(Lyssytchansk) Les forces russes ont accentué mercredi leur progression vers Lyssytchansk, ville industrielle stratégique de l’est de l’Ukraine, à la veille d’un sommet européen où Kyiv espère obtenir le statut officiel de candidat à l’Union européenne.

Ce que vous devez savoir

  • Un navire marchand turc quitte le port ukrainien de Marioupol après des discussions sur les céréales à Moscou ;
  • Mort d’un journaliste ukrainien : une enquête de RSF accuse les forces russes ;
  • Une attaque de drone suspectée contre une raffinerie russe près de l’Ukraine ;
  • La Russie accuse Londres de l’empêcher de participer à l’assemblée de l’OSCE ;
  • Moscou change l’adresse de l’ambassade américaine pour honorer les séparatistes d’Ukraine ;
  • « Les Russes s’approchent de Lyssytchansk, prennent pied dans les villes voisines et bombardent la ville », selon Serguiï Gaïdaï, le gouverneur de la région de Louhansk ;
  • La région de la grande ville de Kharkiv a subi des bombardements meurtriers mardi : 15 morts, dont un enfant de 8 ans ;
  • Sur le plan militaire, des sources de sécurité occidentales parlent de 15 000 à 20 000 soldats russes tués ;
  • Plus de sept millions d’Ukrainiens sont déplacés dans le pays, selon l’ONU ;
  • Avant l’invasion russe, l’Ukraine comptait 37 millions d’habitants dans le territoire contrôlé par Kyiv, amputé notamment de la Crimée annexée par Moscou en 2014.
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Selon le lieutenant-colonel Andreï Marotchko, représentant des séparatistes prorusses combattants au côté des troupes de Moscou, les forces ukrainiennes sont désormais cernées dans deux villages supplémentaires situés à quelques kilomètres de Lyssytchansk et de sa ville jumelle Sievierodonetsk.

« Très bientôt, les groupes (ukrainiens) à Lyssytchansk et Sievierodonetsk seront encerclés », a-t-il déclaré à l’antenne d’une télévision russe, revendiquant pour son camp des « succès […] colossaux » en 48 heures.

« Les Russes s’approchent de Lyssytchansk, prennent pied dans les villes voisines et bombardent la ville avec leurs avions », avait reconnu plus tôt Serguiï Gaïdaï, le gouverneur de la région de Louhansk, épicentre du conflit ces dernières semaines.

Selon lui, « l’armée russe pilonne (aussi) Lyssytchansk avec son artillerie et ses tanks », et si les Ukrainiens contrôlent encore la ville, le déluge de feu russe y « détruit tout ».

La poche de résistance ukrainienne autour de Lyssytchansk et Sievierodonetsk est la seule qui échappe encore aux forces russes dans la région de Louhansk, où les violents combats d’artillerie durent depuis des semaines.

« L’enfer »

Les deux villes sont une étape clé pour les Russes dans leur plan de conquête de l’intégralité du Donbass, bassin essentiellement russophone et en partie tenu par des séparatistes prorusses depuis 2014.

Sur place, « c’est l’enfer », estime M. Gaïdaï, mais « nos hommes tiennent leurs positions ».

« Les Russes détruisent complètement les maisons, jusqu’aux fondations, avec leur artillerie », a déclaré mercredi le chef de l’administration de la ville, Oleksandr Stryuk, estimant qu’il reste « 7-8000 habitants » dans cette cité industrielle qui en comptait environ 100 000 avant la guerre.

Côté russe, les autorités ont indiqué que deux drones avaient attaqué et provoqué un incendie mercredi dans la raffinerie de pétrole Novochakhtinski, située en territoire russe, à quelques kilomètres de la frontière avec la région de Louhansk.

Selon les autorités locales, l’incendie n’a fait aucune victime et a été éteint en fin de matinée. Sans accuser nommément les forces ukrainiennes, Moscou a dénoncé des « actes terroristes venant de la frontière occidentale » de cette région russe.

L’armée russe a d’autre part accusé les Ukrainiens d’avoir monté une « provocation » en faisant exploser une école secondaire d’Avdiika, ville proche de Donetsk, sur la ligne de front, puis d’avoir « distribué photos et vidéos fabriquées dans les médias » afin « d’accuser les forces russes ».

« Hystérie russophobe »

Sur le plan diplomatique, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, en plus de réclamer davantage de livraisons d’armes lourdes à ses alliés occidentaux, s’active pour s’assurer que les 27 pays de l’Union européenne accorderont à l’Ukraine le statut officiel de candidat à l’UE jeudi lors d’un sommet prévu à Bruxelles.

« Aussi activement que nous nous battons pour une décision positive de l’Union européenne sur la candidature de l’Ukraine, nous nous battons quotidiennement pour obtenir des livraisons d’armes modernes », a martelé mercredi soir le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui doit participer de façon virtuelle au sommet du Conseil européen de Bruxelles.

« Nous attendons une décision européenne clef dans la soirée », a précisé celui qui n’a de cesse depuis des semaines de répéter l’appartenance de son ex-république soviétique à la « famille européenne ».

Il devait poursuivre jeudi son « marathon téléphonique » auprès des dirigeants européens pour arracher un consensus en faveur du oui.

Il peut compter sur le soutien de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui a appelé les dirigeants européens à « se montrer à la hauteur » en accédant à la demande de Kyiv.

L’exécutif européen a par ailleurs rendu il y a quelques jours un avis favorable sur la candidature de l’Ukraine et mardi, la France, qui assure la présidence tournante du Conseil de l’UE, a indiqué qu’un « consensus total » entre les Vingt-Sept avait émergé sur cette question.

À Berlin, le chancelier allemand Olaf Scholz a appelé mercredi à mettre sur pied « un plan Marshall » pour la reconstruction de l’Ukraine. « Nous aurons besoin de plusieurs milliards d’euros et de dollars supplémentaires et ce pendant des années », a-t-il souligné.

Le sommet européen de Luxembourg doit être suivi d’un autre du G7 et d’un troisième de l’OTAN. La question de l’aide financière à Kyiv devrait être au cœur des discussions de ces trois rencontres.

Avec la guerre, « notre vie a changé, mais pas notre vision du monde », et « notre […] but n’a pas changé », a-t-il déclaré : « Nous nous battons pour notre avenir, notre liberté, et notre terre. »

« Dicter la paix »

Selon Madrid, M. Zelensky participera en visioconférence au sommet de l’OTAN devant se tenir du 28 au 30 juin dans la capitale espagnole.

« La vérité, c’est que nous sommes encore loin de négociations entre l’Ukraine et la Russie parce que [le président russe Vladimir] Poutine croit encore en la possibilité de pouvoir dicter la paix », a également estimé M. Scholz.

Alors que Moscou commémore l’invasion de l’Union soviétique par l’Allemagne nazie en 1941, la diplomatie russe a accusé Berlin d’alimenter une « hystérie russophobe » et ce « de façon systématique par des attaques quasi quotidiennes de membres du gouvernement allemand contre notre pays ».

Et Moscou a reçu un nouveau soutien voilé du président chinois Xi Jinping, qui, dans une référence implicite à l’OTAN a fustigé mercredi « l’élargissement des alliances militaires », responsable selon lui entre autres de la crise en Ukraine.

Selon Ankara, un navire marchand turc a quitté mercredi le port ukrainien de Marioupol (sud-est) après des discussions entre délégations turque et russe à Moscou au sujet des céréales bloquées en Ukraine à cause de l’invasion russe.

La Turquie, qui se met en avant comme médiatrice, a également annoncé la tenue prochaine d’une rencontre quadripartite à Ankara avec des représentants des Nations unies, de la Russie et de l’Ukraine pour faire avancer le dossier des céréales bloquées dans les ports ukrainiens.

Mais Kyiv a nié qu’un accord ait été conclu en vue d’une telle rencontre, et Moscou, qui impose en mer Noire un blocus maritime à son voisin n’a fait état d’aucune avancée majeure en vue de débloquer les ports ukrainiens comme le demandent avec insistance plusieurs pays africains inquiets pour leur approvisionnement en blé.

« Pour toujours dans mon cœur »

À Lyssytchansk, une équipe de l’AFP a vu mercredi des soldats ukrainiens creuser une tranchée devant servir de poste de tir dans une rue du centre, et ériger des barricades avec des barbelés et des branches.

Plus au nord, Kharkiv, la deuxième ville d’Ukraine, tenue par les Ukrainiens et bombardée quotidiennement, les rues semblaient vidées de leurs habitants mercredi, selon une autre équipe de l’AFP sur place.

« Tellement de gens sont partis. Il ne reste plus que des mamies », témoigne Roman Pohuliay, 19 ans, sweat rose Hello Kitty et diamant à l’oreille, dans une rue de cette ville située à 50 km de la frontière russe.

Et deux terminaux de stockage de grains ont été touchés par des bombardements russes mercredi dans la ville portuaire de Mykolaïv, en Ukraine, ont indiqué à l’AFP leurs opérateurs.

« Les occupants ont frappé Mykolaïv, avec sept missiles », a confirmé le président Zelensky, dans son dernier message vidéo dans la nuit de mercredi à jeudi, faisant état de cinq blessés.

Selon l’Institut américain pour l’étude de la guerre (ISW), les forces russes ont vraisemblablement repris la rive orientale de la rivière Inhoulets, située entre Mykolaïv, toujours tenue par les Ukrainiens, et Kherson, plus à l’est, occupée par les Russes.

Les ports de Mykolaïv et d’Odessa sont bloqués depuis le début du conflit, ce qui paralyse le transport maritime des matières premières agricoles, principale voie d’exportation pour l’Ukraine jusque-là.

« Plan Marshall »

Le sommet européen doit être suivi d’un autre du G7 et d’un troisième de l’OTAN, auxquels participera le président américain Joe Biden. La question de l’aide financière à Kyiv devrait être au cœur des discussions de ces trois rencontres.

Le Sommet du G7 en fin de semaine en Allemagne débouchera sur « un ensemble de propositions concrètes pour augmenter la pression sur la Russie et montrer notre soutien collectif à l’Ukraine », a promis mercredi un haut responsable de la Maison-Blanche.

La Maison-Blanche a souligné que Volodymyr Zelensky interviendrait, virtuellement, lors de ces deux rendez-vous.

Le chancelier allemand Olaf Scholz a appelé mercredi depuis Berlin à mettre sur pied « un plan Marshall » pour la reconstruction de l’Ukraine, avec un budget de plusieurs milliards d’euros.

Par ailleurs, l’organisation de défense des journalistes Reporters sans frontières (RSF) va porter plainte devant la Cour pénale internationale (CPI) après sa publication mercredi d’une enquête selon laquelle le photoreporter ukrainien Maks Levin et un soldat qui l’accompagnaient ont été « exécutés », et probablement torturés, par des soldats russes en mars.