Par son pouvoir émotionnel et par le plaisir qu'elle procure, la décoration est une activité artistique aussi valable et noble que la peinture. Notre maison est notre univers. Et les objets qui s'y retrouvent, «si petits soient-ils», doivent être considérés comme des «micro-univers domestiques». Ils participent à notre bien-être.

Par son pouvoir émotionnel et par le plaisir qu'elle procure, la décoration est une activité artistique aussi valable et noble que la peinture. Notre maison est notre univers. Et les objets qui s'y retrouvent, «si petits soient-ils», doivent être considérés comme des «micro-univers domestiques». Ils participent à notre bien-être.

Mais comment? Et pourquoi? Voilà l'objet de la recherche entreprise par Natalie Tremblay, étudiante au doctorat en ethnologie des francophones en Amérique du Nord, à l'Université Laval. La jeune femme a lu presque tous les ouvrages sérieux sur la maison, le décor et l'intimité.

Elle retient notamment le point de vue de l'auteur québécois Denis Pelletier, qui affirme que la maison contient «des trésors de banalité, de pas racontable, de rien de spécial à dire, d'entre nous qui n'a pas besoin d'explication». «Le chez-soi est un lieu où l'on peut se vouer passionnément à l'ordinaire», résume-t-il de façon si réaliste et humaine.

Pleine de photos et de souvenirs de voyages, notre maison qui «se souvient» est un musée. Les dons et les legs des grands-parents la transforment en «gardienne de l'immémorial». C'est une petite église, un temple, un lieu sacré dès qu'une petite roche ramassée dans la rue devient le symbole d'un moment, d'une émotion, d'une rencontre.

Futile, la décoration ? Essayez d'en convaincre cette jeune fille qui a récupéré chez sa mère le coffre en bois de son grand-père défunt. «Elle l'a décapé, elle l'a réchauffé, puis elle l'a placé dans le hall, sur le seuil de sa maison», relate Natalie Tremblay, qui l'avait interrogée pour sa recherche. «Pour elle, il représente maintenant la fondation de sa famille. C'est un objet qu'elle a idéalisé.» Dans notre maison, nous sommes à l'abri. Nous éprouvons la sensation d'être entourés, contenus. «L'intimité consiste donc à vivre à l'intérieur d'un espace et à le ressentir comme une enveloppe protectrice», écrit Denis Pelletier.

Décorer sa maison n'est pas un geste vide de sens, pas plus qu'un élan vers la consommation. Non, la décoration n'est pas futile, répète l'étudiante. «La décoration a son utilité, ne serait-ce que parce qu'on a besoin de futilité dans notre vie, pour faire contrepoids à notre travail et à nos obligations.»

Source d'équilibre

Mais il faut accepter que la décoration soit une source de plaisir et s'y abandonner. «La décoration peut être une source d'équilibre», croit-elle. Tel un peintre qui arrange les formes et les couleurs dans l'espace de sa toile, le designer d'intérieur compose dans la maison un tableau qui régale les yeux. Il peut bien sûr succomber à la mode et acheter chez Zone ou chez IKEA le bibelot vert sauge recommandé dans tous les magazines. «En choisissant un objet, nous le rendons unique», nous rassure Natalie Tremblay.

Et quand cet objet dépasse l'usage utilitaire et se met à évoquer des souvenirs et des rêveries, il nous fait du bien et nous réconforte. «L'objet décoratif a plusieurs fonctions, a-t-elle noté. Il peut être bêtement utilitaire. Il peut aussi être un signe de différence ou d'appartenance. Il peut enfin avoir une connotation affective, en lien avec soi-même ou avec les autres.»

Natalie Tremblay en a pour des années avec sa réflexion sur «la sensibilité esthétique et les relations que nous entretenons avec les objets du décor de nos maisons». Elle est certaine que la télévision a un impact sur notre univers domestique. Et elle croit qu'avec Internet, nous vivrons et travaillerons un jour dans une «maison globale». «Cette occupation intensive de l'espace habité pourrait avoir un impact sur le décor», avance-t-elle.