Née au Chili dans une famille d'antiquaires, Pamela Vergara se dirigeait vers le travail social quand elle a fui son pays pour se réfugier au Québec, il y a une trentaine d'années.

Il faut croire qu'elle avait emporté dans son bagage un peu de cette passion familiale pour les choses anciennes. À Montréal, frappée d'incompréhension devant le peu d'égard que les Québécois réservaient à leur patrimoine, elle s'est mise à rescaper des meubles abandonnés sur les trottoirs, à chiner ici et là, et à entreposer ses trouvailles dans sa maison.

Puis, il y a 10 ou 15 ans, après des années de travail auprès d'immigrées en difficulté, elle s'est demandé comment elle pourrait donner à ces femmes une chance de reprendre confiance en elles, d'apprendre un métier, de gagner leur vie, de retrouver leur dignité.

C'est ainsi qu'est née l'entreprise d'économie sociale Madera Éco-Meubles, il y a sept ans. Dans l'atelier de l'avenue Van Horne où Pamela Vergara a déménagé tous ses trésors, elle transmet à une quinzaine de femmes de tous âges et de toutes provenances le savoir qu'elle a acquis au fil des ans: comment décaper le bois, le poncer, lui rendre sa beauté et sa richesse, dans le respect de l'environnement. «Nous n'utilisons que des produits écologiques», signale Mme Vergara, qui aime surtout les produits Livos, biodégradables et sans substances toxiques.

Cela se sent, d'ailleurs: une bonne odeur d'huile de lin et de cire d'abeille se mêle à celle de la sciure dans l'atelier, où une jeune femme d'origine maghrébine gratte la vieille peinture d'une jolie chaise à l'aide... d'un éclat de verre. «Méthode chilienne», dit Mme Vergara en riant. «Au Chili, on avait l'habitude de se débrouiller avec les moyens du bord. Ça m'est resté!»

Tout autour, des chaises accrochées en chapelet le long de la rampe d'escalier attendent d'être restaurées, tout comme un magnifique bureau de comptable, un joli secrétaire, une ingénieuse armoire à pharmacie, un petit pupitre, une chaise berçante pour enfant... Certains meubles appartiennent à des clients; d'autres, qui seront revendus, proviennent des récoltes de Mme Vergara, qui peut raconter où et comment elle a déniché chacun d'eux. «J'aime connaître l'histoire des choses», dit-elle.

Pamela Vergara a l'oeil pour repérer les beaux morceaux et pour leur insuffler une nouvelle vie. «On jette tant de choses... Parfois, les gens ne réfléchissent pas.» On tend à oublier, en effet, qu'un meuble de bois massif, habilement restauré pour l'équivalent du prix d'un meuble neuf en aggloméré fabriqué en Chine, peut prendre une toute nouvelle allure, durer des années et s'intégrer à tous les décors.

Cela dit, Madera ne fait pas que restaurer et revendre du mobilier. L'une de ses spécialités, en fait, consiste à décaper les boiseries à domicile. «Nous nous chargeons du patrimoine architectural du Québec!», dit fièrement la fondatrice.

Ainsi, le jour de la visite de La Presse, seule une jeune femme se trouvait à l'atelier. Ses compagnes étaient toutes chez des particuliers, en train de redonner noblesse et beauté à de riches boiseries de chêne ou de cèdre.

Et en train de regagner, un coup de grattoir après l'autre, leur dignité de femmes et de citoyennes.

Madera Éco-Meubles

163, avenue Van Horne, Montréal, 514 435-6108

www.maderaecomeubles.com