Pour de nombreux propriétaires en banlieue comme en milieu rural, le cerf de Virginie est un cauchemar. La bête broute une bonne partie de la végétation qui embellit leur environnement, été comme hiver. Les dommages sont souvent considérables, parfois irréparables. Pourtant, beaucoup de végétaux prisés pour leur beauté sont dédaignés par le chevreuil et permettent de réduire leurs méfaits. Voici quelques conseils.

Aucun végétal ne sera épargné par un chevreuil affamé

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Très utilisés en Europe comme haie, les ifs et leurs nombreux cultivars sont prisés du chevreuil. Ils ont toutefois l’avantage de repousser sur les branches broutées et produisent de jolis fruits dont sont friands les oiseaux.

Les experts sont unanimes : aucun végétal ne sera épargné par un chevreuil affamé. C’est une question de survie. Mais certaines espèces sont beaucoup plus prisées que d’autres. C’est le cas du thuya. « Le cèdre pousse vite, il est de peu d’entretien et peu coûteux. C’est le conifère le plus populaire pour ériger des haies, explique Marc Légaré, conseiller auprès des pépiniéristes pour l’Institut québécois du développement de l’horticulture ornementale. Pour le chevreuil, c’est une ressource alimentaire de premier choix. » Un constat confirmé par la biologiste Lisyanne Metthé qui explique que, dans son milieu naturel, les conifères les plus utilisés par le cerf sont le thuya, l’if et la pruche.

Par ailleurs, dans certaines régions, surtout dans l’île d’Anticosti, et dans de nombreuses plantations d’arbres de Noël, le sapin baumier est aussi l’objet d’un broutage important. Par contre, l’if du Japon, l’espèce souvent utilisée en aménagement paysager, a l’avantage de repousser sur les branches dénudées. Le hic : il croît lentement et il est coûteux.

Du faux cyprès à l’épinette blanche

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Les pins, notamment les pins blancs comme cette variété « Taylor’s Sunburst », sont rarement appréciés du chevreuil.

L’Université Rutgers, un établissement public de l’État du New Jersey, tient un palmarès des plantes plus ou moins convoitées par le cerf de Virginie. Au Québec, Les jardins 2Montagnes présentent aussi un tableau intéressant. Chez Rutgers, la longue liste de végétaux (arbres arbustes, vivaces et annuelles) est divisée par catégories, selon qu’ils sont plus ou moins appréciés des cervidés, mais sans tenir compte cependant de leur résistance climatique.

Parmi les conifères les moins aimés figurent donc les épinettes (blanche, de Norvège, du Colorado), plusieurs espèces et variétés de pins (pin blanc, pin rigide, pin rouge, pin noir d’Autriche, pin sylvestre) ou encore les faux cyprès (jamais endommagés en pépinière, indique Marc Légaré, comme la plante dégage une odeur particulière à la coupe).

Feuillus et arbustes

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Les feuilles sont à la base de l’alimentation des cerfs.

Les feuilles, ramilles et bourgeons de feuillus sont à la base de l’alimentation du cerf. Le répertoire Rutgers présente quatre espèces rustiques habituellement délaissées par l’animal. C’est le cas du marronnier d’Inde (les cultivars « Briotii » et « Fort McNair » produisent des fleurs rouges et les bourgeons sont très collants), de l’arbre de Katsura, du magnifique bouleau noir et du bouleau à papier. Les autres bouleaux, l’amélanchier, et le saule tortueux sont aussi moins attirants.

PHOTO ARMAND TROTTIER ARCHIVES LA PRESSE

Plusieurs épines-vinettes ou berbéris atteignent de 1,5 à 2 m de hauteur, comme la variété « Rose Glow » au feuillage magnifique. Ses branches truffées d’épines tiennent les cerfs à distance.

La liste des arbustes plus ou moins négligés par le cerf est beaucoup plus longue. Une des espèces les plus intéressantes demeure l’épine-vinette, notamment le vieux cultivar « Rose Glow » avec ses 2 m de hauteur. Son feuillage est fort joli. Il est couvert d’épines et on peut en faire une haie inextricable. Parmi les autres espèces suggérées, notons le buis, l’aralia, le daphné, l’olivier de bohème (parfum exquis), les viornes, les sureaux, l’arbre à boucane, le caryopteris, les potentilles et plusieurs variétés plus ou moins rampantes comme les microbiotas ou les genévriers, deux conifères.

Vivaces et annuelles

PHOTO ROBERT MAILLOUX, ARCHIVES LA PRESSE

Plusieurs vivaces comme ces alliums décoratifs n’intéressent nullement les cerfs.

Le cerf adore les hostas, les hémérocalles, les géraniums vivaces. À éviter si le jardin est vulnérable. Par contre, il répugne à manger les vivaces suivantes : aconit, agastache, ail décoratif, baptisia, brunera, coréopsis, cœur saignant, échinops, lavande, nepata, pivoine, perovskia, thalictrum, yucca. Quant aux annuelles, songez aux cléomes, calendules, héliotropes (très parfumés), hélichrysums (les immortelles), nicotines, matricaires ou aux ageratums.

Des œufs répulsifs

Il y a des années, lorsqu’il aménageait sa pépinière, Jean-Pierre Devoyault a testé un répulsif artisanal à base d’œufs. « Ce fut un succès immédiat. Les chevreuils ont laissé nos plantes tranquilles pour brouter celles du voisin », explique le propriétaire des Jardins de Jean-Pierre, à Sainte-Christine, un coin de la Rive-Sud où la densité de cerfs est considérable.

Récemment, l’Université du Minnesota, établissement reconnu pour ses recherches en horticulture, citait une enquête sur les répulsifs à cerf qui arrivait à la conclusion qu’une des concoctions les plus efficaces était tout simplement une solution d’œufs frais entiers mélangés à de l’eau que l’on pulvérise sur les végétaux : 3 œufs par quantité de 3,7 litres d’eau. Une potion semblable à celle de M. Devoyault. Même s’il existe une foule de variantes, inutile d’ajouter d’autres ingrédients, fait valoir l’Université. Le traitement est inodore pour l’humain, mais doit toutefois être renouvelé tous les 15 jours et est inactif l’hiver, d’après l’établissement.

Consultez la liste de l’Université Rutgers (en anglais) Consultez la page de l’Université du Minnesota (en anglais) Consultez la liste de la pépinière Jardin2M