Pour la première fois depuis le début du conflit, de hauts dirigeants américains ont foulé le sol de l’Ukraine, le jour de la Pâques orthodoxe. Ils ont rencontré à Kyiv le président Volodymyr Zelensky. Et promis une aide militaire supplémentaire de 700 millions de dollars, tandis que l’invasion russe se poursuit sans relâche dans l’est et le sud du pays.

Visite américaine

La visite des chefs américains de la diplomatie et de la défense, Antony Blinken et Lloyd Austin, a marqué le début du troisième mois de la guerre en Ukraine. Ils se sont entretenus avec le président Volodymyr Zelensky à Kyiv. Peu d’informations ont filtré à la suite de la rencontre entourée d’une grande confidentialité, mais les deux responsables ont annoncé le retour progressif d’une présence diplomatique américaine en Ukraine et une aide militaire supplémentaire, directe et indirecte, de plus de 700 millions de dollars. Dimanche, un conseiller du président a répété sur YouTube le souhait de Kyiv de se faire livrer « des armes offensives », c’est-à-dire de l’équipement permettant d’attaquer l’ennemi. Dimanche, M. Zelensky a déclaré sur Twitter que « l’amitié et la collaboration entre l’Ukraine et les États-Unis [étaient] plus fortes que jamais ». Antony Blinken a également indiqué que le président Joe Biden allait nommer dans les prochains jours une nouvelle ambassadrice des États-Unis en Ukraine. Il s’agira de Bridget Brink, actuelle ambassadrice en Slovaquie.

Pas de trêve pour la fête de Pâques orthodoxe

PHOTO ALEXANDER ERMOCHENKO, REUTERS

Des résidants de Marioupol reçoivent de la nourriture distribuée par l’église Svyato-Troitsky à l’occasion de la Pâques orthodoxe.

« Sauvez tous les Ukrainiens ! », a lancé dimanche Volodymyr Zelensky dans un message pour la fête de Pâques. Le pape François a aussi renouvelé son appel à une trêve et à l’arrêt des attaques contre « des populations épuisées ». Dans la foulée, l’Organisation des Nations unies (ONU) a demandé une trêve « immédiate » à Marioupol pour évacuer les quelque 100 000 civils piégés dans la ville en ruine et assiégée depuis le début de mars. « Chaque jour, chaque heure qui passe a un coût humain terrible », a déploré le Comité international de la Croix-Rouge, réclamant urgemment « le passage volontaire et en sécurité de milliers de civils et de centaines de blessés hors de la ville, y compris dans la zone de l’usine Azovstal », ultime poche de résistance des combattants ukrainiens.

En entrevue avec le New York Times, le commandant adjoint du bataillon Azov Svyatoslav Palamar, retranché dans la tentaculaire usine métallurgique, a affirmé que ses troupes étaient prêtes à quitter l’endroit si un passage sûr était organisé pour eux et les centaines de civils terrés dans les tunnels. « Les lignes de défense [ukrainiennes] sont sur le point de s’effondrer » à Marioupol, a affirmé le même jour le ministère ukrainien de la Défense. Le ministère a proposé à la Russie de tenir « une session spéciale de pourparlers juste à côté du site d’Azovstal », mais attendait toujours une réponse. La présidence ukrainienne a, de son côté, proposé à nouveau des négociations « pour prendre ou échanger » des soldats, sans succès. Les bombardements et les combats ont coûté la vie à plus de 20 000 civils à Marioupol, selon le maire de la ville.

L’assaut se poursuit dans l’Est et le Sud

PHOTO SERGEY BOBOK, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des civils sont toujours contraints de dormir dans des endroits à l’abri des bombardements à Kharkiv, comme dans cette station de métro.

La ville de Kharkiv, dans le nord-est du pays, continue d’être bombardée et partiellement bloquée par les forces russes. Une femme y a été tuée dimanche et un homme blessé, selon les autorités ukrainiennes, tandis que dans le sud du pays, dans la région de Donetsk, cinq civils ont été tués et cinq autres blessés, a écrit le gouverneur sur Telegram. Dans le bassin du Donbass, formé des régions de Donetsk et de Louhansk et où des milliers de civils, surtout des personnes âgées, résident toujours, les troupes russes ont « intensifié leurs offensives », selon l’état-major ukrainien. Le nombre de réfugiés ayant fui l’Ukraine depuis l’invasion russe approche les 5,2 millions, a précisé l’ONU dimanche.

Sur le front diplomatique

L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) s’est dite « extrêmement inquiète » dimanche à la suite à l’arrestation, dans les territoires séparatistes prorusses, de quatre membres de sa mission d’observation du cessez-le-feu de 2014. Il s’agit d’employés ukrainiens accusés, selon les forces séparatistes, de « haute trahison ». L’un des détenus aurait « avoué » avoir transmis des « informations militaires confidentielles à des représentants de services spéciaux étrangers ». L’ambassadeur des États-Unis auprès de l’OSCE, Michael Carpenter, a dénoncé « des mensonges répréhensibles de la part de la Russie ». Ce n’est pas la première fois que des membres de l’OSCE sont détenus en Ukraine, explique Maria Popova, professeure au département de science politique de l’Université McGill spécialisée en post-soviétie. À son avis, ils vont être libérés. « C’est probablement une tactique pour terroriser les gens et rendre ça plus difficile pour l’OSCE de travailler dans cette région », observe-t-elle.

En parallèle, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, est attendu ce lundi en Turquie, pays qui tente de jouer les médiateurs entre la Russie et l’Ukraine, avant de se rendre à Moscou, puis à Kyiv – une décision critiquée par les autorités ukrainiennes. Pour Maria Popova, le choix de l’ONU d’aller à Moscou est une erreur. « Symboliquement, ça montre que la Russie est encore partie prenante de la communauté internationale et de l’ordre mondial, analyse-t-elle, alors que le pays a clairement montré que son but est de changer cet ordre et de le remplacer par un autre. »

Avec l’Agence France-Presse