Pourtant, cela ne suffit pas à son bonheur. La coquette est obsédée, une obsession qui dure depuis des décennies. Le rose, le rouge et le jaune, pour ne nommer que ces coloris, ne parviennent pas à la satisfaire. Madame la rose rêve d'avoir la peau bleue. Le hic, c'est qu'elle ne possède pas le gène responsable de la formation du pigment bleu chez les plantes, la delphinidine.

Pourtant, cela ne suffit pas à son bonheur. La coquette est obsédée, une obsession qui dure depuis des décennies. Le rose, le rouge et le jaune, pour ne nommer que ces coloris, ne parviennent pas à la satisfaire. Madame la rose rêve d'avoir la peau bleue. Le hic, c'est qu'elle ne possède pas le gène responsable de la formation du pigment bleu chez les plantes, la delphinidine.

La rose bleue transgénique de Florigene. Il s'agit d'une modification génétique de la fleur de gauche. (Photo: Suntory)

Eurêka! En juillet 2004, après des années de recherche et des dépenses de plusieurs millions, la firme australienne Florigene, propriété du brasseur japonais Suntory -bien connu aussi dans le monde horticole-, réussit à créer une rose bleue. La rose, généti-quement modifiée, est le résultat d'une technique mise au point par la même compagnie au début des années 90. Celle-ci avait permis la création du premier oeillet bleu, une nouveauté mise en marché avec grand succès en 97 comme fleur coupée, notamment en Amérique du Nord, au Japon et en Australie. On avait alors utilisé un gène du pétunia.

En se servant de la même technique, les chercheurs ont pu prélever dans une pensée (viola) le gène de la delphidine pour l'introduire dans une rose. Le résultat fut spectaculaire. Néanmoins, d'autres recherches seront nécessaires pour obtenir un bleu ciel parfait, a alors reconnu Florigene. De plus, le rosier transgénique bleu s'est avéré trop fragile pour être mis en marché. Il faudra donc attendre encore quelques années afin d'obtenir une plante aux caractéristiques intéressantes pour les jardiniers. Mais le succès sera sans doute assuré. Qu'on aime ou pas, le marché de la rose bleue peut représenter des centaines de millions. La reine obsédée a manifes-tement l'esprit mercantile.

En attendant, les consommateurs, qui rêvent toujours de ce bleu transgénique, devront se contenter des roses des fleuristes colorées artificiellement. Et Dieu sait qu'elles ont l'air artificielles! Pourtant, il existe plusieurs rosiers qui produisent des fleurs aux coloris se rapprochant du bleu. Plusieurs sont lavande ou mauve foncé, les coloris les plus populaires actuellement aux États-Unis chez les amateurs de roses. Certaines sont toutes nouvelles comme les deux dernières produites par Weeks Rose, de Californie, un des plus importants rosiéristes dans le monde avec une production annuelle de plus de quatre millions de plants.

Parfum exquis

La première s'appelle Rhapsody in Blue, du nom de l'oeuvre de George Gerswin présentée en 1924. Elle vient tout juste d'être mise en vente pour l'année 2006 par le détaillant Edmunds Roses de l'Oregon (www.edmonds roses.com), qui en a obtenu l'exclusivité pour un an. Vendu à prix courant (19,95$ US), le rosier est aussi offert au Canada, par catalogue électronique à la condition de payer le certificat phytosanitaire obligatoire pour l'importation. Le document coûte 25$US, mais peut servir pour plusieurs plants d'une même livraison. Si la chose vous intéresse, hâtez-vous de commander car il n'y a que 2500 Rhapsody en vente sur tout le continent.

Ce rosier, d'origine anglaise, répond aussi au nom de Frantasia en Europe. Sa floraison est continue et il produit des grappes de fleurs composées de 16 à 20 pétales, de couleur mauve, souvent très foncés mais devenant plus bleutés à la fin de sa maturité. Arbustif mais dressé, ses feuilles sont vert foncé, légèrement plissées.

Selon Christian Bédard, jeune hybrideur québécois qui travaille chez Weeks depuis quelques années, Rhapsody in Blue devrait atteindre autour de 75 cm de hauteur dans la région de Québec et probablement 1,5 m dans la région de Montréal, en raison du climat plus doux. En Angleterre, où le temps est à la fois frais et doux, il atteint 2 m. «Plusieurs tests menés aux États-Unis ont démontré que ce rosier éprouve des difficultés dans les régions chaudes. Par contre, il devrait donner de bons résultats au Québec, sauf si la période de canicule s'étend sur plusieurs semaines, comme cela arrive parfois dans la grande région métropolitaine», dit-il. M. Bédard conseille de le planter dans un endroit frais, bien aéré, protégé si possible du soleil de midi, tout en ayant à l'esprit que les rosiers exigent de six à huit heures d'ensoleillement par jour pour être heureux.

L'histoire de Rhapsody ne date pas d'hier, puisque les premiers croisements ont commencé en 1975 et qu'il est le résultat de l'hybridation d'une dizaine de variétés. Enregistré officiellement en 1999, il est apparu sur le marché anglais en 2002. L'année suivante, il a remporté le titre de rose de l'année, en plus de se mériter un prix en Irlande pour son parfum.

Le gagnant 2006 de la All-America Rose Selections, Wild Blue Yonder, dégage un parfum exquis. (Photo: Weeks Rose)

Par ailleurs, Weeks a raflé deux des quatre grands prix de la All-America Rose Selections 2006 pour ses hybrides Julia Child, de couleur jaune et au parfum très particulier, et Wild Blue Yonder, de couleur lavande, plutôt foncé. Il s'agit de la première rose lavande honorée par la vénérable société depuis 20 ans, un coloris nouveau jugé extraordinaire, selon ses termes.

Le rosier grandiflora atteint environ 1,5 m. Il est dressé, son feuillage est vert foncé et ses fleurs lavande tendent à devenir plus foncées par temps frais. Plutôt grandes (autour de 7 cm de diamètre), elles possèdent de 25 à 30 pétales et émettent un parfum de rose et de citron très agréable que j'ai eu l'occasion de humer à quelques reprises. Ce rosier devrait être offert dans plusieurs pépinières québécoises au printemps. Peut-être vous fera-t-il oublier son futur cousin miraculé de la génétique moderne!

Rappelons par ailleurs que la All-America Rose Selections est une société à but non lucratif fondée en 1938. Elle dispose de 20 jardins d'essai, un peu partout aux États-Unis, dans le but d'analyser les nouveaux rosiers selon une grille d'évaluation qui compte 15 critères. Parmi les rosiers primés qui sont devenus des célébrités notons Peace, Knock Out et Bonica.