Une équipe veut construire le premier édifice carboneutre de grande envergure à Québec. Le complexe La Forest-Québec engloberait entre autres 317 logements locatifs, une pharmacie, une épicerie, des restaurants, un hôtel et une place publique. Une portion atteindrait jusqu’à 15 étages.

Le projet, qui pourrait voir le jour dans le secteur du chemin Saint-Louis, à la tête des ponts de Québec et Pierre-Laporte, est toujours à une étape préliminaire. La Ville de Québec a d’ailleurs organisé une première séance de participation citoyenne à ce sujet, fin novembre. Afin de comprendre ce qui est proposé, La Presse s’est entretenue par vidéoconférence avec les six artisans du projet.

« Être carboneutre, c’est la seule façon d’atteindre les objectifs de carboneutralité du Canada pour 2050 », indique Nicolas Constantin, président du groupe Statera, qui désire construire le complexe en consortium avec l’entreprise Alaroy. Le bâtiment, qui s’implanterait à l’emplacement du centre de l’auto Sillery et du centre La Forest, constitue un point de départ pour changer les façons de faire.

« Beaucoup de choses existent pour minimiser notre impact carbone, explique l’ingénieur. Maintenant, il faut trouver la formule spécifique pour concevoir et construire notre bâtiment pour qu’il soit carboneutre tout en étant financièrement viable. On veut améliorer le processus et l’amener, grâce à la synergie entre différentes technologies, à se déployer dans l’industrie, pour que les bâtiments carboneutres soient la norme dans 15-20 ans. Il y a 15 ans, construire un bâtiment LEED coûtait beaucoup plus cher qu’un bâtiment non LEED, alors que maintenant, la différence de prix est négligeable. On est rendu là. »

  • Alain Roy, président d’Alaroy, et Nicolas Constantin, président du groupe Statera

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    Alain Roy, président d’Alaroy, et Nicolas Constantin, président du groupe Statera

  • Josée Lupien, présidente de Vertima, experte en bâtiment durable, et Stéphanie Allard, urbaniste et biologiste

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    Josée Lupien, présidente de Vertima, experte en bâtiment durable, et Stéphanie Allard, urbaniste et biologiste

  • Caroline Guérard, architecte associée chez Régis Côté et associés, et Jad Salem, architecte fondateur chez Salem Architecture

    PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

    Caroline Guérard, architecte associée chez Régis Côté et associés, et Jad Salem, architecte fondateur chez Salem Architecture

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Deux pionniers de la certification LEED font d’ailleurs partie de son équipe : Alain Roy, président d’Alaroy, qu’il a connu lorsqu’ils travaillaient tous deux chez Pomerleau, et Josée Lupien, présidente de Vertima, experte en bâtiment durable, qui accompagne le consortium dans l’analyse du processus de certification, selon les normes du bâtiment à carbone zéro (BCZ) du Conseil du bâtiment durable du Canada. Caroline Guérard, architecte associée à l’agence Régis Côté et associés, ainsi que Jad Salem, architecte fondateur de l’agence Salem Architecture, font aussi partie de l’aventure.

« C’est un projet innovateur très ambitieux, souligne Alain Roy. Les projets LEED ont d’abord été faits par des organismes publics, puis le privé a suivi. Là, on est en avant. J’accompagne Nicolas en ce qui concerne l’aspect financier et la constructibilité, pour voir si tout se tient. Parce que cela coûte de l’argent, être en amont. Des matériaux coûtent plus cher. Il faudra faire attention. »

On ne veut pas faire semblant de faire des choses. On ne peut pas faire un bâtiment sans carbone. Il faut l’opérer, il faut le bâtir.

Josée Lupien, experte en bâtiment durable

« Les divers matériaux utilisés pour construire un bâtiment ont une empreinte carbone, intrinsèque. Ils seront analysés pour faire des comparatifs et voir jusqu’où cette empreinte peut être réduite, dans le mélange de béton, par exemple. »

« Lors de la conception, le carbone opérationnel sera aussi examiné, par rapport à la performance énergétique du bâtiment, explique Josée Lupien. La performance de l’enveloppe, les gains solaires, la ventilation naturelle seront par exemple évalués, tout en considérant la viabilité du projet, afin d’établir une stratégie. »

« Le but n’est pas juste d’acheter des crédits carbone pour compenser, poursuit-elle. Le but, c’est de minimiser à la source, de réduire la quantité de matériaux utilisés, ne serait-ce qu’en ajoutant un étage au lieu d’opter pour l’étalement. »

Deux des principaux enjeux s’avèrent la densification et la hauteur des différentes portions du bâtiment, nécessaires lorsque la carboneutralité est analysée d’un point de vue très large. « Quand on implante des bâtiments plus denses à travers les infrastructures existantes, notre empreinte est beaucoup moins grande que s’il faut construire un bout de route, explique Nicolas Constantin. On essaie de toucher à tous les angles, comme l’accès aux transports en commun et le transport actif. On fait en sorte de diminuer l’empreinte carbone des occupants de notre bâtiment et des voisins parce qu’on aura des services de proximité. Ils n’auront pas besoin de prendre leur voiture pour faire l’épicerie. »

L’architecte Jad Salem salue ce désir de ne pas faire un projet banal, générique. « La carboneutralité devrait faire partie de tous les projets, dit-il. L’essentiel à nos yeux, c’est aussi quand le bâtiment est plus qu’un objet d’architecture et devient un vecteur de l’esprit de la communauté, que tout le monde s’approprie. L’idée de la place publique, c’est qu’elle devienne un lieu de rassemblement pour les gens du secteur. »

  • Le complexe La Forest-Québec s’implanterait à l’emplacement du centre de l’auto Sillery et du centre La Forest, dans le secteur du chemin Saint-Louis, à la tête des ponts de Québec et Pierre-Laporte.

    ILLUSTRATION FOURNIE PAR SALEM ARCHITECTURE

    Le complexe La Forest-Québec s’implanterait à l’emplacement du centre de l’auto Sillery et du centre La Forest, dans le secteur du chemin Saint-Louis, à la tête des ponts de Québec et Pierre-Laporte.

  • La présence de commerces de proximité permettrait aux résidants du quartier de faire leurs courses à pied, plutôt que de prendre leur voiture.  

    ILLUSTRATION FOURNIE PAR SALEM ARCHITECTURE

    La présence de commerces de proximité permettrait aux résidants du quartier de faire leurs courses à pied, plutôt que de prendre leur voiture.  

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Stéphanie Allard, urbaniste et biologiste, s’est jointe à l’équipe en prévision de la rencontre avec les citoyens. « Il y avait déjà beaucoup de valeur ajoutée au projet pour la communauté, constate-t-elle. L’étude d’ensoleillement avait déjà été pensée pour adapter les hauteurs de façon à ne pas faire d’ombrage. Les gens se sont sentis respectés parce qu’on les a consultés à un moment où il y a encore une certaine flexibilité pour adapter des choses. Tout le monde ne sera pas d’accord avec le projet, mais on aura répondu à la majorité des préoccupations des gens du secteur. En connaissant les sensibilités de chacun, on peut aller plus vite plus loin ensemble. »

Les artisans du projet croient au développement durable, mais ils demeurent lucides. « Le projet qu’on présente en ce moment a une certaine densification et une certaine hauteur, car il y a un coût à tout ce qu’on veut offrir aux futurs résidants et à la communauté environnante, indique Nicolas Constantin. Notre plus gros défi sera de convaincre tout le monde que ce projet est bon pour l’environnement et bon pour la société, dans une vision de densification urbaine. »

Note de la rédaction : Par souci de clarté, l’année visée par le Canada pour atteindre la carboneutralité (2050) a été précisée dans une citation attribuée à Nicolas Constantin.

Consultez le compte rendu de la participation citoyenne