Dans une lettre adressée il y a une dizaine de jours au ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Pierre Corbeil, les scientifiques jugent aberrant que le gouvernement Charest n'impose pas, cette fois, de quota global de récolte alors qu'il s'agit toujours d'une population fragile, peu nombreuse. Ils estiment, en outre, que la chasse qui s'est déroulée l'an dernier n'avait d'expérimental que le nom, aucun protocole n'ayant été suivi.

Dans une lettre adressée il y a une dizaine de jours au ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Pierre Corbeil, les scientifiques jugent aberrant que le gouvernement Charest n'impose pas, cette fois, de quota global de récolte alors qu'il s'agit toujours d'une population fragile, peu nombreuse. Ils estiment, en outre, que la chasse qui s'est déroulée l'an dernier n'avait d'expérimental que le nom, aucun protocole n'ayant été suivi.

Tout en insistant sur le fait qu'ils ne sont pas des «anti-chasseurs», les trois signataires indiquent que non seulement les données scientifiques actuelles ne permettent pas de se faire une idée de la dynamique de la population, mais que le gouvernement aurait tout intérêt à reporter cette chasse de plusieurs années. Ce qui ne pourrait, dans des conditions idéales, que permettre l'augmentation des effectifs et favoriser un meilleur tableau de chasse. Selon les chercheurs, il y aurait de 1100 à 1600 dindons mâles dans le sud du Québec (seul le mâle peut être abattu).

«Tout laisse croire que la population de dindons a augmenté au cours des récentes années en raison notamment des hivers plutôt doux. Mais voilà, il n'y a pas eu d'inventaire au printemps dernier et tout laisse croire qu'il n'y en aura pas cette année. Or comme scientifique, ce ne sont pas mes impressions qui comptent mais bien des données précises. Or, elles ne sont que fragmentaires», insiste le chercheur Marc Belisle, de l'Université de Sherbrooke, responsable de la chaire de recherche du Canada en écologie spatiale et du paysage.

Permis émis: 500

L'an dernier, à la suite des pressions soutenues de la Fédération québécoise de la faune, le gouvernement Charest décidait de permettre la tenue d'une chasse expérimentale sur le territoire de cinq municipalités du sud-ouest du Québec. À la toute dernière minute, le ministère consentait à imposer un quota global de 30 oiseaux, à la demande expresse du chercheur Jean-François Giroux, du département des sciences biologique de l'UQAM, un des signataires de la missive adressée au ministre.

Même si les autorités gouvernementales prédisaient un taux de succès maximal de l'ordre de 10 %, la chasse a dû être interrompue beaucoup plus rapidement que prévu, 34 dindons ayant été abattus en l'espace d'une semaine, soit un taux de succès de 35 %. Or, comme la chasse est ouverte cette année sur un territoire beaucoup plus grand et qu'aucune limite de récolte n'a été fixée, les chercheurs craignent que le nombre d'oiseaux abattus ne soit beaucoup plus grand que la population de dindons ne peut le permettre.

Le gouvernement délivrera 500 permis cette année. Au ministère, on soutient au contraire que même si on abat autant de dindons mâles, cela aura peu d'impact sur la population. Cette chasse est gérée par la Fédération québécoise de faune (FQF: www.fqf.qc.ca). La saison est étalée sur deux périodes, du 24 au 29 avril et du 8 au 13 mai. Les permis seront offerts par tirage au sort et chaque chasseur devra suivre un cours sur l'écologie et la chasse du dindon d'un coût de 60 $ donné par la FQF. Au printemps 2005, 165 personnes s'étaient inscrites sur une possibilité de 300.

Marc Bélisle estime d'ailleurs qu'exception faite de la Fédération, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune fait peu de cas des autres partenaires intéressés par cette espèce. Dans le rapport gouvernemental sur la chasse du printemps dernier, on omet de mentionner les noms du Service canadien de la faune, de l'Association des groupes d'ornithologues, de l'Université de Sherbrooke ou encore des chercheurs qui ont soit financé ou participé aux inventaires.

Fait inusité, c'est la FQF et non le ministère qui a annoncé publiquement la nouvelle période de chasse. En mai dernier, le ministre Corbeil disait vouloir consulter les «partenaires» avant de prendre une décision pour la saison 2006. Or manifestement, plusieurs partenaires ont été oubliés.

Au bureau du ministre, on fait valoir que cette deuxième saison s'inscrit tout simplement dans le cadre d'une expérience qui doit se dérouler sur deux ans. Les analyses des résultats devraient permettre de prendre une décision sur l'instauration ou non d'une éventuelle saison de chasse au dindon dans le sud de la province.

Parfois malcommode, le dindon en question...

Si les dindons sauvages ne sont pas nombreux dans le sud du Québec, la situation est bien différente aux États-Unis où la population est passée de 30 000 dans les années 30, à environ sept millions aujourd'hui. Si bien que dans plusieurs régions, notamment en banlieue, la cohabitation avec les résidants est sujette à des conflits de plus en plus nombreux.

Plusieurs plaintes sont formulées notamment parce qu'en milieu urbain, les oiseaux se perchent dans de gros arbres pour dormir. Si bien qu'au petit matin, autos, toitures, terrasses ou meubles extérieurs sont couverts de fientes énormes. D'autres gallinacés sont attirés par les objets brillants qu'ils vont tenter d'arracher. Certains vont s'en prendre aux carrosseries de voiture parce qu'ils y voient le reflet de leur image. Mais c'est le caractère agressif de certains mâles dominants qui pose surtout problème.

Dans son numéro du 23 novembre dernier, le sérieux Wall Street Journal consacrait un long article aux inquiétudes suscitées par la présence du dindon dans certaines banlieues américaines. «Les dindons sont en train de devenir une nuisance au même titre que le cerf de Virginie et la bernache du Canada» y lisait-on. Un biologiste cité rappelait qu'il existait une importante hiérarchie parmi les groupes de dindons et que de toute évidence, les mâles dominants considéraient maintenant l'homme parmi ses congénères inférieurs, avec les conséquences qu'on imagine. Les cas d'agression sont de plus en plus fréquents. Souvent, c'est un mâle présent à une mangeoire qui s'en prend subitement à un badaud.

Le journal rapporte aussi qu'une joggeuse de Berkshire Hills, dans le Massachusetts, qui passait devant un élevage de dindons en liberté, a été soudainement prise en chasse par une trentaine d'entre eux. Voyant la scène, le chauffeur d'une camionnette s'est immobilisé, mais la coureuse a dû faire le tour du véhicule à plusieurs reprises afin de distancer les oiseaux et pouvoir ouvrir une portière. Elle a eu l'impression de vivre une séquence du film The Birds... sans la cabine téléphonique.

Plus près de nous, à Lennoxville, près de Sherbrooke, le 5 décembre, un dindon, qui s'alimentait un peu partout aux mangeoires du quartier, a soudainement attaqué une petite fille en tentant de la picorer, les ailes grandes ouvertes. Selon le quotidien La Tribune qui rapportait la nouvelle, on s'explique mal le comportement de la bête habituellement très familière avec les tout-petits. L'enfant, qui a des problèmes de motricité, a une démarche particulière, ce qui aurait pu susciter l'agressivité du gallinacé, croit-on. Mais le lendemain de la mésaventure, le dindon plus calme côtoyait à nouveau ses petits camarades.

Notre concours de photos Le Biodôme-La Presse

La période d'inscription au concours de photos Le Biodôme-La Presse débute le 5 mars avec la publication du premier formulaire de participation.

Comme par le passé, chaque personne peut inscrire un maximum de trois photos. Les catégories sont: oiseaux de ville et de banlieue; oiseau d'élevage ou de compagnie; libre. La date limite pour faire parvenir ses clichés est le 31 mars. Les gagnants seront dévoilés le 3 avril.

Plusieurs prix sont offerts notamment du matériel d'observation et pour les oiseaux de compagnie, ainsi qu'un séjour dans un territoire gouvernemental offert par la Société des établissements de plein air (SEPAQ). Toutes les photographies seront exposées à l'occasion de l'activité Ornithologie en fête qui se tient au Biodôme, du 29 avril au 22 mai. Et pour la premières fois, le public sera appelé à choisir trois gagnants parmi ceux qui n'auront pas déjà été sélectionnés par le jury. L'an dernier, il y a eu plus de 400 participants et plus de 1000 photos.