(Vitry-sur-Seine) « Vous savez, en France, il n’y a pas que Paris. Bordeaux, c’est bien, il fait plus chaud qu’ici ! » : une employée de l’Office de l’immigration tente de convaincre un migrant évacué du plus grand squat de France, près de Paris, de partir dans le sud-ouest du pays. Sans grand succès.

Dans ce squat de Vitry-sur-Seine (sud de la capitale), une entreprise désaffectée occupée depuis presque trois ans, vivaient jusqu’à peu plusieurs centaines de migrants – jusqu’à 450 – . Préparés depuis plusieurs jours par les associations à une évacuation imminente, les 300 personnes toujours présentes ont assisté mercredi, dans le calme, à l’arrivée des forces de l’ordre.

Des hommes seuls en majorité, des femmes et quelques enfants en bas âge, en situation régulière en France pour beaucoup, sont sortis de cette ancienne entreprise de transport. En portant sacs et valise qui contiennent toutes leurs affaires d’une vie d’errance.  

Dans le froid, visage fermé et inquiet, ils sont regroupés dans la cour. Derrière des tables, des personnels des préfectures et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) les orientent et proposent des relogements provisoires.  

Agrippés à leurs documents administratifs soigneusement mis sous pochette plastique, les migrants ont à peine quelques minutes pour expliquer leur situation, dans un français parfois approximatif ou un anglais balbutiant.

Sous la surveillance des forces de l’ordre, les files d’attente s’étirent devant ces bureaux à ciel ouvert. À l’exception de celui dédié aux départs en province.  

La plupart, demandeurs d’asile, sont fortement incités à rejoindre des « sas » – des structures d’accueil provisoires – à Bordeaux (sud-ouest) et en Val de Loire (centre). Les autobus en partance pour ces destinations attendent devant les grilles, mais peinent à se remplir.

« Je veux rester ici »

« Vous voulez aller en région ? Il y a plus de place là-bas, c’est dynamique ! », explique une employée de l’Ofii à un jeune migrant à l’air dubitatif qui comprend difficilement la proposition.

« Il n’y a pas que Paris comme ville en France », insiste-t-elle. Peine perdue, son interlocuteur explique suivre une formation en Île-de-France. Il est orienté vers la table voisine pour trouver une place dans un « sas » plus proche de Paris.

Abakar, lui aussi réfugié soudanais, 29 ans, était à Nantes (ouest). Il a rejoint la région parisienne pour suivre une formation en logistique. Le jeune homme dit avoir décroché une promesse d’embauche dans un supermarché : « Je veux rester ici, je ne peux pas toujours partir ailleurs ».

Depuis plusieurs mois, les associations dénoncent l’évacuation des squats de la région parisienne et campements de rue à un rythme plus soutenu, selon eux, pour faire place nette avant les Jeux olympiques et ses milliers de touristes.

« Il y a des places dans des structures d’accueil près de Paris, mais, clairement, la volonté est de les éloigner de la capitale. Surtout avant les JO », assure Paul Alauzy, représentant de l’ONG Médecins du monde.

Merci Daniel, demandeuse d’asile soudanaise, a confié ses enfants à une association du Val-de-Marne, au sud-est de la capitale. À l’intérieur du squat, explique-t-elle, « il y avait trop de violence ». Mais elle ne veut pas quitter l’Île-de-France. « J’ai peur de ne pas les revoir ». Elle est finalement orientée dans un hôtel à Boissy-Saint-Léger, en région parisienne, pour quelques jours.

Assise sur sa valise, Ishia, enceinte de cinq mois, semble perdue. Comme son mari, Gamaral, rencontré il y a quelques années lors d’un long parcours d’exil, elle a fui le Soudan. Ils sont arrivés en France il y a trois semaines.

Ishia est envoyée dans un hôpital. Gamaral, lui, ne « sait pas quoi espérer ».