Des rhododendrons et des azalées en fleurs en octobre; de nombreux arbres qui portent encore leurs feuilles à la fin novembre; un mélèze et un olivier de Bohème encore tout verts début décembre. Décidément, nos automnes ont bien changé.

Des rhododendrons et des azalées en fleurs en octobre; de nombreux arbres qui portent encore leurs feuilles à la fin novembre; un mélèze et un olivier de Bohème encore tout verts début décembre. Décidément, nos automnes ont bien changé.

D'ailleurs, le phénomène des feuilles qui tardent à tomber avait fait la une de La Presse en novembre 2002. Mais cette année, les changements semblent encore plus marquants, du moins à première vue.

Dans un récent passé, j'ai vu des rhododendrons nous offrir quelques fleurs fin septembre ou début octobre. Cette saison, un de ces mêmes rhodos était littéralement couvert de fleurs. Jean-Pierre Devoyault, de la pépinière au Jardin de Jean-Pierre, à Sainte-Christine près d'Acton Vale, raconte que toutes les azalées «Lime Light» ont fleuri chez lui en octobre. Du jamais vu.

Autre phénomène, pour le moins inusité, constaté chez un voisin: un mélèze est resté entièrement vert. La même chose s'est produite, sur une plus grande échelle, chez M. Devoyault. Normalement toutes les feuilles de l'arbre (les aiguilles des conifères sont en réalité des feuilles) auraient dû jaunir et tomber. J'ai observé aussi un olivier de Bohème tout en feuilles, alors qu'au Jardin botanique de Montréal, on signale la présence d'un bouleau européen qui semble avoir oublié que l'hiver est déjà arrivé. Mais le plus étonnant, c'est que dans les deux cas, tout le feuillage est encore vert, comme en plein été.

Que se passe-t-il donc? Rappelons que le changement de coloris et la chute des feuilles sont d'abord attribuables à la photopériode (les jours se font plus courts que les nuits), et à l'alternance de la chaleur diurne et de la fraîcheur nocturne qui s'accentue en fin d'été. Ces modifications physiologiques entraînent la formation d'une sorte de «bouchon» au bout du pétiole de la feuille, ce qui provoque une dégradation de la chlorophylle (le pigment vert) et laisse apparaître d'autres pigments comme le carotène, qui colore la feuille en rouge, orange, jaune, etc. Normalement quand le processus est complété, en octobre, au moment où les écarts de température sont encore plus prononcés, la feuille tombe.

Comme les expériences menées au Biodôme l'ont clairement démontré dans le passé, si la température est trop élevée, la chute des feuilles est beaucoup plus tardive et souvent désordonnée. Or, le mois de septembre, par exemple, a été l'un des plus chauds et des plus secs de la décennie. On a aussi battu tous les records d'ensoleillement depuis 1969. En octobre, la température moyenne a été de trois degrés plus élevée que la normale, ce qui est considérable. Voilà qui explique en bonne partie la chute tardive des feuilles.

Ce phénomène est aussi accentué chez une foule d'espèces «étrangères». En effet, les arbres d'origine européenne ou asiatique se comptent par centaines de milliers dans notre environnement. Leur comportement physiologique est dicté par leur patrimoine génétique acquis au cours des millénaires dans leurs pays d'origine. Si bien que plusieurs espèces et cultivars européens de bouleaux, de mélèzes ou encore d'érables, notamment le populaire érable de Norvège, perdent normalement leurs feuilles beaucoup plus tardivement que nos espèces locales. Le mélèze européen, par exemple, omniprésent sur nos terrains, perd habituellement ses délicates aiguilles à la mi-novembre, alors que son cousin nord-américain est dénudé depuis un bon moment.

Mais comment expliquer que le feuillage soit encore vert au début de décembre? Vraisemblablement parce que le climat de la fin de l'été et de l'automne a été plus instable qu'en temps normal, notamment beaucoup plus chaud. Heureusement, ce type de perturbation a rarement des impacts négatifs sur nos arbres. Au Jardin de Jean-Pierre, les mélèzes qui ont refusé de se départir de leurs aiguilles l'automne n'ont jamais éprouvé de problèmes pour autant, confirme le propriétaire. Elles sont d'ailleurs tombées lors des premiers grands froids de décembre. Il va sans dire toutefois que les bourgeons d'azalée (ou encore de lilas), qui ont fleuri en septembre, ne produiront pas de fleurs au printemps.

 

Photo Armand Trottier, La Presse

Le bouleau vert du Jardin botanique.