(Kramatorsk) Le « coût humain » de la bataille de Sievierodonetsk, ville stratégique de l’est de l’Ukraine, est « terrifiant », a déclaré lundi le président ukrainien Volodymyr Zelensky, alors que les Russes y ont renforcé leur contrôle ces derniers jours sans toutefois parvenir à prendre entièrement cette localité.

Ce que vous devez savoir

  • Paris veut réévaluer ses dépenses militaires et plus de coopération européenne ;
  • Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dans un message vidéo dimanche soir, avait qualifié de « très violents » les combats à Sievierodonetsk ;
  • L’armée ukrainienne abandonne le centre de Sievierodonetsk aux Russes ;
  • La bataille du Donbass pourrait être décisive dans l’issue du conflit en Ukraine ;
  • La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a déclaré que les Vingt-Sept restaient divisés sur l’octroi à l’Ukraine du statut de candidat à une adhésion à l’UE ;
  • Des dirigeants européens en Israël pour discuter énergie et Ukraine ;
  • À Lyssytchansk, trois civils, dont un garçon de six ans, ont péri dans des bombardements au cours des dernières 24 heures, selon le gouverneur Gaïdaï ;
  • À Mikolaïv, grand port de l’estuaire du Dniepr, dans le Sud, l’avancée russe a été stoppée aux abords de la ville.
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« Le coût humain de cette bataille pour nous est très élevé. Il est juste terrifiant », a lancé M. Zelensky dans son allocution quotidienne aux Ukrainiens diffusée sur Telegram.

La bataille du Donbass restera sûrement dans l’histoire militaire comme l’une des batailles les plus violentes en Europe.

Volodymyr Zelensky, président ukrainien

« Jusqu’à 100 soldats ukrainiens » sont tués et « 500 blessés chaque jour » dans les combats avec l’armée russe, avait déclaré jeudi le ministre ukrainien de la Défense, Oleksiï Reznikov.

Volodymyr Zelensky avait de son côté indiqué le 1er juin que son armée perdait « entre 60 à 100 soldats » par jour.

« Nous avons affaire au Mal absolu », a-t-il commenté lundi soir. Avant d’ajouter : « Nous n’avons pas d’autre choix que d’avancer et de libérer notre pays », dont les régions occupées par les Russes dans le Sud et l’Est qui font face à « un blocus civilisationnel », les Russes « bloquant toutes les communications » vers l’extérieur.

M. Zelensky a par ailleurs une nouvelle fois appelé les Occidentaux à fournir « davantage d’armes » à l’armée ukrainienne, au moment où les troupes de Moscou contrôlent en majeure partie Sievierodonetsk et continuent de pilonner l’artillerie ukrainienne.

Plus tôt dans la soirée, le gouverneur de la région de Louhansk, Serguiï Gaïdaï, avait indiqué que « 70-80 % de la ville » était occupée par les Russes, précisant que « les trois ponts [reliant Sievierodonetsk à sa ville voisine de Lyssytchansk] étaient détruits ».

Le centre de Sievierodonetsk abandonné

Les forces ukrainiennes ont reconnu lundi avoir abandonné le centre de Sievierodonetsk, à la suite d’une nouvelle offensive russe que les deux belligérants se disputent depuis des semaines.

« Avec le soutien de l’artillerie, l’ennemi a mené un assaut à Sievierodonetsk, a enregistré un succès partiel et repoussé nos unités du centre-ville. Les hostilités se poursuivent », a indiqué lundi matin l’état-major ukrainien.

Le gouverneur Gaïdaï a confirmé que les forces ukrainiennes avaient été repoussées du centre.

« Les combats de rue se poursuivent […] les Russes continuent de détruire la ville », a-t-il écrit sur Facebook, publiant des photos d’immeubles dévastés en flammes.  

Selon les séparatistes prorusses combattant avec les Russes dans cette région, les dernières divisions ukrainiennes à Sievierodonetsk sont désormais « bloquées », après la destruction du dernier pont qui permettait de gagner la ville voisine de Lyssytchansk.  

« Elles ont deux possibilités […], se rendre ou mourir », a affirmé Edouard Bassourine, porte-parole des séparatistes.

Lyssytchansk bombardée « sans arrêt »

Peuplée de près de 100 000 personnes avant la guerre, Lyssytchansk est aujourd’hui pratiquement déserte.

Des câbles électriques coupés pendent dans les rues, des magasins sont entièrement calcinés, de la fumée monte de plusieurs maisons aux murs noircis…

« Les Russes bombardent le centre-ville sans arrêt », assure un policier local. « C’est 24 h sur 24, “ non stop ” », ajoute son collègue.

« Chaque jour les bombardements s’intensifient », renchérit Oleskandr Pokhna, lieutenant-colonel des forces spéciales de la police de la région de Louhansk, à laquelle Lyssytchansk est rattachée.

Pendant leur visite sur place, les journalistes de l’AFP ont pu entendre des « booms » quasi ininterrompus.

À Lyssytchansk, trois civils, dont un garçon de six ans, ont péri dans des bombardements au cours des dernières 24 heures, selon lui.

Photo ARIS MESSINIS, Agence France-Presse

Cette maison a été détruite par les frappes russes à Lyssytchansk.

Les séparatistes prorusses de l’est de l’Ukraine ont affirmé que quatre personnes avaient été tuées et 22 blessées dans des bombardements « massifs » des forces de Kyiv sur la ville de Donetsk, leur capitale autoproclamée.

« Quatre personnes ont été tuées, dont un enfant, et 22 autres civils ont été blessés dans les bombardements » des forces ukrainiennes, ont déclaré les autorités séparatistes dans un communiqué.

Nouveau charnier près de Boutcha

Dans le nord de l’Ukraine, trois missiles russes ont touché la ville de Prylouky, et quatre villages ont reçu l’ordre d’évacuer par crainte des incendies déclenchés par les bombardements, ont annoncé lundi les autorités ukrainiennes.

« L’information concernant les destructions est en cours de clarification », a ajouté sur Telegram le gouverneur de la région de Tcherniguiv, Viatcheslav Tchaous. Aucun détail n’a été fourni sur l’infrastructure visée à Prylouky, qui abrite un aérodrome militaire.

La police de Kyiv a annoncé la découverte de sept corps lundi dans un nouveau charnier, près de Boutcha, une localité proche de la capitale où des cadavres de civils avaient été retrouvés après le retrait de l’armée russe fin mars.

Photo Natacha Pisarenko, Associated Press

Andriy, un membre de l’équipe de recherche, prend une pause pendant l’exhumation de corps d’une fausse commune à Boutcha.

« Sept civils ont été torturés par les Russes puis lâchement exécutés d’une balle dans la tête », a indiqué sur Facebook le chef de la police de Kyiv, Andriï Nebytov, précisant que « plusieurs victimes avaient les mains liées et les genoux attachés ».

À Mikolaïv, grand port de l’estuaire du Dniepr, dans le Sud, l’avancée russe a été stoppée aux abords de la ville et l’armée ukrainienne y a creusé des tranchées, a constaté une équipe de l’AFP.

Photo GENYA SAVILOV, Agence France-Presse

Des obus à côté d’un char russe détruit sur un terrain près de Mykolaïv

« Les Russes bluffent. Ils sont nombreux, ils ont beaucoup d’armes, anciennes et nouvelles, mais ce ne sont pas des soldats », assurait dimanche Serguiï, 54 ans, un capitaine de brigade ukrainien, tandis que ses compagnons d’armes tiraient vers les positions ennemies.

Bombes à sous-munitions

Dans un rapport publié lundi, Amnistie internationale a accusé la Russie de crimes de guerre en Ukraine, affirmant que des centaines de civils avaient péri dans des attaques incessantes sur Kharkiv (Nord-Est), menées notamment avec des bombes à sous-munitions.

Après une enquête approfondie, l’ONG dit avoir trouvé des preuves de l’utilisation par les forces russes, dans sept attaques sur des quartiers de la deuxième ville d’Ukraine, de bombes à sous-munitions de type 9N210 et 9N235 et de mines à dispersion, deux catégories interdites par des traités internationaux.

L’ONG Human Rights Watch (HRW) a elle évoqué lundi le cas d’une enseignante ukrainienne, Viktoria Androucha, 25 ans, que les forces russes, qui l’accusent de renseigner l’armée ukrainienne, ont fait disparaître après son arrestation fin mars.

Mme Androucha est, comme d’autres citoyens ukrainiens, aujourd’hui emprisonnée en Russie et son avocat n’a pas accès à elle, a déploré HRW dans un communiqué, rappelant que les disparitions forcées relèvent du crime contre l’humanité.

Du 24 février au 10 mai, l’ONU a documenté en Ukraine « 204 cas apparents de disparitions forcées concernant 169 hommes, 34 femmes et un garçon, en très grande majorité imputées aux forces russes » et prorusses, selon HRW.

La justice ukrainienne a ouvert plus de 12 000 enquêtes pour crimes de guerre dans le pays depuis le début de l’invasion russe, selon le parquet.

Alors que les négociations entre les belligérants sont dans l’impasse, Mikhaïl Kassianov, le premier chef de gouvernement (2000-2004) du président russe Vladimir Poutine, a prévenu que le chef du Kremlin avait d’autres pays dans son viseur.

« Si l’Ukraine tombe, alors les pays baltes seront les prochains » sur la liste, a assuré l’opposant à l’AFP.