Lorsque les vents se déchaînent et les rivières sortent de leur lit, ce sont les bâtiments qui en font surtout les frais.

Et à l’aube des dérèglements climatiques, des scientifiques du Conseil national de recherches tentent de préparer l’environnement bâti du Canada à des phénomènes météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents et destructeurs.

« Nous allons voir des changements dans la manière dont nous concevons de nouveaux bâtiments pour aider à prévenir la propagation des incendies de forêt, pour prévenir les dommages causés par les inondations », illustre Marianne Armstrong, qui dirige cet effort de recherche.

« Nous voulons créer une culture de réflexion sur la résilience. »

Le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) est sur le point de conclure un programme de recherche de cinq ans, qui a examiné comment les changements climatiques et les nouvelles normes qui en découlent modifieront les diverses pressions sur les bâtiments, les routes, les ponts, le traitement des eaux usées, le transport en commun et autres infrastructures.

Plus d’une centaine de chercheurs ont travaillé sur ce projet, doté d’un budget de 42,5 millions. Parmi ceux-ci figurent des experts en matériaux, des océanologues ainsi que des ingénieurs en aérospatiale et en transport. Une centaine d’organisations, telles que des universités, des gouvernements provinciaux et des municipalités, y ont également pris part.

Les codes du bâtiment du Canada sont modernisés tous les cinq ans. Leur prochaine mise à jour est prévue dès cette année et elle devrait apporter les toutes premières modifications en réponse à la nouvelle réalité climatique du pays.

« Les changements climatiques, le fait que nous voyons maintenant un changement rapide de cet environnement, sont une nouvelle priorité pour nous », souligne Frank Lohmann, qui est responsable du développement des codes au CNRC.

Le nouveau code du bâtiment canadien rehaussera les exigences en matière de résistance aux vents et aux charges de neige. De nouvelles règles seront mises en place pour la collecte de l’eau de pluie. Des systèmes de refoulement automatique deviendront obligatoires pour réduire les risques d’inondation.

De nouvelles normes liées aux changements climatiques sont également en voie d’être introduites pour les fenêtres, l’isolation extérieure, les tests de résistance au feu, les pare-air et les bardeaux d’asphalte.

Et ces prochaines modifications ne sont qu’un début, indique M. Lohmann : « Le gros des changements viendra en 2025 ».

Le CNRC construit présentement une base de données pour anticiper les contraintes climatiques sous différents scénarios pour chaque région du pays. Les chercheurs étudient comment ces contraintes sont susceptibles d’affecter la durabilité des murs et des toitures.

Certains élaborent de nouvelles directives pour que les structures résistent mieux à des niveaux d’inondation plus élevés. D’autres veulent s’assurer que les bâtiments restent frais pendant les vagues de chaleur.

« Nous sommes en train de réunir les données en vue de ces futures conditions climatiques pour trouver comment concevoir (les bâtiments) en conséquence », expose Mme Armstrong.

La base de données devrait être complétée en 2020, précise-t-elle, à temps pour être prise en compte dans le prochain cycle de modifications du code du bâtiment.

Entre les mains des provinces

Le code national du bâtiment, préparé par le CNRC, est sans effet tant qu’il n’est pas adopté par les provinces, qui se dotent de leurs propres règlements. Ainsi, les recommandations des scientifiques peuvent se concrétiser de diverses manières, que ce soit sous la forme de lois, de lignes directrices ou encore de simples programmes d’incitatifs.

Le Canada n’est pas seul à s’intéresser à la résilience de ses bâtiments. Marianne Armstrong a récemment pris part à une conférence où ses collègues américains, néo-zélandais et australiens se posaient tous les mêmes questions.

« Le Canada a quelques années d’avance. Nous sommes sur une lancée pour nous adapter », croit-elle.

La tâche n’est pas mince.

Le CNRC doit non seulement tenir compte des différentes variables du réchauffement planétaire, mais aussi des façons dont le monde réagira à cette nouvelle réalité. Les scientifiques doivent donc se pencher sur l’impact que les changements climatiques auront sur la population canadienne et l’utilisation des terres, entre autres.

« Il y a encore beaucoup de questions, encore beaucoup de travail scientifique à faire, relève Mme Armstrong. L’avenir sera toujours incertain. Cela dit, nous pouvons vous dire à quel point il le sera, pour que vous puissiez vous-mêmes décider comment planifier en conséquence. »

« Une chose est sûre : le futur ne ressemblera pas au passé. »