Chaque année, la courtière Charlyse Amoussou se livre à un exercice piquant la curiosité : elle établit une carte du réseau de métro montréalais en indiquant les prix médians des condos vendus au cours des 12 derniers mois dans un rayon d’un kilomètre autour de chaque station.

Elle a également préparé un tableau comparatif qui permet d’observer les variations par rapport à l’année précédente. Ces chiffres, qui ne sortent pas d’un chapeau, mais de la base de données Centris à laquelle ont accès les courtiers, permettent d’apprécier sous un angle nouveau la hausse quasi généralisée de ce segment immobilier dans l’île de Montréal, bien que la carte ne reflète, bien entendu, qu’une portion réduite du territoire, puisqu’elle se borne aux environs des stations de métro. On remarque également les grandes disparités des environs d’une station à une autre, autant dans les prix enregistrés que dans leur évolution. Ainsi, le long de la ligne bleue, tandis que les prix des condos vendus alentour de la station Acadie se sont bonifiés (+ 19,31 % entre 2020 et 2021), ceux à proximité de Castelneau ont reculé de 7,15 % sur cette même période. Sur la ligne orange, le prix médian dans les alentours de Montmorency a bondi de 20 %, alors que ceux autour de Cartier ont progressé de 1,77 %.

La courtière, qui établit cette carte depuis plusieurs années, la réservait auparavant à ses clients, mais la diffuse désormais publiquement.

C’était un outil de travail que mes clients appréciaient, pour leur donner un aperçu par rapport à leur budget, leur donner une idée de l’évolution des prix et leur permettre de faire des choix dans leur projet.

Charlyse Amoussou, courtière chez Via Capitale

Dans sa publication, Mme Amoussou ne fournit pas d’analyse particulière. En entrevue avec La Presse, la courtière souligne simplement qu’elle observe des hausses aux extrémités des diverses lignes du métro.

IMAGES TIRÉES DE LA PAGE FACEBOOK DE CHARLYSE AMOUSSOU

Les cartes établies par Mme Amoussou sont basées sur des statistiques de Centris. Elles présentent le prix médian des ventes de condos dans un périmètre de 1 km autour de chaque station de métro.

Unsal Ozdilek, professeur titulaire responsable des programmes en immobilier à l’UQAM, dit aimer le fait de voir des professionnels du milieu se livrer à ce genre d’exercice, mais il appelle à la prudence quant à l’interprétation des données. Par exemple, avec une telle présentation, on pourrait être tenté d’établir une corrélation entre la variation des prix des condos et la présence d’une station de métro — lien que Mme Amoussou n’établit pas, puisqu’elle présente les statistiques sans interprétation particulière.

M. Ozdilek rappelle que la variation de la valeur des habitations dans un périmètre défini est un calcul complexe, pouvant reposer sur jusqu’à 30 attributs différents. « Ça prend une mesure crédible, en tenant compte du bâtiment, du quartier lui-même, du tissu socioéconomique, des lieux d’attraction et de répulsion, etc. », dit-il, précisant que des experts sont capables de produire des modèles beaucoup plus précis.

La courtière a conscience de la portée généralisante de la carte : « J’insiste toujours sur le fait que c’est un outil indicatif, je n’ai pas catégorisé selon le nombre d’étages, le nombre de chambres des habitations », prévient-elle.

Cette année, elle compte également monter le même type de carte avec le réseau du Réseau express métropolitain (REM) et des trains de banlieue, toujours avec des données tirées de la banque de Centris. « Je suis la demande de ma clientèle, ayant été appelée à travailler davantage en banlieue ces derniers temps », indique-t-elle.

Au moyen du prix médian

Il est important de noter que les prix affichés correspondant à la médiane, qui permet de partager des séries en deux parties égales. Le prix médian indique que la moitié des transactions ont été conclues à un prix inférieur et l’autre moitié, à un prix supérieur. C’est cette même mesure qui est généralement employée par l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ) lors de la présentation de ses statistiques annuelles ou trimestrielles. « L’avantage de la médiane comme mesure de tendance centrale est qu’elle n’est pas influencée par les valeurs extrêmes, à l’inverse du prix moyen. […] Le prix médian offre donc une meilleure lecture du marché, tant en ce qui a trait aux prix qu’au taux de croissance entre deux périodes », peut-on lire sur le site de l’APCIQ.

Le métro, toujours un argument ?

Avec la pandémie de COVID-19, la fréquentation du métro montréalais a beaucoup diminué. La proximité d’une station de métro peut-elle toujours peser dans la balance ? « Oui, car le métro, c’est structurel. Les gens internalisent les impacts à très long terme, alors COVID ou pas, ça jouera très peu », avance Unsal Ozdilek. Il apporte des nuances quant à l’éventuelle valeur octroyée par ce paramètre, ayant déjà lui-même mesuré l’impact de la présence d’une station de métro sur les valeurs immobilières alentour, et relevé qu’il n’était pas linéaire. Il a pu constater dans certains cas un mélange d’impacts négatifs et positifs, par exemple pour des logements situés en face d’une station de métro, en raison de la perte d’intimité, du bruit, du passage d’autobus, du tissu socioéconomique environnant. Pour la même station, des variations de valeur ajoutée peuvent être observées entre les rues jouxtant directement un édicule et celles situées un peu plus loin, plus au calme tout en gardant l’atout de la proximité. « Mais la proximité du métro n’est qu’un attribut parmi beaucoup d’autres », insiste-t-il.