Beaux habits, tout sourire, numéro 1, « Je vends votre maison » : bon nombre de publicités de courtiers immobiliers semblent souffrir de conformisme. Dans ce milieu très concurrentiel, certains tentent de jouer d’originalité dans leurs affichages ou leur stratégie. Morceaux choisis d’initiatives diverses et parfois divertissantes, commentées par un spécialiste de la communication publicitaire.

Publicité plein pot

Impossible de ne pas remarquer le véhicule d’Alexander Gómez. Depuis 10 ans, ce courtier sillonne Montréal au volant d’une auto recouverte d’autocollants à son image, y compris des portraits géants sur les portières arrière. En décembre dernier, il a changé sa Mercedes par une Tesla Model 3, aussitôt grimée. « Beaucoup de courtiers ont une auto luxueuse et trouvent que cela l’enlaidirait. Je ne suis pas d’accord, j’adore ça et les gens me voient ! », lance celui qui l’utilise également dans sa vie personnelle. Sur les 90 agents de son bureau Re/Max, seulement 2 ont osé draper leur voiture ainsi. « J’ai de super bons commentaires. Quand je suis stationné, les gens viennent me parler, ils trouvent la voiture jolie… puis on parle d’immobilier ! » M. Gómez précise qu’avec ce nouveau véhicule électrique, il a renforcé le lien avec des clients plus proécologie.

> Pour Martin Proulx, consultant et chargé de cours en communication créative et publicité à l’Université de Montréal, ce panneau-réclame ambulant et sillonnant un secteur donné peut apporter un certain rayonnement. « En plus, s’il a une Tesla, cela montre un homme qui a du succès et un souci pour l’environnement, ce qui va sûrement interpeller une catégorie d’individus », souligne-t-il.

Faire sa griffe, localement

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Non, la chienne qui apparaît sur les affiches du courtier Yanick Sarrazin n’est pas une photo générique, mais bien Bibi, la sympathique mascotte de l’agence. Une façon originale de souligner la proximité de son équipe avec les quartiers qu’elle sert.

Si vous résidez sur le Plateau, vous avez probablement vu l’affiche de ce courtier posant avec un chien. Un lévrier générique pour symboliser la rapidité du service ou le flair ? Pas du tout. Il s’agit de Bibi, le whippet de Yanick Sarrazin*, devenue mascotte de son équipe, ayant même obtenu le statut de stagiaire ! Toujours présente au bureau, elle est, depuis deux ans, aussi devenue sa figure de proue publicitaire, intégrée à plusieurs campagnes. « On est une entreprise familiale, des courtiers du quartier, les gens nous reconnaissent. Bibi représentait bien cela : la proximité, l’accessibilité, l’authenticité. Elle est sociable, affectueuse et crée un bon climat de travail », précise M. Sarrazin, qui souhaitait sortir du cadre impersonnel des grosses agences.

*L’auteur n’a aucun lien de parenté avec ce courtier.

> « En pub, il faut travailler avec le plus petit dénominateur commun : si des gens sont allergiques ou ont peur des chiens, et qu’il est présent au bureau, ça peut déplaire. Cela dit, on utilise les animaux en publicité pour rendre les gens plus sympathiques, chaleureux, évalue Martin Proulx. La présence du chien peut en effet retranscrire une ambiance locale, de proximité. Est-ce efficace ? Je ne sais pas. Est-ce risqué ? Le chien a l’air sympathique et il prend la pose, ça peut paraître charmant, si le client l’accepte. »

Faire son lit sur le marché

PHOTO TIRÉE D’UNE VIDÉO DE JONATHAN EHRLICK

Ce courtier affilié à Montreal’s Elite Real Estate Group a parodié une scène du film I Love You, Man, où l’un des personnages découvre avec horreur la même campagne publicitaire.

Elle n’est restée que six semaines l’hiver dernier sur le bord d’une autoroute de Vaudreuil, mais a donné un coup d’accélérateur à Jonathan Ehrlick. Sur un panneau géant, on a pu voir le courtier torse nu dans un lit, avec la mention « Il peut vendre votre maison dans son sommeil ». L’idée audacieuse ne sort pas d’un rêve, mais du film I Love You, Man, où la même publicité apparaît, causant l’exaspération d’un personnage. C’est donc avec autodérision que M. Ehrlick a parodié le concept. « J’ai voulu faire différents tests d’affichage. Le but était d’attirer le plus d’attention possible en un minimum de temps, que la pub plaise ou non. C’était un peu dérangeant, mais en accord avec mon sens de l’humour et celui des personnes avec qui je veux travailler », explique-t-il. Ce qui l’a surpris : il s’est fait particulièrement connaître dans la profession, jusqu’en Colombie-Britannique et en Floride.

> « Il va chercher de l’impact avec peu de panneaux en peu de temps. S’il s’est fait remarquer, ça peut apporter des acheteurs potentiels. L’audace peut créer de l’impact, mais le contenu et le message doivent attirer », indique M. Proulx, pointant néanmoins quelques écueils, dont l’absence de preuves de résultats ou le fait que certains pourraient ne pas connaître le film. « Si la référence ne dit rien, c’est un coup d’épée dans l’eau. On va lire le message pour ce qu’il communique et non la parodie. »

Omniprésence format XL

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Qui n’a jamais vu Geneviève Langevin dans Rosemont ou Villeray ? Peu de monde, puisqu’elle figure sur de nombreux panneaux géants. Cette ancienne directrice de casting ne rechigne pas à poser devant l’objectif pour mettre en avant sa réussite, basée sur des résultats concrets. L’affiche indique « 252 maisons vendues en 2020 » en haut à gauche.

Pendant que Jonathan Ehrlick frappe vite et fort, Geneviève Langevin frappe en grand… et constamment. Elle occupe pas moins de neuf panneaux géants dans Villeray et Rosemont, placés dans des endroits stratégiques, où se succèdent tenues et poses dignes d’une actrice. De son propre aveu, elle est un peu devenue « la fille sur les pancartes », même si elle est très active sur d’autres plans, dont les réseaux sociaux. Un côté vedette de ciné, pour celle qui a géré des castings pendant huit ans ? « Certains disent que les courtiers ont de gros ego. Mais je suis entrepreneuse à la base, avec un côté créatif, confie-t-elle. Je ne suis pas axée sur l’argent, le bling-bling, mais plus sur le succès et la reconnaissance. » Au-delà de son image projetée en large et en travers, vue entre 25 et 36 millions de fois l’an passé, elle met surtout en valeur ses résultats de vente.

> Aux yeux de Martin Proulx, c’est une approche plus traditionnelle, mais particulièrement avisée dans un marché où les vendeurs tiennent le haut du pavé. « Sur ses pancartes, Mme Langevin fait état de ses performances : elle dit qu’elle va la vendre, votre maison. Elle garde un côté conservateur qui vend son succès, son efficacité, avec des chiffres », dit-il.

La dérision entre deux maisons

  • Depuis 21 ans, Denis Depelteau et l’agence Tic Tac Toe renouvellent les concepts drôles de ce courtier, où l’autodérision est à l’honneur.

    IMAGE TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE DENIS DEPELTEAU

    Depuis 21 ans, Denis Depelteau et l’agence Tic Tac Toe renouvellent les concepts drôles de ce courtier, où l’autodérision est à l’honneur.

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Il fallait être très à l’aise avec les concepts imaginés avec l’agence de publicité Tic Tac Toe, et Denis Depelteau l’était. Déguisé en écolier, en danseur disco ou en aide-domestique connecté, ce courtier travaillant dans le Haut-Richelieu a multiplié depuis 21 ans les encarts publicitaires, numériques et physiques, le mettant en scène avec humour, tout en soulignant son expérience ou ses compétences. Certains d’entre eux sont reliés à des périodes spéciales : en arborant un tatouage « J’aime ta maison » avec un air de voyou, à l’occasion de la Saint-Valentin. On est très loin du panneau conventionnel guindé. « On ne se le cachera pas, dans le milieu, il y a du pétage de bretelles. Je voulais une approche plus humoristique et humble, mettant aussi en valeur les compétences de courtier. Les gens ont besoin de rire un peu ! », dit le courtier, dont l’initiative a remporté un franc succès. Certains clients collectionnent ses cartes et se les échangent !

> « Il se rend rigolo en faisant passer des messages pertinents pour les préoccupations d’éventuels clients. Il se distingue clairement, se rend sympathique, il y a quelque chose de plus novateur et concret à long terme », estime Martin Proulx. « En même temps, il faut penser au vendeur. Que cherche-t-il chez un courtier ? Son efficacité ? Son côté humoristique ? Sa maîtrise des dossiers ? », interroge-t-il.

Entre conformisme et fantaisie

Malgré l’intense concurrence qui règne dans le milieu du courtage immobilier, bon nombre d’affichages publicitaires se cantonnent à des modèles convenus : photo, nom et coordonnées, accompagnés d’une phrase toute faite. Pourquoi ?

« Les courtiers se regroupent souvent derrière des agences immobilières reconnues, qui ont des façons un peu traditionnelles et conformistes de faire les choses, avec des cadres promotionnels pour garder une certaine uniformité dans la façon de se présenter », rappelle le consultant Martin Proulx. Il souligne que les petites agences ont tendance à sortir du cadre, avec plus de créativité ou en visant des segments de marché plus précis. Nos exemples montrent aussi que des entreprises familiales ou individuelles, même affiliées à une grande enseigne, osent sortir des clous.

À l’inverse, une trop grande audace publicitaire peut-elle être dangereuse ? « L’audace peut créer de l’impact, mais le contenu et le message lui-même doivent séduire et attirer. Comme c’est un secteur densément concurrentiel, si on n’est pas capable d’avoir une fréquence d’exposition, on va chercher à donner un grand coup. Un vieil adage disait : “Pour se faire remarquer, mieux vaut passer une fois en Rolls-Royce devant une femme que 10 fois en Volskwagen” », conclut le consultant.