Fraîchement écloses au Québec, les fermes florales, comme celle d’Enfants sauvages, s’implantent avec une mentalité de culture écoresponsable qui jette un nouvel éclairage sur la fleuristerie.

Comme chaque mercredi, chez Enfants sauvages, les fleurs sont assemblées en bouquets. C’est 68 arrangements floraux, pour être précis, qui quitteront les jardins d’Ayer’s Cliff en cette mi-mai, afin d’être distribués, dès le lendemain, aux abonnés et clients ponctuels de Montréal, de la Montérégie et de l’Estrie.

Délicatement, patiemment, les framboisiers sauvages, tulipes et chatons de saule sont agencés avec un soin esthétique assuré par Alice Berthe, ancienne chargée de communication convertie à l’agriculture. Son conjoint, Thierry Bisaillon-Roy, s’affaire quant à lui aux champs, un moniteur pour bébé greffé à la ceinture afin de veiller sur Hazel, 14 mois, qui roupille comme tous les jours à cette heure.

  • Alice Berthe (à droite) et son amie Nassila Boukaria préparent des bouquets pour la livraison du lendemain.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Alice Berthe (à droite) et son amie Nassila Boukaria préparent des bouquets pour la livraison du lendemain.

  • Tulipes, feuillage de framboisier et branches de saule sont agencés.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Tulipes, feuillage de framboisier et branches de saule sont agencés.

1/2
  •  
  •  

Il y a trois ans, le couple d’urbains quittait la ville – à temps partiel dans un premier temps, puis à temps plein finalement – pour travailler une parcelle de son terrain de 24 acres composé essentiellement de forêt. « On avait envie de s’installer à l’extérieur de Montréal pour fonder une famille, raconte Alice. Les astres se sont alignés. » En effet, une terre était affichée à la moitié du prix de l’évaluation municipale sur un site immobilier. La propriétaire souhaitait que des jeunes s’y installent dans une perspective d’agriculture responsable. Une conjoncture parfaite.

Un projet non toxique

C’est dans cette campagne bucolique composée de vallons et semée de montagnes qu’Enfants sauvages a pris racines. Thierry, qui est formé en gestion de l’agriculture, explorait différentes possibilités de cultures – celles des noix ou de petits fruits moins connus, notamment. Alimentée par ses souvenirs de marchés aux fleurs, Alice souhaitait, pour sa part, y voir fleurir une roseraie. Leurs visions se sont rencontrées dans un projet de ferme florale combinant un volet artistique à celui de la terre.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Tulipes, feuillage de framboisier et branches de saule sont agencés.

Si le produit était encore à définir, l’intention, elle, était claire : faire de l’agriculture de façon biologique et valoriser ce terroir, alors en friche. « Quand on est arrivés, c’était la pampa, décrit Alice en souriant. Il y avait des herbes hautes sur tout le terrain. Pour marcher 100 m, c’était hyper compliqué. Un autre agriculteur aurait probablement mis un peu de Roundup [herbicide produit par la société Monsanto] avant de planter, mais nous, on y est allés avec d’autres moyens. »

Des bâches d’occultation ont été utilisées pour masquer la lumière et tuer les mauvaises herbes. Le procédé a été de longue haleine. En deux ans, le couple a néanmoins réussi à ouvrir graduellement quelques parcelles de terre. Une campagne de financement participatif a également permis d’investir dans un système d’irrigation et l’achat d’une serre froide, grâce à laquelle la saison est devancée. Des fleurs moins frileuses y poussent dès avril.

  • La culture en serre froide permet de devancer la saison.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    La culture en serre froide permet de devancer la saison.

  • Des bâches d’occultation ont été utilisées pour masquer la lumière et tuer les mauvaises herbes.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Des bâches d’occultation ont été utilisées pour masquer la lumière et tuer les mauvaises herbes.

  • Les fleurs sont livrées à moins d’une heure et demie de là où elles sont cueillies, ce qui permet d’inclure des variétés plus fragiles qu’en fleuristerie traditionnelle.

    PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

    Les fleurs sont livrées à moins d’une heure et demie de là où elles sont cueillies, ce qui permet d’inclure des variétés plus fragiles qu’en fleuristerie traditionnelle.

1/3
  •  
  •  
  •  

Le travail se fait sur un sol vivant, décrit Thierry. Sans pesticides, sans herbicides et sans machinerie (rendue moins nécessaire par une exploitation de petite dimension), selon un principe d’agriculture qui débute à la base : nourrir le sol qui nourrit la plante. Pour contrôler les insectes, Enfants sauvages utilise des filets. Les herbes envahissantes sont aussi domptées au moyen de barrières physiques, avec des cartons et des sacs de jute récupérés chez des commerçants du coin.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Les fleurs sont livrées à moins d’une heure et demie de là où elles sont cueillies, ce qui permet d’inclure des variétés plus fragiles qu’en fleuristerie traditionnelle.

Les ambitions de cette petite famille d’Ayer’s Cliff demeurent modestes, indique Thierry. « Ce qu’on peut imaginer, éventuellement, ce n’est pas si différent de ce qu’on voit là. On souhaite surtout pouvoir maximiser ce qui est déjà en place pour en vivre un jour décemment, tout en gardant du temps pour la famille, les baignades au lac et les marches en forêt. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Originaire de France, Alice Berthe avait l’habitude d’aller au marché chaque semaine, enfant, pour acheter des bouquets de fleurs.

« Moi, les fleurs ont toujours fait partie de ma vie, confie Alice, qui a grandi en France où la culture des fleurs est plus présente. Avec ma mère, chaque semaine, en allant au marché, on achetait des fleurs. Pas un bouquet à offrir, mais à mettre sur la table. Ça fait partie de ma culture, que de fleurir son intérieur. De la même façon qu’on met une belle nappe ou des beaux couverts. »

Cet été, Enfants sauvages ajoute à son offre des ateliers de confection de bouquets et de couronnes de fleurs. L’intérêt pour le projet est palpable, constate l’agricultrice qui reçoit bon nombre d’appels. Un jour, espère-t-elle, il sera normal de s’offrir un abonnement à des bouquets de fleurs pour enrichir son environnement et pour se faire du bien, au même titre que des cours de yoga.

Consultez le site d’Enfants sauvages