(Kharkiv) Dès le 24 février, Elena Ivanovna a fui la guerre. Depuis presque deux mois, avec sa mère et ses trois enfants, elle s’abrite des bombes dans le métro de Kharkiv, dans l’est de l’Ukraine.

Une vie « effrayante, difficile, mais nous attendons, nous espérons », dit-elle, priant pour la fin de la guerre et le départ des soldats de Moscou.

La nuit de l’invasion russe, sa famille dormait paisiblement dans son village ukrainien de Lyptsi, à seulement 10 km de la frontière avec la Russie.

« Nous nous sommes réveillés à 4 h 30 du matin […], même les enfants se sont réveillés immédiatement. Ils ont réalisé que c’était la guerre », raconte-t-elle à l’AFP.

Le violent rouleau compresseur russe fond sur Kharkiv, deuxième plus grande ville de l’Ukraine, à environ 20 km plus au sud.  

PHOTO ALKIS KONSTANTINIDIS, REUTERS

Une femme lit un livre à l’abri des bombardements dans le métro de Kharkiv le 11 avril dernier.

« Ça ne ressemblait pas au tonnerre. Par la fenêtre tout était en feu, notre maison tremblait », témoigne-t-elle.  

Elena, son mari et leurs enfants de 8, 10 et 17 ans, s’habillent en vitesse, prennent quelques vêtements, des documents importants, et filent s’abriter dans la cave de leur maison.

« Après 15 minutes, c’est devenu plus silencieux. Nous avons couru jusqu’à notre voiture et nous avons roulé vers Kharkiv, à 170  km/h, aussi vite que possible ».

« Pendant le trajet, mon mari a dit “regardez autour de vous les missiles”, parce que ça tombait partout, avec des bruits de bombardements », se rappelle cette enseignante en maternelle, âgée d’une quarantaine d’années.

Arrivés à Kharkiv, ils rejoignent la mère d’Elena qui habite là.

Mais la ville, qui compte près d’1,5 million d’habitants, se retrouve aussi sous les bombes. Comme les Russes essaient de s’en emparer, la résistance de l’armée ukrainienne les repousse lors de vifs combats.

À nouveau, la famille se réfugie dans une cave. Ils y restent six jours.

« Nous pensions qu’ici (à Kharkiv) nous trouverions le salut, mais c’est devenu la ligne de front. Des hélicoptères et des avions bombardaient la ville. Alors nous avons décidé de venir dans le métro », comme des centaines d’habitants, pour se protéger des frappes russes.

700 personnes

Deux mois plus tard, environ 700 personnes vivent toujours dans plusieurs stations de métro de Kharkiv.

Car si la ville ne subit pas des bombardements massifs, elle est visée chaque jour par des roquettes. Des frappes, aléatoires, espacées, à toute heure du jour ou de la nuit, parfois meurtrières, et qui visent particulièrement des quartiers d’habitations du nord et du nord-est, près de la ligne de front.

Dans le métro, « la première semaine, les gens ont dormi les uns sur les autres, il n’y avait pas d’aide humanitaire, personne ne comprenait ce qui se passait », explique Ioulia, une des nombreux bénévoles qui se sont mobilisés pour aider les déplacés.

Ce vendredi matin, veille de Pâques, des volontaires organisent une distribution de « paska », une petite brioche traditionnelle, napée de sucre glacé et de paillettes colorées.

Sur le long quai de la station, chaque famille, chaque personne réfugiée a recréé un semblant d’intimité malgré l’absence de séparation physique.

Matelas, couvertures, lits, tables, chaises, tout est rangé. Des volontaires nettoient les allées régulièrement et l’électricité fonctionne.  

Chacun s’occupe comme il peut, dans le calme. On lit, on dort, on pianote sur son téléphone, on discute, on mange, on marche dans l’allée, on sort aussi dehors pour certains.

Sur un matelas, une fille d’Elena vient de recevoir un grand château de princesse et monte chacune des pièces, très concentrée.

« Nous avons de l’aide humanitaire. Des bénévoles nous apportent de la nourriture trois fois par jour, même des plats chauds, des bonbons pour les enfants […], des cadeaux, des jouets, des crayons », explique la mère de la fillette.

Depuis un mois, les enfants peuvent même étudier, des bénévoles donnent des cours en présentiel, ou bien en ligne, avec des vidéos.

Des activités sont aussi organisées pour tous les âges : théâtre, concert, marionnettes, conférences, exercices physiques…

Pour les plus jeunes, « il y a eu un spectacle d’animaux, de la peinture, des jeux, pour que nos enfants puissent se sentir mieux mentalement et physiquement », dit Elena.

Aucun n’est indemne psychologiquement : « maintenant, quand ils entendent (des roquettes), ils se réveillent, ils tremblent et demandent des médicaments », lâche-t-elle.

Pour elle, « la victoire sera quand tous les soldats russes partiront (d’Ukraine), quand nous n’entendrons plus les frappes de missiles, quand nous ne verrons plus aucune roquette ».