(Mexico) Il y a la Barbie princesse, la Barbie sportive ou la Barbie fashionista… Au Mexique, la version « squelette » de la célèbre poupée s’impose désormais sur le marché local à l’occasion du prochain Jour des Morts.

Faute de faire rêver les petites filles occidentales, cette deuxième édition d’une Barbie blanche comme les os et vêtue d’une robe rose fait grincer les dents de ceux qui voient en elle une tentative de « monétiser » la plus importante des traditions mexicaines.

Ce jouet « commémore le Mexique, sa fête, ses symboles et son peuple », qui sont marqués chaque année les 1er et 2 novembre, explique le fabricant Mattel.

La Barbie « Catrina », en référence à ce personnage populaire de la culture mexicaine est vendue 72 dollars en magasins. Elle est parée cette année d’un trousseau en dentelle rose et ornementations typiquement mexicaines, contrairement à la première édition en 2019 qui était vêtue d’une robe noire.

« Produit hybride »

Zoila Muntané, 56 ans est artiste. Elle possède une collection de quelque 2000 Barbies, dont des éditions exclusives.

Contre ceux qui dénoncent la commercialisation du « Dia de los Muertos », elle défend la version cadavérique de Barbie « Catrina ».

« Depuis l’année dernière quand elle est sortie […] je l’ai trouvée très belle, cela signifie que le fabricant tient compte de nos traditions », estime Zoila.

Mais pour des experts de la société mexicaine, cette Barbie « Catrina », qui possède les traits creusés de la célèbre peintre mexicaine Frida Kahlo, n’est qu’un nouveau cas d’« appropriation culturelle » à des fins commerciales.

Cette adaptation « est liée aux flux migratoires qui sont maintenant beaucoup plus importants », explique à l’AFP Librada Moreno, sociologue et universitaire à l’Université nationale autonome du Mexique.

« D’un point de vue commercial », cette poupée est « le produit hybride entre ce qui existe de l’autre côté de la frontière (aux États-Unis) et ce que nous connaissons de ce côté-ci », ajoute-t-elle.

Ceux qui critiquent l’aspect « appropriation culturelle » mettent aussi en garde contre un risque de distorsion des traditions et des symboles, auquel d’autres répliquent par la nécessaire liberté de création.

« Coco »

Librada Moreno affirme qu’aux États-Unis, où vivent quelque 36 millions de Mexicains ou originaires du Mexique, un nombre croissant de traditions mexicaines sont célébrées.

Le créateur de la Barbie cadavérique, l’Américano-Mexicain Javier Meabe, explique qu’il a cherché à « faire connaître la célébration du Jour des Morts » qui, selon les légendes indigènes, marque le retour des morts dans le monde des vivants pour y être honorés par des offrandes dans les maisons et les cimetières.

« C’est une très belle tradition, comme il y en a peu dans le monde » et désignée comme partie intégrante du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2003, estime Carlos Sandoval, également amateur de poupées Barbie.

Pour la sociologue, cette journée qui « devrait être un thème solennel » est devenue un évènement commercial aux États-Unis depuis le succès retentissant du dessin animé Coco (2017) de Disney Pixar.

En plus de la poupée, cette année a vu l’ajout de produits dérivés comme une souris Minnie « Catrina » -inspirée par le personnage créé par le dessinateur José Guadalupe Posada en 1912 — et une collection de baskets Nike.

La nouvelle édition de « Barbie Day of the Dead » est la quatrième inspirée par des femmes mexicaines, après la Catrina de 2019 et celles consacrées à la golfeuse Lorena Ochoa et à l’artiste peintre Frida Kahlo.

Cette dernière ne peut être vendue au Mexique, car la famille de Kahlo considère que l’image de la poupée ne correspond pas à l’artiste.

« Barbie a toujours été conçue dans une perspective purement occidentale », explique Librada Moreno.

« Le Jour des Morts est l’une des traditions les plus pures et les plus ancestrales du Mexique […] Ni Barbie ni aucune autre manifestation de la culture pop ne modifie ses racines préhispaniques » vieilles de 3000 ans, estime la sociologue.

Depuis son lancement en 1959, Barbie a vendu plus d’un milliard d’exemplaires de ses poupées.