(Paris) Le président Emmanuel Macron est loin d’être assuré de conserver une majorité absolue à l’Assemblée nationale, même si sa coalition devrait rester la première force en France, à l’issue du premier tour d’élections législatives marquées par une forte percée de la gauche unie et de l’extrême droite.

Il faudra attendre le second tour dimanche prochain pour savoir si Emmanuel Macron, qui a été réélu le 24 avril pour un second mandat de cinq ans, pourra ou non conserver cette majorité absolue et, au-delà, sa capacité à appliquer librement sa politique de réformes.

La majorité présidentielle sortante, sous l’étiquette Ensemble !, a obtenu 25,75 % des voix, soit 21 442 voix de plus que l’alliance de gauche Nupes rassemblée derrière Jean-Luc Mélenchon (25,66 %), sur 23,3 millions de votants.

Outre cet avertissement donné au président Macron, les principaux enseignements du scrutin sont la spectaculaire montée en puissance de la gauche unie, la forte progression du parti d’extrême droite de Marine Le Pen et l’effondrement de la droite traditionnelle, ainsi qu’une abstention record.

Le camp Macron garde toutefois l’avantage dans les projections des 577 sièges de députés, avec une fourchette de 255 à 295 sièges, devant la Nupes (150 à 210), selon les instituts de sondage. La majorité absolue à l’Assemblée nationale est de 289 sièges.

Mais plus d’un électeur sur deux a boudé les urnes dimanche, avec un nouveau record à 52,49 % d’abstention, dépassant celui de 2017 (51,3 %), ce qui met en relief le désintérêt des Français pour un scrutin désormais éclipsé par la présidentielle.

« La vérité est que le parti présidentiel est battu et défait », a déclaré dimanche soir Jean-Luc Mélenchon, en appelant ses troupes à « déferler » au second tour des élections législatives.

M. Mélenchon pourrait cependant pâtir d’une absence de réserve de voix au second tour et de la forte abstention qui frappe notamment les jeunes et les classes populaires, selon les experts.

« Sérieux avertissement »

Le Rassemblement national (RN), parti de Marine Le Pen, finaliste de la présidentielle le 24 avril, arrive en troisième position avec environ 19 % des voix, loin devant la droite traditionnelle qui devrait perdre son statut de premier groupe d’opposition.

Le parti d’extrême droite, qui a toujours été pénalisé par le mode de scrutin majoritaire aux législatives, pourrait réussir à dépasser les 15 députés, une première depuis 1986, quand il y avait une dose de proportionnelle, ce qui lui permettrait de former un groupe parlementaire.

Elle-même candidate dans son fief du nord de la France où elle a obtenu 55 % des voix (mais avec une participation trop faible pour être élue dès le premier tour), Mme Le Pen a appelé « tous (ses) électeurs à confirmer et amplifier leur vote » là où des candidats RN seront qualifiés pour le second tour, afin « d’envoyer un groupe très important de députés patriotes dans la nouvelle Assemblée nationale ».

Ces législatives confirment ainsi la large recomposition du paysage politique français engagée avec l’élection de M. Macron en 2017.

Une majorité relative à l’Assemblée compliquerait le chemin des réformes que souhaite entreprendre le président Macron, sur les retraites notamment.

« C’est un très sérieux avertissement qui est adressé à Emmanuel Macron », relève le sondeur Brice Teinturier, rappelant que « c’est 7 points de moins qu’(aux dernières législatives) en 2017 ».

Pour un autre expert Frédéric Dabi, « la gauche unie a réussi à imposer un récit aux Français ».

Le ministre des Relations avec le Parlement, Olivier Véran, a assuré dimanche soir que « l’avertissement » à l’égard de la majorité présidentielle avait été « entendu ».

Ministres en sursis

La première ministre Elisabeth Borne a pour sa part estimé que la coalition Ensemble ! était la « seule force politique en mesure d’obtenir la majorité » à l’Assemblée dimanche prochain.

M. Macron s’est mobilisé en fin de campagne, appelant les Français à lui donner une « majorité forte et claire ». Il s’est posé en rempart contre les « extrêmes », visant la gauche radicale de M. Mélenchon et l’extrême droite de Marine Le Pen, synonymes selon lui de « désordre » pour la France.

L’exécutif a aussi insisté ces dernières semaines sur son intention de faire voter dès juillet un ensemble de mesures pour le pouvoir d’achat.

Le scrutin se déroule dans un climat d’inquiétude des Français face à la flambée des prix de l’alimentation et de l’énergie.

M. Mélenchon, vieux routier de la vie politique française, s’est imposé comme son principal opposant en prenant la tête d’une alliance inédite regroupant les socialistes, communistes, écologistes et son propre mouvement, La France insoumise.

Parmi les grands perdants dimanche soir figurent l’ancien candidat d’extrême droite à la présidentielle, Eric Zemmour, qui se présentait dans le sud de la France et a été éliminé dès le premier tour.

Ces législatives pourraient aussi déboucher sur un remaniement du gouvernement tout juste formé, plusieurs de ses membres étant candidats dont la première ministre.

Selon les premières estimations, la ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Amélie de Montchalin est en ballottage défavorable en banlieue parisienne, tout comme le ministre des Affaires européennes Clément Beaune à Paris.