Tant d'efforts pour mettre la maison propre! N'est-ce pas le comble de l'ironie, quand récurer rime avec intoxiquer, soi-même ou l'environnement, à cause des phosphates, phtalates et autres éthers de glycol? Au rayon des nettoyants écologiques, comment distinguer ceux qui sont verts un peu, beaucoup, passionnément ou... trompeusement? Quelques pistes pour frotter dans la bonne humeur et résister au lavage de cerveau.

Les fabricants de produits nettoyants se disputent le marché à grands coups d'écolabels et de mentions «bon pour la santé» ou «bon pour l'environnement», des affirmations souvent sans signification véritable, observent les scientifiques. Pour contrer l'écoblanchiment (ou greenwashing), ils proposent un grand ménage dans l'étiquetage des produits.

«Depuis 2005 environ, la presque-totalité des marques de produits nettoyants se positionne comme étant verte», affirme Fabien Durif, professeur-chercheur à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM et directeur de l'Observatoire de la consommation responsable (OCR).

Mais à trop vouloir montrer patte verte, les marques abusent des sceaux de certification écologique: une quarantaine ont été recensés sur les contenants, dans une étude intitulée Les stratégies de positionnement vert dans le secteur des produits d'entretien ménager au Québec, publiée en mai 2011 par l'OCR en collaboration avec Éthiquette pour un marché responsable. Un seul produit arbore parfois trois ou quatre logos. Les chercheurs ont relevé également plus de sept types de mentions liées à la sauvegarde de l'environnement et des noms de produits évoquant la santé de la planète.

Résultat: «Au lieu de donner de la crédibilité au produit, les «écolabels» induisent confusion et méfiance, souligne M. Durif. Un fabricant ne devrait pas utiliser un logo sans en expliquer la signification.» M. Durif donne l'exemple d'Envirolab, qui a attaché au bouchon de son contenant un dépliant sur la certification EcoLogo.





 

Deux logos forts

Un conseil de base pour le consommateur? «Rechercher un des deux logos officiellement reconnus et régis par des organismes indépendants, répond Fabien Durif: EcoLogo, une rigoureuse certification canadienne, et Design for the Environment U.S. EPA, de l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis.» L'étude de l'OCR a révélé que seulement 12% des produits nettoyants québécois portaient une de ces deux certifications.

D'autres ont des normes établies par une tierce partie, mais non vérifiées: par exemple «biodégradable selon les normes de l'OCDE» ou «non testé sur les animaux». Quant aux affirmations maison - fort nombreuses -, elles n'ont de valeur que si l'entreprise fait preuve d'une démarche sérieuse, détaillée sur l'étiquette, sur l'emballage ou dans le site web.

«Elles ont un fort potentiel d'écoblanchiment», dit Manuele Margni, professeur au CIRAIG, le Centre interuniversitaire de recherche sur le cycle de vie.

La fiche EPD

Les scientifiques souhaitent que se répande en Amérique du Nord l'usage de la fiche EPD (pour Environmental Product Declaration, déclaration environnementale de produit), une présentation régulée par les normes internationales ISO. L'EPD résume en quelques pages la volumineuse analyse de cycle de vie (ACV) réalisée sur ce produit par des scientifiques. Accessible sur le web ou par téléphone intelligent, l'EPD a aussi une version simplifiée, à mettre sur le contenant.

«Au lieu d'y trouver le contenu en protéines ou en glucides, comme pour les aliments, on y voit l'impact environnemental, explique M. Margni: émissions de CO2, consommation d'eau, écotoxicité aquatique, etc. « L'analyse du cycle de vie d'un produit, rappelle-t-il, est l'approche la plus holistique - mais aussi la plus exigeante - pour juger de sa valeur écologique.

«L'EPD, c'est l'avenir de la communication environnementale, renchérit FrançoisCharron, coordonnateur scientifique à Quantis, une entreprise qui met en application l'approche du cycle de vie pour des entreprises, notamment Rona. Elle permet de comparer un produit avec ses concurrents. Mais en Amérique du Nord, pour les produits nettoyants, ce système n'a pas été mis en place.» Sur le marché québécois, la marque Rona Eco sélectionne les meilleurs produits de leur catégorie suivant l'approche cycle de vie.

Un petit fabricant qui n'a pas les moyens d'acquérir une certification ou de procéder à une ACV peut faire valoir sur le web des qualités majeures telles que la réutilisation des contenants (Nettoyants Lemieux, Bio Green Crystals) ou la fabrication locale.

D'autres éléments ont également un impact majeur sur la santé des écosystèmes: une faible consommation d'énergie ou d'eau dans le processus de fabrication ou d'utilisation, des matières premières renouvelables, des contenants recyclables et un contenu minime en composés toxiques.

Des dizaines de substances toxiques peuvent entrer dans la fabrication des produits nettoyants. Les phtalates, entre autres, accompagnent presque toutes les fragrances. Les huiles essentielles sont une façon plus saine de parfumer.

«Rechercher un des deux logos officiellement reconnus et régis par des organismes indépendants: EcoLogo, une rigoureuse certification canadienne, et Design for the Environment U.S. EPA, de l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis.»



Qu'est-ce que l'écoblanchiment?

L'écoblanchiment - greenwashing - est un procédé de marketing qui utilise, de façon abusive, déformée ou mensongère, des arguments écologiques pour présenter un produit ou une organisation qui ne le sont pas. C'est habiller en vert des produits qui, à bien y regarder, n'allègent pas la charge que les humains font peser sur l'environnement. 

...et le cycle de vie?

L'analyse du cycle de vie, ou ACV, est une méthode scientifique qui pondère tous les aspects environnementaux, économiques et sociaux propres à l'existence d'un produit. L'ACV scrute le produit - ou service - «du berceau au tombeau», autrement dit du prélèvement des matières premières jusqu'au recyclage ou au site d'enfouissement. Elle permet ainsi de faire des choix qui minimisent les impacts environnementaux.