(Bruxelles) L’Union européenne (UE) et la Hongrie ont échoué mardi à dénouer leur conflit sur l’État de droit. Menacé de perdre 13 milliards d’euros de fonds européens, Budapest bloque toujours plusieurs dossiers cruciaux dont celui de l’aide financière à l’Ukraine.

Réunis à Bruxelles, les ministres des Finances des Vingt-Sept n’ont pas réussi à convaincre le dirigeant nationaliste Viktor Orban de lever des vetos qui paralysent les institutions.  

Le dossier pourrait remonter dans les prochains jours au niveau des chefs d’État et de gouvernement, l’UE cherchant une issue tout en restant ferme sur ses principes.

Fin novembre, la Commission a recommandé aux États membres de suspendre 7,5 milliards de fonds de cohésion qui devaient être versés à la Hongrie dans le cadre du budget 2021-2027. Et si elle a validé le plan de relance hongrois post-COVID-19, doté de 5,8 milliards d’euros, elle en a conditionné le paiement à la mise en œuvre de réformes pour améliorer la lutte anticorruption et l’indépendance de la justice.

Parallèlement, Budapest fait obstruction au plan d’aide à l’Ukraine de 18 milliards d’euros pour 2023 et au projet d’impôt minimum sur les bénéfices des multinationales conclu au sein de l’OCDE.  

Accusée de chantage, la Hongrie dément tout lien entre ces blocages et la question des fonds européens.

Mais elle s’oppose aussi à de nouvelles sanctions contre la Russie, avec qui elle maintient des liens, et reste le seul pays de l’OTAN avec la Turquie à ne pas avoir ratifié l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’Alliance atlantique.

Plusieurs votes, qui devaient en principe se tenir mardi lors de la réunion des ministres des Finances, ont été retirés. Ils concernaient le plan de relance hongrois, la suspension des fonds de cohésion, le déblocage de l’aide macro-financière à l’Ukraine et le projet de taxation des multinationales.

Tous ces sujets « constituent un seul paquet, s’il n’y a pas d’accord sur tout, il n’y aura d’accord sur rien », a expliqué lors d’une conférence de presse le ministre tchèque des Finances, Zbynek Stanjura, qui présidait la réunion.

Une solution pour l’Ukraine

Il s’est toutefois voulu rassurant sur l’aide à Kyiv, en affirmant que le veto hongrois pourrait être contourné si nécessaire. « L’argent ira à l’Ukraine quoi qu’il arrive. Il y aura 27 pays membres participants ou 26, mais nous trouverons une solution », a-t-il dit, sans autres précisions.

Concernant les 13 milliards de fonds européens pour la Hongrie, Budapest a consenti à engager les réformes réclamées, mais Bruxelles a jugé l’effort encore insuffisant.

Les États membres ont demandé mardi à la Commission « de fournir une nouvelle évaluation » après une session du Parlement hongrois mercredi qui doit adopter de nouvelles mesures afin de répondre aux attentes de l’UE.

Cette nouvelle évaluation devra intervenir très rapidement pour débloquer les dossiers lors d’une prochaine réunion en décembre.

M. Stanjura s’est dit « confiant de pouvoir trouver un compromis dans quelques jours ».

Plusieurs diplomates estiment que la résolution du problème hongrois pourrait remonter jusqu’au plus haut niveau, c’est-à-dire au sommet des chefs d’État et de gouvernement prévu les 15 et 16 décembre.

La procédure dite de « conditionnalité » destinée à protéger le budget européen des atteintes à l’État de droit, une première pour l’UE, a été lancée contre la Hongrie en avril en raison « d’irrégularités systématiques dans les passations de marchés publics » ainsi que de « défaillances » en matière de poursuites judiciaires et de lutte contre la corruption.

Sous pression, Budapest a déjà adopté 17 mesures pour répondre aux inquiétudes de Bruxelles, dont la mise en place d’une « autorité indépendante » destinée à mieux contrôler l’utilisation des fonds de l’UE, soupçonnés d’enrichir des proches de Viktor Orban.

Les États membres ont jusqu’au 19 décembre pour se prononcer sur la suspension des 7,5 milliards d’euros de fonds de cohésion. Cette somme pourrait être revue à la baisse selon les progrès de la Hongrie, ont expliqué des diplomates.  

Le paiement des 5,8 milliards du plan de relance sera également conditionné à la mise en œuvre des réformes promises. Et sur ce dossier aussi, le temps presse. Si le plan n’obtenait pas le feu vert avant la fin de l’année, 70 % des fonds seraient perdus.