Profitant de la faiblesse des forces ukrainiennes, la Russie mène depuis vendredi une offensive terrestre dans la région de Kharkiv. Et elle gagne du terrain. Portrait de la situation.

Qu’est-ce qui se passe sur le sol ukrainien ?

Depuis vendredi, la Russie a revendiqué la prise d’une dizaine de localités dans le nord-est de l’Ukraine, où des milliers de civils ont été évacués en raison de combats féroces.

« Toutes les zones de la frontière nord sont sous le feu de l’ennemi presque 24 heures sur 24. La situation est difficile », a déclaré le gouverneur de la région de Kharkiv, Oleg Synegoubov.

Le commandant en chef des forces ukrainiennes, Oleksandr Syrsky, a admis que la situation s’était « significativement dégradée » et restait « compliquée ».

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Depuis vendredi, la Russie a revendiqué la prise d’une dizaine de localités dans le nord-est de l’Ukraine.

Les forces ukrainiennes « font tout ce qu’elles peuvent pour maintenir leurs lignes de défense et infliger des dégâts à l’ennemi », a-t-il ajouté.

Dimanche, le ministère russe de la Défense a fait état de la prise de quatre villages supplémentaires, certains situés à moins de 50 kilomètres de Kharkiv, deuxième ville en importance du pays.

Kharkiv pourrait-il tomber ?

On en est encore loin. Les villages repris par l’armée russe sont tombés avec peu de résistance, fait remarquer la professeure de science politique à l’Université McGill Maria Popova.

« Il ne s’agit pas d’une réelle percée de la Russie », note-t-elle.

À l’inverse, Kharkiv est lourdement fortifié. Même si l’armée russe réussissait à s’en approcher, elle se buterait à des kilomètres de tranchées, creusées au cours des derniers mois en vue d’un assaut terrestre.

« Plusieurs analystes s’entendent pour dire qu’il n’y a pas assez de troupes russes pour saisir la ville de Kharkiv », souligne Justin Massie, professeur de science politique à l’Université du Québec à Montréal.

Mais elles pourraient la bombarder. « La ville est assez protégée dans la mesure où l’armée russe n’est pas à portée de tir. Ce ne serait plus le cas si [elle] continuait à avancer », poursuit-il.

Selon l’expert, il pourrait aussi s’agir d’une « tentative de diversion » dans le but de dégarnir le front ukrainien dans l’est du pays, où les combats se poursuivent.

« Malgré tous les évènements qui se déroulent dans la région, Kharkiv est calme. Nous ne voyons pas de gens partir », a déclaré dimanche son maire, Igor Terekhov.

Assistons-nous à un nouveau tournant dans la guerre ?

S’il est encore tôt pour le dire, il est clair que le vent tourne en faveur de la Russie.

Après deux ans de guerre, l’Ukraine peine à recruter des soldats. Elle manque de munitions, tandis que l’aide internationale tarde à être livrée.

Les États-Unis ont annoncé vendredi une nouvelle aide militaire de 400 millions de dollars à l’Ukraine afin qu’elle fasse face à l’offensive russe, qui promet de « s’intensifier ».

Il s’agissait de la troisième annonce d’aide américaine en moins de trois semaines.

N’empêche, il faudra prévoir des mois avant que l’ensemble de l’aide ne soit livrée, estime Justin Massie. Même chose pour le recrutement et la formation de nouveaux soldats ukrainiens.

Pendant ce temps, la Russie avance petit à petit. « L’armée russe fait des gains marginaux, mais qui s’accumulent depuis plusieurs mois », observe le professeur.

« Neuf villages, ce n’est pas rien », remarque à son tour Dominique Arel, professeur à l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire en études ukrainiennes.

Selon lui, la reprise d’une dizaine de localités par l’armée russe doit être d’autant plus difficile à avaler qu’elles avaient été capturées puis libérées par l’armée ukrainienne au début de l’offensive russe.

« Les habitants revivent les premières semaines de la guerre », dit-il.

Que se passe-t-il avec le ministre russe de la Défense ?

Le président russe, Vladimir Poutine, a limogé dimanche le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, en poste depuis 2012.

PHOTO ALEXANDER NEMENOV, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Sergueï Choïgou était ministre de la Défense de la Russie jusqu’à son limogeage par Vladimir Poutine, dimanche.

Il sera remplacé par Andreï Belooussov, un économiste, et deviendra secrétaire du Conseil de sécurité, selon un décret publié par Moscou. Aucune explication n’a été fournie.

« Aujourd’hui, sur le champ de bataille, celui qui l’emporte, c’est celui qui est le plus ouvert à l’innovation », a simplement justifié le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Malgré une série de revers humiliants en Ukraine, Vladimir Poutine avait maintenu sa confiance envers Sergueï Choïgou.

À l’été 2023, il avait été visé directement lors de la révolte avortée des combattants du groupe paramilitaire de Wagner. « Ce salaud sera arrêté », avait lancé Evguéni Prigojine avant d’envoyer ses hommes vers Moscou.

Andreï Belooussov, son remplaçant, a une formation d’économiste et aucun bagage militaire. Il était premier vice-président du dernier gouvernement depuis 2020 et un des principaux conseillers économiques de Vladimir Poutine ces dernières années.

Avec l’Agence France-Presse et Le Monde