À la veille du 70e jour de l’invasion en Ukraine, le régime russe de Vladimir Poutine a lancé mardi un « puissant assaut » sur l’aciérie d’Azovstal, l’un des derniers secteurs défendus par la résistance ukrainienne à Marioupol. Plus d’une centaine de civils ont pu être évacués à temps. Pour Moscou, la prise de Marioupol revêt une « haute importance », rappellent des experts.

Tout faire pour « repousser » Moscou

Signe de sa ferme volonté de prendre ce port stratégique, la Russie a lancé mardi une offensive concentrée et intense sur le territoire d’Azovstal. « Un puissant assaut sur l'usine d’Azovstal est en cours, avec le soutien de véhicules blindés, de chars, avec des tentatives de débarquement de troupes, avec l’aide de bateaux et d’un grand nombre d’éléments d’infanterie », a affirmé Sviatoslav Palamar, commandant adjoint du régiment ukrainien Azov, dans une vidéo diffusée sur la plateforme Telegram. « Nous allons tout faire pour la repousser », a-t-il ajouté, en précisant que des bombardements avaient précédé l’assaut, tuant deux femmes et blessant « environ dix civils ».

MAGE TIRÉE D’UNE VIDÉO DU RÉGIMENT AZOV, REUTERS

Sviatoslav Palamar, commandant adjoint du régiment Azov

L’ONU confirme des évacuations

Presque au même moment, l’Organisation des Nations unies (ONU) a confirmé l’évacuation « réussie » de 101 civils coincés depuis des semaines dans ce complexe métallurgique de Marioupol. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a d’ailleurs dit espérer que « davantage de pauses humanitaires » pourront être organisées avec l’Ukraine et la Russie, sur le modèle de celle qui a permis l’évacuation d’une centaine de civils de l’aciérie Azovstal. Peu après, un porte-parole des Forces armées russes a accusé le clan ukrainien d’utiliser le cessez-le-feu pour évacuer des civils et sortir des sous-sols de l’aciérie afin « de prendre des positions de tir sur le territoire et dans les bâtiments de l’usine ».

Marioupol, une haute importance

Selon Justin Massie, professeur titulaire de science politique à l’UQAM et codirecteur du Réseau d’analyse stratégique (RAS), une prise complète de Marioupol par la Russie aurait une importance « hautement symbolique ». « Moscou n’a jamais vraiment réussi jusqu’ici à conquérir de grandes villes, en tout cas pas d’aussi grande taille. Ça serait crucial pour eux. Et surtout, ça permettrait à Vladimir Poutine de libérer des troupes pour les déployer vers le nord ou le nord-ouest, pour espérer soutenir l’encerclement des forces ukrainiennes », explique-t-il. M. Massie rappelle qu’au-delà de sa situation stratégique, au sud, Marioupol « est au cœur de cet axe reliant le Donbass aux territoires du nord et de la Crimée ». « Ça permettrait aux Russes de créer cette fameuse bande de territoire qui éventuellement pourrait être annexée », rappelle le professeur. Il craint que l’Ukraine ne soit probablement pas en mesure d’organiser une contre-attaque dans ce secteur pour le moment.

Une offensive « modérée et graduelle »

Si le conflit demeure militaire – et que des dizaines de civils innocents meurent encore chaque jour – l’offensive russe demeure pour le moins « laborieuse », évalue M. Massie. « Les Russes ont vraiment changé de stratégie. Au départ, ils sont allés très rapidement avec des troupes légères et peu alimentées. Mais maintenant, pour ne pas subir le même genre de pertes de soldats et d’équipements, ils y vont de façon beaucoup plus modérée et graduelle, avec beaucoup d’artillerie mais peu d’avancées d’infanterie, pour ne pas perdre de troupes finalement », raisonne l’expert. La situation donne selon lui un avantage à l’Ukraine, dont les troupes continuent d’être « mobilisées en totalité » en vertu de la constitution nationale, mais aussi « largement approvisionnées en soutien extérieur, ce que les Russes n’ont pas ».

Vers des sanctions sur le gaz et le pétrole ?

Un projet d’embargo sur le pétrole et les produits pétroliers achetés à la Russie a été soumis mardi aux pays membres de l’Union européenne, mais la mesure suscite encore des réserves. Cette proposition pour un sixième paquet de sanctions contre Moscou prévoit un arrêt progressif des achats européens sur une période de six à huit mois jusqu’à la fin de 2022, avec une exemption pour la Hongrie et la Slovaquie. Ces deux pays enclavés pourront continuer leurs achats à la Russie en 2023, a précisé un responsable européen. « Ce sont des centaines de millions par jour qui entrent dans les coffres-forts de la Russie, à cause du pétrole et du gaz. Des sanctions directes feraient très mal, surtout que Vladimir Poutine a toujours eu dans son plan de match la division des Européens », explique le professeur Justin Massie à ce sujet.

Johnson promet plus d’aide militaire

Au Royaume-Uni, le premier ministre Boris Johnson a promis mardi d’augmenter son aide militaire à l’Ukraine, avec des radars, des drones et des appareils de vision nocturne, afin que plus personne « n’ose attaquer » le pays. Son nouveau plan, qu’il a annoncé alors qu’il était en visioconférence devant le Parlement ukrainien, s’élève au total à 300 millions de livres – l’équivalent de 480 millions de dollars canadiens – après les 450 millions de livres d’aide militaire déjà débloquée pour Kyiv. Vladimir Poutine, lui, a déclaré que « l’Occident pourrait aider à arrêter ces atrocités en exerçant une influence appropriée sur les autorités de Kyiv, ainsi qu’en arrêtant la fourniture d’armes à l’Ukraine ».

ASSOCIATED PRESS

Le président de l'Ukraine Volodymyr Zelensky applaudit après l'annonce par le premier ministre du Royaume-Uni, Boris Johnson, d'une nouvelle aide militaire devant le Parlement ukrainien.

Avec l’Agence France-Presse

En savoir plus
  • 10 autres morts
    Dans l’est de l’Ukraine, au moins 10 personnes ont été tuées et 15 ont été blessées dans une frappe russe sur une usine à Avdiïvka, ville proche de la ligne de front, a annoncé le gouverneur de Donetsk, Pavlo Kyrylenko. « Le nombre de victimes pourrait probablement être plus élevé », a-t-il ajouté, accusant les Russes d’avoir visé des travailleurs qui « venaient de terminer leur quart et attendaient le bus à l’arrêt ».
    source : agence france-presse
    3 centrales électriques détruites
    Plusieurs villes ukrainiennes ont été visées mardi soir par des tirs de missiles russes qui ont notamment détruit trois centrales électriques à Lviv, selon le maire de cette grande ville de l’ouest du pays désormais partiellement privée d’électricité.