Les troupes russes pourraient bloquer les entrées sud et nord de Marioupol et exiger des laissez-passer pour y circuler dès lundi, a rapporté dimanche CNN. Dans la ville assiégée, les derniers défenseurs ukrainiens ont fait fi de l’ultimatum lancé par la Russie dimanche, affirmant qu’ils allaient « combattre jusqu’au bout ».

Selon les forces russes, 2500 soldats ukrainiens sont toujours retranchés dans le complexe métallurgique d’Azovstal, à Marioupol. Ils ont refusé dimanche de livrer la ville à la Russie, après plus de 50 jours de combats.

Moscou avait demandé aux derniers combattants de déposer les armes dans la matinée et d’évacuer les lieux à la mi-journée.

Ignorant l’ultimatum russe, le premier ministre de l’Ukraine, Denys Chmyhal, a assuré que les troupes ukrainiennes continueraient de défendre Marioupol : « Non, la ville n’est pas tombée. Nos forces militaires, nos soldats y sont toujours. Ils combattront jusqu’au bout », a-t-il assuré à la chaîne de télévision américaine ABC dimanche.

PHOTO TIRÉE DE WIKIMEDIA COMMONS

Denys Chmyhal, premier ministre de l’Ukraine

Le chef de la diplomatie d’Ukraine, Dmytro Kouleba, a de son côté accusé l’armée russe de vouloir « raser la ville à tout prix », dans une entrevue diffusée par CBS. La veille, le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, avait prévenu que l’« élimination » des derniers soldats ukrainiens « mettrait fin à toute négociation de paix » avec Moscou.

En fin de journée dimanche, Marioupol était toujours sous contrôle ukrainien, selon les sources consultées par La Presse. « Ça fait trois semaines que la Russie émet des ultimatums », fait remarquer Dominique Arel, titulaire de la Chaire des études ukrainiennes de l’Université d’Ottawa.

Il n’y a pas un objectif militaire que la Russie mène à bien depuis le début de la guerre. Ils vont peut-être réussir à prendre Marioupol, mais à quel coût ?

Dominique Arel, titulaire de la Chaire des études ukrainiennes de l’Université d’Ottawa

Rappelons que la prise de cette cité serait une victoire importante pour les Russes, leur permettant de consolider leurs gains territoriaux côtiers le long de la mer d’Azov en reliant la région du Donbass, en partie contrôlée par leurs partisans, à la Crimée, que Moscou a annexée en 2014.

Laissez-passer à Marioupol ?

Un conseiller du maire de Marioupol a toutefois averti que les forces russes allaient bloquer les entrées nord et sud de la ville dès ce lundi et exiger des laissez-passer auprès de la population, a rapporté la chaîne américaine CNN dimanche soir.

Consultez le site de CNN (en anglais)

« Des centaines de citoyens ont dû attendre en ligne pour obtenir un laissez-passer, sans lequel il sera impossible non seulement de se déplacer entre les districts de la ville, mais aussi de sortir dans les rues, dès la semaine prochaine », a affirmé Petro Andriushchenko sur l’application mobile Telegram.

CNN n’a pu vérifier de façon indépendante les informations fournies par M. Andriushchenko. Celui-ci n’est d’ailleurs pas dans Marioupol, mais travaille de l’extérieur pour collecter des faits venant d’habitants de la ville assiégée, précise la chaîne américaine.

​​Au petit matin dimanche, l’état-major ukrainien a fait état de frappes aériennes russes sur Marioupol et mentionné des « opérations d’assaut près du port », mais sans autres précisions.

Selon les responsables ukrainiens, les combats auraient tué au moins 21 000 personnes à Marioupol. La ville ne compterait plus que 120 000 habitants, alors que sa population s’élevait à 450 000 avant l’invasion. D’après le directeur général du Programme alimentaire mondial, David Beasley, plus de 100 000 civils sont au bord de la famine et manquent de chauffage dans la ville portuaire.

« Détruire le Donbass »

Le président Volodymyr Zelensky a accusé la Russie de vouloir « détruire » tout le Donbass, dans l’est du pays. La région de Louhansk, à l’est, a ainsi continué de subir d’importants bombardements, faisant morts et blessés, tandis que des entrepôts de carburants et de munitions ont été visés dans les régions d’Izioum et près de la ville de Donetsk.

PHOTO FELIPE DANA, ASSOCIATED PRESS

Des secouristes viennent en aide aux civils blessés lors d’un bombardement russe à Kharkiv.

Par ailleurs, au moins 5 personnes ont été tuées et 13, blessées, dimanche dans une série de frappes sur Kharkiv, grande ville du nord-est de l’Ukraine. Dans les circonstances, les autorités ukrainiennes ont suspendu les couloirs humanitaires pour l’évacuation des civils de l’est de l’Ukraine, faute d’accord avec l’armée russe sur un arrêt des tirs.

Les forces russes « continuent de déployer des équipements de combat et de soutien de la Biélorussie vers l’est de l’Ukraine, y compris dans des lieux proches de Kharkiv et de Sievierodonetsk », a confirmé le ministère de la Défense du Royaume-Uni.

Les forces russes ont par ailleurs déclaré dimanche avoir bombardé une nouvelle usine d’armement près de Kyiv, mettant à exécution, pour le troisième jour consécutif, leur menace d’intensifier leurs attaques contre la capitale ukrainienne après la destruction jeudi du fleuron de leur flotte en mer Noire.

Une offensive qui se fait attendre

L’offensive d’envergure attendue depuis maintenant plus d’une semaine dans l’est du pays n’a cependant toujours pas eu lieu. L’Institute for the Study of War, qui analyse la situation sur le terrain, a observé que les Russes avaient déclenché de petites offensives autour d’Izioum, de Popasna et de la région de Roubijné et de Sievierodonetsk, avec de l’artillerie ou des forces mécanisées.

Mais il estime que ces attaques ont peu de chances d’être plus efficaces que celles autour de Kyiv en mars, « à moins que les Russes ne changent considérablement leur modèle opérationnel ».

Les conditions routières ne sont pas très bonnes. C’est le dégel en Ukraine, donc ça commence à être boueux et marécageux.

Dominique Arel, titulaire de la Chaire des études ukrainiennes de l’Université d’Ottawa

Sans compter que les troupes russes n’ont pas été capables de « renverser Kharkiv » et ne peuvent donc pas utiliser les voies ferroviaires du pays, précise Dominique Arel.

« La Russie ne cesse d’annoncer la chute imminente de Marioupol, mais ce n’est pas fait et ça mobilise à peu près 15 000 troupes russes, fait observer M. Arel. Tant que ces combats vont se poursuivre, la Russie ne peut envoyer ces troupes [ailleurs]. »