Il finira ses jours derrière les barreaux.

Au terme d’un procès-fleuve de 10 mois, Salah Abdeslam, dernier survivant des commandos djihadistes qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés à Paris le 13 novembre 2015, a été condamné mercredi à la perpétuité incompressible (sans possibilité de libération), la peine maximale prévue par le droit français.

Reconnus coupables de tous les chefs d’accusation, les 13 autres accusés présents dans le box ont pour leur part hérité de peines variées pour leur participation à divers degrés aux attentats qui avaient choqué la France et le monde il y a sept ans.

Perpétuité avec 22 ans de sûreté pour Mohamed Abrini. Trente ans pour Ahmed Dahmani, Osama Krayem, Mohamed Bakkali et Sofien Ayari. Entre 8 et 18 ans pour Mohammed Amri, Ali El Haddad Asufi, Yassine Atar, Adel Haddadi, Muhammad Usman. De deux à quatre ans pour quatre autres accusés.

Tous devront purger au moins les deux tiers de leur peine et seront par la suite interdits sur le territoire français.

Six autres accusés, probablement morts ou à l’étranger, ont également été condamnés à de lourdes peines, y compris le cerveau présumé des attentats, Oussama Atar, qui écope de la perpétuité.

« Peine exemplaire »

Malgré son ultime prise de parole, lundi dernier, Abdeslam, principal accusé de ce procès historique, n’aura donc pas réussi à convaincre les juges, qui ont délibéré pendant 48 heures avant de rendre leur verdict.

L’ennemi public numéro un de la France avait alors exprimé ses excuses « sincères », plaidant qu’il n’avait tué personne lors de cette soirée sanglante, où il avait fini par jeter sa ceinture d’explosifs dans une poubelle.

Mais il s’agissait pour la justice de donner une « peine exemplaire », affirme MAurélie Cerceau, qui représentait quatre parties civiles.

[Salah Abdeslam] était le dernier visage du commando. Pour plusieurs, c’était le visage du terrorisme. Il n’a pas tenu de kalachnikov, mais il a déposé en voiture des gens qui se sont fait exploser. Il a participé.

MAurélie Cerceau

MNegar Haeri, avocate de la défense, nuance et conteste. La décision des juges est selon elle « injustifiée », même si elle a du sens du point de vue symbolique.

« La peine d’Abdeslam est à la hauteur de la tragédie du 13-Novembre, mais elle n’est pas en lien avec sa responsabilité individuelle », argumente-t-elle.

La perpétuité vise en principe les gens « particulièrement dangereux », ce qui n’était pas le cas d’Abdeslam, argue Mme Haeri. « Il reste que c’est quelqu’un qui n’a pas de sang sur les mains. En plus, on l’a vu évoluer tout au long de ce procès. »

Fermé comme une huître lors des premières semaines, le Franco-Belge de 32 ans avait fini par s’ouvrir en jouant une carte plus humaine. Sans résultat.

Tourner la page

Ce verdict vient clore un procès hors norme, le plus important de l’histoire judiciaire récente en France.

Une salle d’audience spéciale avait été construite pour l’occasion au palais de justice de Paris. Des centaines de témoins, de policiers, d’experts et même l’ancien président François Hollande ont défilé pendant les audiences, où officiaient plus de 330 avocats représentant 2400 parties civiles, ainsi que 20 accusés, dont 14 présents dans le box.

Pour les survivants, c’est aussi la boucle qui se boucle.

Pendant 10 mois, les audiences auront permis aux uns et aux autres de panser les blessures et de poursuivre un processus de guérison parfois difficile.

Une communauté très particulière s’est par ailleurs tissée dans les coulisses de ce théâtre judiciaire. Les rescapés et proches des victimes ont pu nouer des liens et briser l’isolement dans lequel ils étaient confinés depuis le 13 novembre 2015. Entre eux, mais aussi avec les journalistes, les avocats, voire les accusés, auxquels ils ont pu être confrontés directement.

« On a vu une justice restauratrice. Ce procès aura surtout servi à ça », résume MCerceau.

Une page de tournée ? C’est selon. Si beaucoup peuvent enfin refermer le livre, d’autres continueront de porter des séquelles physiques et psychologiques de cette nuit tragique.

Selon Thierry Maillet, rescapé de la tuerie qui a fait 90 morts au Bataclan pendant un spectacle de rock, certains semblaient encore très fragiles mercredi pendant l’énoncé du verdict, et pourraient avoir du mal à faire le deuil de cette « famille reconstituée » pour retourner à la vie normale.

Ce n’est pas son cas.

« Ce procès était important, dit-il. Ça ne pourra jamais remplacer ceux qui sont morts, mais ça va apaiser. Maintenant, c’est fini, il est temps de passer à autre chose. De vaquer à nos occupations. Moi, je continue ma vie. La preuve : demain, je vais voir Kiss en spectacle… »