Remplacer le gazon par des arbres fruitiers, des fines herbes, des plantes médicinales… De plus en plus de municipalités du Québec décident de planter dans leurs parcs et leurs espaces verts des forêts nourricières. Dans leur cour ou à l’avant de leur maison, des citoyens font de même. Pourquoi et comment démarrer ce type d’aménagement ? Petit guide pour s’y retrouver.

Une forêt nourricière, c’est quoi ?

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Noah Rouyère dispose une partie des plantes du projet.

Lorsqu’on pense à une forêt, on imagine inévitablement un grand espace où pousse une multitude d’arbres. Parfois, c’est d’ailleurs avec un certain étonnement que des citoyens découvrent que la forêt nourricière inaugurée dans un parc de leur quartier ne comprend que quelques spécimens d’arbres fruitiers, raconte Noah Rouyère, de la coopérative Arbre-Évolution.

Par exemple, au parc Gilles-Latulippe, à Longueuil, où La Presse a rejoint son équipe lors d’une journée de plantation en septembre, le projet comptait moins d’une dizaine d’arbres. « Une forêt nourricière, c’est un aménagement comestible qui imite les principes d’une forêt », décrit-il. Et comme dans une forêt naturelle, on trouve différentes strates de végétaux. Oui, il y a des arbres, bien entendu, mais également des arbustes, des herbacés, des plantes grimpantes, énumère Noah Rouyère.

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Wen Rolland, formateur et designer écologique, photographié dans sa cour

« On cherche à créer un écosystème », explique le formateur et designer écologique Wen Rolland, à qui l’on doit le terme « forêt nourricière » pour désigner ce type d’aménagement qu’ailleurs on décrit comme une food forest ou une forêt-jardin. « On crée quelque chose qui est nourricier pour nous, les humains, mais aussi pour les oiseaux, les insectes. On veut aussi nourrir le sol. [...] C’est beaucoup plus que simplement un endroit où l’on vient mettre des plantes », poursuit-il en entrevue téléphonique.

« La forêt nourricière, ça se veut très diversifié », souligne Noah Rouyère, de la coopérative Arbre-Évolution. Dans ce parc situé à deux pas de la station de métro Longueuil–Université de Sherbrooke, pruniers, cerisiers, framboisiers côtoieront plants de fraises, de lavande, d’argousiers et bien d’autres. Pourquoi miser sur la diversité ? « C’est important pour la résilience des aménagements », répond-il. Une plus grande diversité rend la forêt nourricière moins sensible aux maladies.

Des plantes aux multiples fonctions

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Le plus récent projet de Wen Rolland, au parc Saint-Simon-Apôtre, à Montréal

Avant de jouer dans la terre, mieux vaut bien réfléchir à l’aménagement que l’on souhaite créer, insiste Wen Rolland, qui donne des formations sur le sujet depuis 13 ans. « On plante quelque chose pour 30, 40, 50 ans », rappelle-t-il.

Cette planification passe d’abord par le choix des végétaux. Ceux-ci peuvent être divisés en deux grandes catégories, qui parfois se recoupent : les plantes comestibles et les plantes utiles.

Dans les plantes comestibles, on a tous les petits fruits, les fines herbes, etc. Dans les plantes utiles, on va avoir les plantes de fertilité, soit celles qui aident à fixer de l’azote dans le sol [...] comme le trèfle blanc, la baptisia, le lupin, puis des plantes à paillis, qui vont servir à générer de la masse organique pour nourrir le sol en surface.

Wen Rolland, formateur et designer écologique

Les plantes médicinales et les plantes qui attirent les insectes pollinisateurs entrent également dans la catégorie des plantes utiles. « On aime les plantes qui ont de multiples fonctions », souligne Wen Rolland, en donnant l’exemple de la consoude, une plante médicinale excellente comme paillis.

Dans la planification, on doit aussi prendre le temps de vérifier notamment le type de sol, le drainage, l’ensoleillement afin de choisir les arbres et les plantes les mieux adaptés à son terrain. Les meilleures périodes de l’année pour planter sont à l’automne et au printemps.

Des avantages…

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Noah Rouyère, d’Arbre-Évolution

Nos deux spécialistes sont d’accord : les avantages de la forêt nourricière sont nombreux. D’abord, sur le plan environnemental, puisqu’elle contribue à la biodiversité. « Ta forêt nourricière, ça devient un hôtel pour les insectes et les oiseaux », illustre Noah Rouyère. Sans compter qu’elle ajoute des zones d’ombre pouvant combattre les îlots de chaleur et qu’elle filtre l’air.

Et puis, même s’il faut parfois attendre quelques années avant qu’un arbre ou un arbuste fruitier ne commence à produire, avouons que se délecter d’un fruit fraîchement cueilli dans sa cour est un délicieux avantage.

« On peut faire beaucoup de découvertes et d’apprentissages, fait également valoir Wen Rolland. J’aime bien faire pousser des petits fruits un peu bizarres comme l’aronia. Les gens ne trouvent pas ça très bon juste comme ça, mais c’est super intéressant quand on en fait des confitures. »

… et des erreurs à éviter

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Du bois raméal fragmenté

Une forêt nourricière, c’est aussi moins d’entretien qu’un aménagement horticole normal. Mais attention : moins ne veut pas dire aucun. « C’est souvent une erreur que les gens font. Ils pensent que c’est magique », indique Wen Rolland.

« J’ai un mantra. Je dis toujours que les trois premières années, il faut s’en occuper comme un potager », poursuit-il. On doit notamment désherber, tailler les arbres et les arbustes et parfois déplacer certaines plantes.

De son côté, Noah Rouyère suggère d’ajouter chaque année du paillis appelé bois raméal fragmenté, qui « imite les feuilles et l’humus qu’il y a sur les sols forestiers ».

Et finalement, pas de gaspillage : il ne faut pas oublier de récolter les fruits du précieux travail de la nature (et de l’humain).

Consultez le site d’Arbre-Évolution Consultez le site de Wen Rolland

Variétés à planter

Fraisier

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Fraisiers alpins

Petit fruit chouchou des Québécois, la fraise a non seulement bon goût, mais son plant produit aussi des fruits dès sa première année de plantation. « Les fraisiers se propagent et vont occuper l’espace rapidement », soulève Noah Rouyère, de la coopérative Arbre-Évolution.

Lavande

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Quelques plants de lavande

En plus de dégager un parfum apaisant, la lavande est une plante aimée des pollinisateurs. Elle peut être cuisinée ou utilisée dans la fabrication de produits corporels.

Mélisse

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De la mélisse

Plante de la même famille que la menthe, la mélisse tolère l’ombre. « On peut en mettre autour des arbres. Même quand ils vont grandir, elle va aimer son environnement », indique Noah Rouyère, qui souligne aussi ses vertus relaxantes.

Cassis

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Des cassis

« Le cassis, c’est fantastique, assure Noah Rouyère. Ce n’est pas très gros, ça tolère l’ombre, c’est délicieux. » De plus, on peut facilement faire des boutures de cet arbuste, ce qui permet d’agrandir tranquillement sa forêt nourricière.

Argousier

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Des argousiers

L’argousier est un exemple d’espèce qui fixe l’azote dans le sol. Grâce à cet arbuste, la terre est donc plus nutritive pour les autres végétaux qui l’entourent.