Non seulement niche-t-il presque exclusivement au Québec, mais la plus grande partie de la population de l'Est du continent -on parle d'au plus 5000 oiseaux- séjourne plusieurs mois par année sur le Saint-Laurent. L'automne, il patauge dans le fleuve dans le coin du parc du Bic ou encore de Rimouski ou de Matane. Puis quand le fleuve gèle sur la côte Sud, il va se rafraîchir de janvier à mars dans les eaux de la région de Charlevoix, surtout dans les secteurs de Saint-Irénée et de la Malbaie, mais aussi plus à l'est, à Baie-des-Rochers ou à Baie-Sainte-Catherine, près de l'embouchure du Saguenay et même plus loin en aval, à Baie-Comeau. Un canard qui n'a froid ni aux pattes ni aux yeux.

Non seulement niche-t-il presque exclusivement au Québec, mais la plus grande partie de la population de l'Est du continent -on parle d'au plus 5000 oiseaux- séjourne plusieurs mois par année sur le Saint-Laurent. L'automne, il patauge dans le fleuve dans le coin du parc du Bic ou encore de Rimouski ou de Matane. Puis quand le fleuve gèle sur la côte Sud, il va se rafraîchir de janvier à mars dans les eaux de la région de Charlevoix, surtout dans les secteurs de Saint-Irénée et de la Malbaie, mais aussi plus à l'est, à Baie-des-Rochers ou à Baie-Sainte-Catherine, près de l'embouchure du Saguenay et même plus loin en aval, à Baie-Comeau. Un canard qui n'a froid ni aux pattes ni aux yeux.

Après avoir étudié d'autres espèces marginales comme le canard arlequin et les oiseaux menacés du Québec, Michel Robert s'est attardé depuis quelques années sur le sort du garrot d'Islande, jadis appelé garrot de Barrow. Biologiste au Service canadien de la faune, il explique que, dans le passé, plusieurs données sur cet oiseau publiées dans des ouvrages scientifiques se sont révélées non fondées.

On a cru longtemps, par exemple, que les garrots qui batifolaient sur le Saint-Laurent au cours de l'hiver disparaissaient au printemps pour aller nicher dans la toundra, le seul endroit où on observait cette espèce en été. «C'est que les mâles quittent les femelles au début juin, une vingtaine de jours après le début de la ponte, juste avant l'éclosion, dit le scientifique. Ils vont alors muer dans le Grand Nord québécois, notamment sur la baie d'Hudson ou encore sur la baie d'Ungava, au nord-ouest de Kuujjuak, des données qui ont aussi été recueillies grâce à la télémétrie.»

Des lacs de montagne

On compte trois populations distinctes de garrots d'Islande dans le monde. Paradoxalement, la plus petite est établie en Islande. La plus importante compte autour de 200 000 individus et est répandue sur la côte Ouest. Elle hiverne en mer, près de la côte, de l'Alaska à la Colombie-Britannique, et dans une moindre mesure jusqu'en Californie. Toutefois, la grande majorité des reproducteurs s'installent en Colombie-Britannique. La population qui vit dans l'Est du continent est concentrée au Québec, mais un certain nombre d'individus se retrouvent dans les provinces maritimes et dans l'État du Maine.

Au Québec, le canard d'Islande niche exclusivement dans la forêt boréale, dans des cavités de vieux arbres, dans la région de Charlevoix, de part et d'autre du Saguenay, et dans l'arrière-pays de la Côte-Nord, là où les arbres sont assez gros pour offrir des cavités pour nicher. Contrairement aux autres espèces de canards arboricoles, le garrot ne peut profiter du travail du grand pic, l'oiseau charpentier étant absent de son territoire.

Le nid est parfois situé assez haut et à l'occasion, à deux ou trois kilomètres de l'eau. Non seulement les oisillons doivent-ils sauter du haut des airs pour quitter leur logis, mais le trajet qui les mènera à la première étendue d'eau est souvent fatal pour une partie de la nichée à cause des prédateurs aux aguets, surtout les rapaces.

On a aussi constaté, indique Michel Robert, que l'oiseau ne supportait pas la présence de son petit cousin, le garrot à oeil d'or, sur son territoire où il aménage son nid. Le garrot d'Islande affectionne particulièrement les lacs de petite superficie situés en montagne, des lacs sans poissons mais très productifs en insectes et autres invertébrés. De 300 à 400 étendues d'eau seulement répondent à ces critères dans l'aire de nidification. D'ailleurs, au Saguenay, les scientifiques ont obtenu un moratoire interdisant l'ensemencement de truites dans ce genre de lac, du moins dans certains territoires, afin de pouvoir conserver suffisamment de ressources alimentaires pour les oisillons, salmonidés et canetons se nourrissant d'insectes. Le biologiste s'inquiète toutefois davantage de l'impact de l'exploitation forestière. «Le territoire où niche le garrot d'Islande est restreint. Or, c'est justement à cet endroit que la coupe forestière est la plus intense au Québec. C'est un des rares territoires où la forêt d'antan est encore vierge et où les vieux arbres offrent encore beaucoup de possibilités de nidification. Or, au rythme actuel, cette forêt sera disparue dans 15 ans.»

Pourquoi ne pas installer des nichoirs artificiels? Si les garrots nichent volontiers dans ce type d'installation, et parfois plusieurs années d'affilée, il faut souligner que ces nichoirs doivent être entretenus régulièrement, sans quoi ils s'écrasent sur le sol après quelque temps, répond M. Robert. Et puis, il y a un hic.

«En Scandinavie, les nichoirs sont populaires en raison de la densité de population. Ils sont entretenus régulièrement, ce qui serait difficile dans nos territoires à garrots, où il n'y a pas âme qui vive. Plus encore, il a été démontré en Europe que si l'installation de nichoirs permettait une augmentation du nombre de couples de canards, au bout d'un certain temps, le nombre de canetons produit restait le même en raison de la compétition alimentaire dans l'habitat.»

Le garrot d'Islande produit une seule nichée par année, de 6 à 12 oeufs qui seront couvés uniquement par la femelle. Celle-ci est deux fois plus petite que le mâle, une conséquence de l'évolution naturelle, croit-on, sa taille lui permettant justement de nicher dans d'étroites cavités. La période d'incubation est de 20 à 30 jours et les petits se font entendre dans l'oeuf trois jours avant l'éclosion. C'est la femelle qui s'occupe de l'éducation des canetons pendant que le mâle mue dans les territoires nordiques.

Nourriture

Le régime alimentaire des petits est exclusivement composé d'invertébrés. Chez les adultes, le végétal ne représente normalement que 20% de l'alimentation. On sait peu de choses sur la mortalité naturelle de cette espèce mais le froid et la pluie sont responsables de la disparition de plusieurs oisillons à la sortie du nid. En Colombie-Britannique, certaines données indiquent une longévité moyenne d'un peu plus de trois ans chez les femelles. La longévité record est de 18 ans.

Le garrot d'Islande est chassé dans l'Est du continent. Au Québec, on ignore l'impact de cette chasse car l'oiseau figure rarement parmi les prises si on se fie aux enquêtes menées par le Service canadien de la faune auprès des chasseurs. Il est toutefois reconnu que l'oiseau se laisse facilement berner par les appelants.

GARROTS VOLCANIQUES...

Sur la grande île volcanique islandaise, la population de garrots d'Islande ne dépasse guère les 2000 individus. Presque toute la population (90 %) niche dans la région du lac Myvatn, une grande étendue d'eau peu profonde (environ 3 m de profondeur) presque complètement dépourvue de glace en hiver en raison de l'activité volcanique réchauffant les innombrables sources qui l'alimentent. Réserve naturelle protégée, l'endroit est aussi fréquenté par une quinzaine d'espèces de canards, notamment l'arlequin, dont la totalité de la population européenne niche en Islande.

Contrairement à leurs petits cousins nord-américains, les garrots islandais ne sont pas arboricoles... faute d'arbres. Ils nichent plutôt dans de petits cratères d'environ 100 à 200 m de diamètre, des formations géologiques très particulières créées jadis par des fumerolles. Les oiseaux installent leur nid dans les anfractuosités. Les oisillons qui profitent du soleil de minuit peuvent aussi se nourrir de graminées poussant en abondance sur le sol.

Plusieurs oiseaux nichent aussi dans les environs du lac, mais cette fois dans des nichoirs aménagés à même des bâtiments de ferme. Il s'agit d'un trou percé dans un mur donnant accès à une petite cabane, ce qui permet aux propriétaires de prélever une partie des oeufs pour le petit-déjeuner, une tradition ancestrale toujours tolérée, semble-t-il.