Cela échappe généralement au public, mais derrière les grands sourires des pancartes se cachent parfois des tensions intestines qui peuvent, dans certains cas, avoir un impact sur la clientèle.

Les petites manœuvres de concurrence déloyale ne sont certes pas monnaie courante et concernent une infime minorité de courtiers, la grande majorité d’entre eux respectant leurs pairs. Nous avons parlé à des professionnels travaillant pour diverses enseignes ou à leur compte : si certains n’ont rien à signaler de ce point de vue là, d’autres dénoncent des conduites douteuses visant à gruger les terrains de la concurrence.

La Presse a récolté auprès de divers courtiers, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat par crainte de représailles, des exemples de ces pratiques : blocage de visites dans le but de « réserver » la vente d’une propriété à un client de leur réseau, sollicitation illégale (un courtier contacte un vendeur pour tenter de récupérer le mandat d’un concurrent, alors qu’il n’est pas arrivé à terme), publicités trompeuses ou annonces laissées actives alors que les propriétés ne sont plus sur le marché (pour faire mousser sa visibilité et attirer de la clientèle), visites à tout-va au détriment des règles sanitaires en vigueur…

Autant de pratiques qui ont un parfum de déjà-vu pour l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ).

Mission principale : protéger le public

Plus du quart des demandes d’assistance reçues en 2020, soit quelque 630 dossiers sur 2430, avaient été formulées par des titulaires de permis – ce qui ne signifie pas pour autant que toutes ces demandes concernent des bras de fer entre courtiers, puisque certaines d’entre elles sont formulées au nom de leur clientèle. Mais « cela peut survenir », confirme MCaroline Champagne, vice-présidente, encadrement, à l’OACIQ. « Ça va toucher davantage leurs relations professionnelles, les interactions des uns avec les autres. Certains vont se plaindre pour de la sollicitation qui n’aurait pas été faite conformément aux normes déontologiques, de la publicité ou d’autres pratiques. » Une équipe de l’organisme se consacre d’ailleurs uniquement aux interventions par rapport aux publicités qui s’écartent du droit chemin.

L’OACIQ insiste par ailleurs sur sa mission principale : protéger le public. Or, certaines pratiques dénoncées entre courtiers peuvent en effet avoir un impact sur ce dernier. MChampagne évoque l’exemple de la limitation des offres d’achat multiples dans le but de « réserver » une propriété à un client de son propre bassin.

« Le courtier est là pour favoriser les intérêts de son client vendeur, avoir le plus d’acheteurs potentiels possible pour lui offrir une panoplie d’options. »

Si le courtier limite le nombre d’acheteurs en donnant accès seulement à ceux dans son réseau, il dessert mal les intérêts de son client vendeur.

MCaroline Champagne, vice-présidente, encadrement, à l’OACIQ

« À partir du moment où le contrat de courtage est signé, le courtier a l’obligation de procéder à la publicité de la mise en vente », explique MChampagne.

Conflits d’intérêts potentiels

Par ailleurs, un courtier faisant seulement affaire avec des acheteurs a confié à La Presse qu’il digère mal le fait que les courtiers peuvent à la fois servir les acheteurs et les vendeurs, ce qui ouvre la voie, selon lui, à des conflits d’intérêts. « C’est un peu comme si vous étiez juge et partie », s’indigne-t-il.

Plusieurs courtiers contactés par La Presse ont aussi déploré le manque de réactivité de l’OACIQ par rapport à leurs demandes. L’organisme indique qu’il peut en effet y avoir une hiérarchisation de leur traitement : « Notre priorisation se fait en fonction de la protection du public. Si c’est un cas où le public n’est pas directement concerné ou affecté, cela va affecter le degré de priorisation », indique MChampagne.