Du côté des villes, nombreuses à avoir adopté des règlements souvent plus sévères que le code provincial, la chasse aux contrevenants s'embourbe.

Du côté des villes, nombreuses à avoir adopté des règlements souvent plus sévères que le code provincial, la chasse aux contrevenants s'embourbe.

Déclarations mensongères, dénonciations de voisins et poursuites qui traînent: les nouveaux règlements sur les pesticides donnent du fil à retordre aux autorités.

Le Québec fait figure de pionnier, avec son code de gestion restreignant sévèrement l'usage des pesticides en milieu urbain. Ce règlement provincial entre en vigueur progressivement jusqu'à l'an prochain.

Les villes ont le droit d'aller plus loin ou plus vite que les autorités provinciales. La Cour suprême, dans une cause impliquant la Ville de Hudson, l'a confirmé en 2001. Depuis, une soixantaine de villes au Québec en ont profité.

Longueuil est l'une d'elles. Avant d'utiliser un pesticide, on doit y demander un permis d'épandage, qui pourra être accordé en cas d'infestation... à condition de ne pas avoir pour voisin une école ou une garderie. L'an dernier, Longueuil a reçu 886 demandes mais n'a accordé de permis que dans 7 % des cas, une soixantaine en tout.

En 2004, première année d'application du nouveau règlement, Longueuil a délivré une soixantaine de constats d'infraction à une dizaine d'entreprises, dont la plus importante au Québec. Cependant, les poursuites seront déposées seulement l'automne prochain. «Ça va prendre du temps parce que c'est la première année, affirme Me Mylène Bergeron, avocate au dossier à Longueuil. L'objectif est de rectifier la situation, pas de percevoir des amendes.»

Il y a deux types d'infractions à Longueuil: épandre sans permis un pesticide visé par le règlement et omettre de poser des affichettes d'avertissement. Les contrevenants s'exposent à des amendes de 500 $ à la première infraction et de 2000 $ pour une infraction subséquente.

Vaudreuil-Dorion aussi interdit les pesticides depuis quatre ans. Marie-Josée Perron, l'écoconseillère de cette ville, dit en avoir vu de toutes les couleurs. «Il y a des compagnies qui disent utiliser des produits naturels, dit-elle. Mais des analyses ont révélé qu'il y avait jusqu'à 20 % d'herbicides dans les produits épandus, comme du 2,4-D, du mécoprop et du dicamba.»

«On met la santé des gens en danger, dit-elle. Il n'y a plus d'affichettes d'avertissement parce qu'on dit qu'on met des produits 100 % naturels. Et les techniciens n'ont pas de masque, ni de gants, ni l'équipement approprié pour épandre les pesticides. Leur santé est en péril. J'en ai vu un qui s'était aspergé du nombril jusqu'au bas des jambes. C'est fondamentalement malhonnête.»

L'industrie conteste

Avec ses 400 employés saisonniers, Vertdure est la plus importante entreprise d'entretien de pelouse au Québec. Son président, Jean Tremblay, a confirmé à La Presse qu'elle était l'une des entreprises visées par les constats d'infraction à Longueuil.

M. Tremblay dit qu'il contestera les poursuites si elles sont déposées parce que, selon lui, la Ville n'a pas de preuves et que tous ses produits sont conformes. «On va toutes les contester, dit M. Tremblay. Leur méthode de preuve était contestable. Ils ont dit: Les pissenlits sont tombés, donc il y a des pesticides, c'est sûr. Mais ça ne tiendra pas en cour. Il faut que la Ville fasse des échantillons.»

La Ville a fait analyser une vingtaine d'échantillons en tout mais n'a pas encore décidé si cette preuve serait employée dans le cadre de ses éventuelles poursuites.

Les villes se font plutôt avares de détails sur les entreprises visées et les poursuites en cours. Impossible de savoir quelles autres entreprises ont reçu des constats à Longueuil, mais la Ville indique que presque toutes détenaient un certificat municipal, obligatoire pour faire l'application de pesticides sur son territoire. Et toutes les entreprises conservent leur certificat cette année.

En dépit d'appels répétés, l'avocat de la Ville de Vaudreuil a refusé d'informer La Presse des résultats des récentes poursuites et de révéler le nom des compagnies reconnues coupables, le cas échéant. Le directeur général de Vaudreuil, Jean-Yves Truchon, affirme que la Ville a perdu des procès faute d'avoir prélevé des échantillons.

L'industrie ne se laisse pas faire. L'opposition aux pesticides est empreinte de «démagogie», selon le porte-parole de l'Association des services en horticulture ornementale du Québec, Jean Baillargeon. «Un règlement trop sévère, ça favorise le marché noir, la tromperie, l'hypocrisie, dit-il. C'est pour cela qu'il faut réduire et encadrer l'utilisation des pesticides, pas l'interdire.»

Micheline Lévesque est agronome et biologiste. Elle a supervisé la mise en oeuvre des règlements contre les pesticides dans plusieurs villes de la région de Montréal. Elle assure que les risques d'exposition aux pesticides sont réels et que les interdictions sont justifiées. Outre les dangers pour la santé, Mme Lévesque déplore que les entrepreneurs respectueux sont les grands perdants quand certains ignorent les règles.

Elle voit aussi des failles dans les cas où les permis d'épandage sont accordés. «Par exemple, une affichette doit être posée au moins 48 heures et pas plus de 72 heures avant l'application, et une lettre doit être envoyée aux voisins, dit-elle. Ce qu'on voit, c'est que les gens ne donnent pas de lettre à leurs voisins. Dans d'autres cas, les affiches ne sont pas posées.» À Longueuil, les écoconseillers disent recevoir des appels de citoyens soupçonneux. «Des fois, ils nous disent: Il y a eu de l'épandage chez mon voisin et il y avait des odeurs, dit Anne-Marie Goulet. Mais il faut prendre les entrepreneurs sur le fait.»