Un toit vert? Rien ne vaut l'expérience pour en parler en toute connaissance de cause.

Un toit vert? Rien ne vaut l'expérience pour en parler en toute connaissance de cause.

Il y a deux ans, quand une professionnelle nous a suggéré de profiter de la construction d'un petit pavillon de jardin, près de la maison, pour y aménager un toit vert, nous avons tout de suite été emballés.

Surtout que le jardin aérien devait être visible, même de l'intérieur de la maison et qu'il devait être facile d'entretien.

Avoir sous les yeux un jardin incliné, à quatre mètres du sol, et profiter du même coup d'un endroit couvert pour se détendre, l'idée était séduisante. D'autant plus que le sujet était et demeure plus d'actualité que jamais. Imaginez, uniquement dans La Presse, 130 articles ont été publiés sur les toits verts au cours des deux dernières années, plus d'un texte par semaine.

La suggestion de l'architecte-paysagiste Chantal de Menezes était d'autant plus intéressante qu'elle était originale. Sans compter que nous pouvions la réaliser presque complètement nous-mêmes, ce qui signifiait théoriquement une réduction de coût. Mais il a fallu rapidement se rendre à l'évidence que notre futur jardin aérien constituait une expérience hasardeuse.

L'expertise est limitée dans l'aménagement de toits verts, et encore plus pour des bâtiments non isolés. C'est là d'ailleurs qu'est tout le défi: réussir à faire pousser des plantes dans des conditions extrêmes. Les toits végétaux sont le plus souvent aménagés sur des édifices institutionnels et des immeubles à logements.

À vrai dire, à l'origine, un de mes objectifs était d'inciter des fervents de jardinage à verdir eux aussi le toit de leur cabanon ou de leur pavillon de jardin. Et pour cela, rien de mieux que de prêcher par l'exemple. Vision d'amateur!

Adieu narcisses!

Chemin faisant, il a fallu modifier les plans, la structure étant trop haute pour notre champ de vision. Les correctifs ont permis d'obtenir une pente douce d'environ 25 degrés. La dimension du toit est de 3,6 m sur 5, soit 18 mètres carrés (196 pieds carrés). La structure a été construite pour soutenir un poids minimum de 90 livres au pied carré et les fermes de toit ont été renforcées avec des panneaux de contreplaqué.

La construction s'est déroulée sans trop d'anicroches jusqu'au moment de l'installation des toiles et du substrat qui allait devenir le jardin proprement dit. On nous avait suggéré de contacter la firme Soprema, une multinationale spécialisée dans les revêtements de toiture. Le hic, c'est que la compagnie est un fournisseur de matériaux et n'agit jamais comme entrepreneur. Heureusement, devant mon désarroi et l'originalité du jardin aérien, l'entreprise a consenti à nous fournir une certaine expertise et à nous vendre des matériaux, notamment des toiles isolantes et un substrat spécial de plus de trois tonnes métriques, composé en partie d'éclats de briques.

L'automne avançant à grand pas, il était trop tard pour aménager notre nouveau toit avec des plantes. Nous avons donc décidé d'y planter 200 bulbes de narcisses car la partie inférieure de la structure, le plafond du pavillon, avait été isolée avec d'épais panneaux de polystyrène, ce qui devait réduire, en principe, les risques d'insuccès. Ce fut peine et argent perdus. Durant tout l'hiver, j'ai imaginé mon toit couvert de narcisses. Le rêve s'est rapidement évanoui au printemps. Tous les bulbes avaient gelé.

Contrairement aux toits verts construits sur des édifices - ce qui leur assure une isolation supplémentaire -, mon jardin arien est exposé à tous vents. Si la température extérieure atteint -25 C, les plantes sont exposées à la même température. Ce qui n'est pas le cas sur le sol, par exemple, où les racines des végétaux profitent de la relative chaleur radiante emmagasinée sous terre. Si bien que celles-ci sont rarement exposées à de très grands froids.

Semences aériennes

En juin dernier, 10 mois après le début de l'aventure, le jardin aérien était toujours tout nu.

Cette fois, c'est Isabelle Dupras qui est venue à mon secours. Horticulture Indigo, son entreprise de production de plantes indigènes, venait de mettre en marché des plantes spécifiques pour les toits verts. Des plantes qui ont la couenne dure, des espèces qui peuvent résister à des gels sibériens, faisait-elle valoir.

Seront plantés tour à tour, à des dizaines d'exemplaires, trois types de sedums (S. floriferum, S. kamtschaticum, S. «Rosy Glow», de la ciboulette, une espèce d'iris (Iris setosa), une verge d'or (Solidago nemoralis), du thym serpolet, une graminée (Festuca punctoria), le sempervivum «Purple Beauty» et Lychnis alpina. C'est à la fin d'avril qu'on saura si elles ont résisté ou non à l'hiver. Je me croise les doigts! Surtout que l'épaisse couverture de neige qui les recouvrait est disparue lors du récent redoux. Elles ont besoin d'avoir la couenne dure.

Jardiner en hauteur

Un jardin facile d'entretien, vous disais-je. La chose est très relative. Je n'avais pas réalisé lors de la présentation du projet que les arbres tout autour déverseraient des tonnes de semences sur le toit. Il a donc fallu éliminer les bébés frênes qui se sont montrés le nez. J'ai même découvert en septembre un aster en fleur venu je ne sais d'où. D'ailleurs, l'élimination des mauvaises herbes s'est imposée à quelques reprises au cours de l'été, un travail délicat qui, chaque fois, exige l'installation d'une échelle.

Selon Mme Dupras, il faut environ six interventions au cours d'un premier été à la suite de l'aménagement de ce type de toit vert et quatre, la seconde année. Parmi ces travaux, il faut notamment arroser lors des grandes canicules pour assurer une bonne implantation des végétaux.

Le jardin n'a guère évolué au cours de cette première saison de croissance et il faudra attendre deux à trois ans avant que les plantes n'occupent tout l'espace offert. Après quoi le désherbage deviendra inutile.

Autre petit problème: comme promis, le substrat utilisé s'égoutte très bien. Le hic, c'est que nous n'avions pas prévu de gouttière à l'endroit le plus bas du toit pour des raisons esthétiques. Conséquence, l'eau dégoutte sur le sol (et les passants) deux ou trois jours durant, après une averse. Il faudra trouver une solution.

Expérience agréable soit, mais pas de tout repos. L'aménagement d'un toit vert exige aussi plusieurs milliers de dollars additionnels par rapport à un toit conventionnel. Il faut assurer une solidité accrue, prévoir plusieurs revêtements spécifiques et quantité de substrat, en plus des végétaux. Mais le grand avantage, si les plantes survivent à leur premier hiver, c'est que nous pourrons l'admirer en tout temps. L'expérience se poursuit...

 

Photo Armand Trottier, La Presse

Mise en place des toiles imperméables.