulement sept papas ont bénéficié du service, mais cela a fait une différence importante pour eux, soutient Alexia Thibault, directrice générale de Nourri-Source Laurentides.

Dans ses communications, son organisme insiste beaucoup sur l’importance des pères (ou du coparent) tout au long de la période d’allaitement. Elle remarque d’ailleurs une présence accrue d’accompagnateurs lors des haltes-allaitement ou des rencontres avec des consultantes en lactation.

Steve A. Côté comprend que certains pères peuvent se sentir impuissants lorsque leur conjointe allaite. Après tout, ils ne peuvent pas eux-mêmes donner le sein au bébé. Toutefois, il est convaincu que chaque père gagne à s’impliquer dans la vie de son nouveau-né. Grâce à Nourri-Source Estrie, il anime d’ailleurs trois ateliers mensuels destinés aux pères, dont un en ligne accessible par la page Facebook de Nourri-Source Estrie. Il prévoit y aborder des sujets variés comme le portage, les jeux d’éveil, le peau à peau… « C’est un cercle d’entraide de papas », résume-t-il.

Consultez le site de Nourri-Source Estrie
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  • 89 %
    Pourcentage de mères québécoises qui ont amorcé l’allaitement
    Source : Rapport d’avancement sur l’allaitement maternel au Canada, 2022, Statistique Canada
    54 %
    Pourcentage de mères québécoises qui ont allaité pendant au moins six mois
    Source : Rapport d’avancement sur l’allaitement maternel au Canada, 2022, Statistique Canada