(Paris) Le président français Emmanuel Macron se retrouvait lundi privé de majorité absolue à l’Assemblée nationale, un revers qui ouvre une période d’instabilité et de délicates négociations politiques.

Après ce séisme législatif, qui menace de rendre le pays ingouvernable, le chef de l’État a convié mardi et mercredi au palais présidentiel les représentants des forces politiques ayant vocation à constituer la dizaine de groupes prévus à l’Assemblée.

« Dès lors qu’il n’y a pas de majorité alternative, la question de la manière de mener les transformations nécessaires pour le pays est posée. C’est le sens de cette rencontre avec les forces politiques : dialoguer et échanger pour l’intérêt supérieur de la Nation et bâtir des solutions au service des Français », a indiqué l’entourage du chef de l’État.

M. Macron recevra notamment mardi le représentant des Républicains (LR, droite), du Parti socialiste, et du Rassemblement national (extrême droite), avant d’autres mercredi.

Réélu en avril, M. Macron avait discuté à la mi-journée avec la première ministre Elisabeth Borne, nommée à la mi-mai, et deux ténors de sa coalition de la stratégie à adopter après les législatives de dimanche.

La coalition centriste libérale, qui s’est appuyée pendant le premier mandat de cinq ans d’Emmanuel Macron sur une confortable majorité absolue (fixée à 289 députés), ne conserve que 245 sièges sur 577 à l’issue du scrutin.

Le reste de l’hémicycle se répartit principalement entre l’extrême droite de Marine Le Pen, adversaire de M. Macron au second tour de la présidentielle d’avril, qui réalise une percée inédite avec 89 députés, la gauche unie à l’initiative de son tribun Jean-Luc Mélenchon (au moins 150 députés selon un décompte actualisé) et la droite classique (LR).

« Pas à vendre »

Cette dernière se retrouve en position d’arbitre avec une soixantaine de députés, auxquels le camp présidentiel a immédiatement tendu la main.

« On nous trouvera toujours pour essayer d’embarquer avec nous, de convaincre surtout, les modérés qui sont présents dans ce Parlement de nous suivre », a déclaré la porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire, expliquant que « sa hantise » était que « le pays soit bloqué ».

Concrètement, la coalition présidentielle devra soit conclure un accord de gouvernement avec d’autres partis, un scénario classique en Allemagne, mais inusité en France, soit négocier ponctuellement sur chaque texte de loi.

Cette configuration replace le Parlement au centre du jeu politique, une première sous la Ve République.

« On n’est pas là pour bloquer, mais on n’est pas à vendre », a répondu le président de région, Xavier Bertrand lors d’une réunion de LR, dont la direction a dit vouloir rester dans l’opposition.

Remaniement

Après un premier quinquennat marqué par des épisodes clivants, comme le mouvement populaire des « gilets jaunes » en 2018-2019, et dans un contexte international tendu qui pèse sur le pouvoir d’achat, M. Macron – souvent qualifié de « président des riches » – ne bénéficie pas d’une cote de popularité très élevée (56 % des Français ne pensaient pas qu’il était un bon chef de l’État, selon un sondage Odoxa du 31 mai).

Présenté comme le grand perdant du scrutin, il doit rapidement en tirer les leçons avant d’être happé dans un tunnel d’obligations internationales (Conseil européen, G7, sommet de l’OTAN) à partir de jeudi.

Formé le 20 mai, le gouvernement devrait au minimum être sérieusement remanié, en raison notamment de la défaite électorale de trois de ses membres, dont les ministres de la Transition écologique et de la Santé.

Les différents partis d’opposition ont appelé Emmanuel Macron à changer de politique et de gouvernement en tenant compte du résultat des élections.

Elisabeth Borne « est trop affaiblie pour pouvoir rester » première ministre, a ainsi estimé Louis Aliot, le vice-président du RN.

Même avis du côté de l’alliance de gauche Nupes (Nouvelle union populaire, écologique et sociale), qui a annoncé « une motion de censure » contre son gouvernement.

Mais cette coalition électorale est elle-même traversée par des divergences. Le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon a proposé aux partis socialiste, communiste et écologiste de créer un seul groupe à l’Assemblée, contrairement à ce qui était prévu dans leur alliance électorale. Mais ses alliés lui ont opposé une fin de non-recevoir.