Pour construire la maison idéale, à la fois peu énergivore, saine, durable et chaleureuse, la science des bâtiments a fait des pas de géant. Mais le savoir-faire ancestral n’a pas dit son dernier mot. À preuve, une entreprise québécoise mise sur des charpentes à tenon et mortaise, une méthode millénaire, pour ses maisons écologiques.

Le ciel est bas et le vent, glacé. Mais Bruno Lagendyk sourit à pleines dents. « Je prends beaucoup de photos, je suis un peu en extase, la maison prend enfin forme ! », lance-t-il pendant qu’une grue hisse un madrier de pin, que deux ouvriers fixeront à la structure apparue en moins de deux jours parmi les collines de Val-Morin, dans les Laurentides.

L’ingénieur nouvellement à la retraite et sa conjointe devront attendre la fin de l’hiver pour s’y installer, mais ils se voient déjà dans cette future demeure qu’ils voulaient faite de matériaux naturels, pour éviter les composés organiques volatils toxiques, bien isolée, avec beaucoup de bois apparent et capable de résister au temps.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Bruno Lagendyk, propriétaire

C’est notre dernière maison, je veux qu’elle dure 100 ans !

Bruno Lagendyk, propriétaire

Ça tombe bien, c’est en plein ce que propose Linéaire Design, l’entreprise d’écoconstruction fondée à L’Islet il y a un peu plus de 15 ans par les frères Samuel et Dominique Pépin-Guay, deux passionnés de bois depuis... toujours. « Nos parents étaient dans le domaine de la restauration et de la récupération de bâtiments anciens, raconte Samuel. On a baigné là-dedans toute notre vie. »

Une vie dans le bois

Formés en ébénisterie, les frères Pépin-Guay se sont d’abord lancés dans le mobilier, au début des années 2000, mais ils ont rapidement décidé de se concentrer sur la construction en misant sur des charpentes en bois massif, où toutes les pièces s’imbriquent comme des Lego grâce à des tenons (extrémités saillantes) et des mortaises (entailles).

  • Le montage de la charpente de cette maison de Val-Morin a pris moins de deux jours.

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    Le montage de la charpente de cette maison de Val-Morin a pris moins de deux jours.

  • Chaque pièce fabriquée en atelier est numérotée pour être assemblée rapidement.

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    Chaque pièce fabriquée en atelier est numérotée pour être assemblée rapidement.

  • Quelques coups de maillets suffisent en général à insérer les tenons dans les mortaises. Précédés, s’il le faut, d’un coup de rabot ou deux.

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    Quelques coups de maillets suffisent en général à insérer les tenons dans les mortaises. Précédés, s’il le faut, d’un coup de rabot ou deux.

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Cette façon de construire s’avère très durable. D’une part parce que les structures peuvent tenir pendant des siècles, d’autre part parce qu’elles génèrent peu de déchets. « C’est possible de démonter une maison en bois comme ça qui a 200 ans pour en faire une nouvelle sans presque rien envoyer au dépotoir », illustre Samuel Pépin-Guay.

Si les vieilles maisons sont reconnues pour leur longévité, elles le sont moins pour leur efficacité énergétique. « De ce côté-là, c’est pas terrible », admet le fabricant. Or, il existe aujourd’hui des moyens de combler cette lacune. Ces dernières années, Linéaire a donc perfectionné l’alliance entre un savoir-faire immémorial et des matériaux techniques de qualité, fabriqués pour la plupart en Europe.

Une maison bâtie « à l’envers »

La maison née de cette union, baptisée Ultima Éco, a de quoi surprendre, notamment parce qu’elle est bâtie « à l’envers », en commençant par l’intérieur. « Notre charpente structurelle se trouve 100 % à l’intérieur de la maison, elle fait partie des meubles », explique Samuel Pépin-Guay. L’isolation, les murs, le toit, tout vient s’appuyer sur ce cadre, qui restera visible pour les occupants.

Pour assurer une bonne efficacité énergétique, « on travaille en pelures d’oignon », poursuit le concepteur. Une succession de couches apposées sur la charpente forme une enveloppe qui coupe les ponts thermiques et emprisonne la chaleur (ou la fraîcheur). Mais pas l’humidité, et c’est là une autre particularité de ces constructions.

En effet, l’ajout d’une membrane « perspirante » sur la structure de bois massif, l’isolant de chanvre et les panneaux de tremble qui remplacent le gypse font en sorte que la maison régule elle-même l’humidité, ce qui améliore la qualité de l’air et prévient les problèmes de moisissure.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Samuel Pépin-Guay, cofondateur de Linéaire Design

Notre maison, c’est comme un manteau Gore-Tex, qui respire, mais qui te garde au chaud en ski de fond.

Samuel Pépin-Guay, cofondateur de Linéaire Design

Cette façon de construire est plus coûteuse, de l’ordre de 10 % à 25 %, évalue l’entreprise. Mais les gains en énergie, et sur la valeur de revente, viennent rééquilibrer les choses. Pour réduire le prix, Linéaire s’en tient à des volumes modulables simples, sans pignons ni lucarnes. L’utilisation de vis structurales, entorse à la tradition, fait aussi gagner du temps (et de l’argent) au montage.

  • Pour réduire le prix, Linéaire s’en tient à des volumes modulables simples, comme pour ce chalet.

    PHOTO STÉPHANE BOURGEOIS, FOURNIE PAR LINÉAIRE DESIGN

    Pour réduire le prix, Linéaire s’en tient à des volumes modulables simples, comme pour ce chalet.

  • La charpente de bois massif, faite principalement en pin traité à l’huile, reste visible. Les murs, l’isolation et le toit s’appuient sur la structure.

    PHOTO STÉPHANE BOURGEOIS, FOURNIE PAR LINÉAIRE DESIGN

    La charpente de bois massif, faite principalement en pin traité à l’huile, reste visible. Les murs, l’isolation et le toit s’appuient sur la structure.

  • Il faut aimer le bois quand on choisit une maison conçue par Linéaire. Le « look rustique moderne » résiste bien à l’épreuve des modes, croit Samuel Pépin-Guay.

    PHOTO STÉPHANE BOURGEOIS, FOURNIE PAR LINÉAIRE DESIGN

    Il faut aimer le bois quand on choisit une maison conçue par Linéaire. Le « look rustique moderne » résiste bien à l’épreuve des modes, croit Samuel Pépin-Guay.

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Linéaire livre ses maisons en kits, mais c’est un entrepreneur général, Larix Construction dans le cas de Val-Morin, qui assemble les pièces détachées.

Utiliser autant de bois pour construire une maison risque-t-il de vider les forêts ? Non, rassure Samuel Pépin-Guay, qui a aussi fondé la coopérative Arbre-évolution, dont la mission de reforestation veut compenser tous les arbres abattus.

  • La maison modèle de Linéaire Design à L’Islet, à l’est de Québec

    PHOTO STÉPHANE BOURGEOIS, FOURNIE PAR LINÉAIRE DESIGN

    La maison modèle de Linéaire Design à L’Islet, à l’est de Québec

  • En plus de visiter la maison, les acheteurs potentiels peuvent y effectuer un court séjour.

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    En plus de visiter la maison, les acheteurs potentiels peuvent y effectuer un court séjour.

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Linéaire possède une maison modèle à L’Islet, près de Québec. Un deuxième bâtiment « vitrine », abritant plusieurs logements, doit aussi sortir de terre sous peu sur la Côte-du-Sud. Les acheteurs potentiels peuvent déjà visiter la première... et même y faire un court séjour, histoire de tester le concept. Et qui sait, peut-être sauteront-ils eux aussi sous peu de joie, appareil photo en main, sur un chantier !

Consultez le site de Linéaire Design