Une « situation totalement inhumaine » persiste à Marioupol, a dénoncé samedi soir le président Volodymyr Zelensky. Plus tôt, il avait lancé une mise en garde à Moscou : il mettra un terme à toute négociation de paix avec la Russie si les derniers soldats ukrainiens dans la ville assiégée sont « éliminés ».

« La situation à Marioupol reste aussi grave que cela est possible. Tout simplement inhumaine », a lancé Volodymyr Zelensky, qui a encore une fois plaidé pour que l’Occident envoie davantage d’armes à l’Ukraine.

« C’est ce que la Fédération de Russie a fait. Ce qu’elle a fait délibérément. […] La Russie essaie délibérément de détruire quiconque se trouve à Marioupol », a dénoncé le chef d’État ukrainien.

PHOTO FOURNIE PAR LA PRÉSIDENCE UKRAINIENNE, ASSOCIATED PRESS

Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine

Quelques heures plus tôt, il avait prévenu que « l’élimination » des derniers soldats ukrainiens présents dans la cité portuaire de Marioupol « mettrait fin à toute négociation de paix » avec la Russie. Les deux pays se retrouveraient alors dans « une impasse », a déclaré Volodymyr Zelensky lors d’un entretien avec la presse ukrainienne.

Marioupol, deuxième ville en importance du Donbass, assiégée par les forces russes, est la clé de la stratégie du Kremlin. « C’est le contexte de la déclaration de M. Zelensky : si Marioupol tombe, il n’y a plus rien à négocier », estime Dominique Arel, directeur de la Chaire d’études ukrainiennes de l’Université d’Ottawa.

C’est désormais la priorité de Moscou : « libérer » le Donbass. Depuis le début de la guerre, la Russie réclame la partition de l’Ukraine, une revendication « non négociable » pour Kyiv, souligne M. Arel.

Les pourparlers avec la Russie étant déjà au point mort, « c’est reconnaître que finalement, la seule solution sera militaire, avant d’en venir éventuellement à une solution politique, diplomatique », croit-il.

« Certainement depuis quelques semaines, les négociations sont un écran de fumée. C’est clair que ça n’avançait pas », soutient l’expert.

Il y a bien une forme de « dialogue » entre les deux parties, notamment sur la question des évacuations humanitaires et celle des échanges de prisonniers, mais les positions de fond n’ont pas « avancé d’un millimètre ».

En l’absence de négociations, la suite est « une guerre à outrance », affirme Luca Sollai, professeur d’histoire de l’Université de Montréal. Le spécialiste de l’OTAN voit mal Kyiv cesser toute tentative de paix avec la Russie.

« Même avec le soutien militaire par les pays occidentaux, j’ai du mal à voir comment l’Ukraine pourrait mener cette guerre », argue-t-il.

Moscou offre d’épargner les soldats ukrainiens

Moscou offre aux derniers soldats ukrainiens présents à Marioupol de partir. Le ministère de la Défense de Russie a proposé samedi d’épargner la vie des combattants qui sont retranchés dans le complexe métallurgique d’Azovstal, s’ils évacuaient avant dimanche matin. « Leur seule chance de sauver leur vie est de déposer volontairement leurs armes et de se rendre », a déclaré le Kremlin.

Après bientôt deux mois de combats sanglants, le port stratégique du sud-est de l’Ukraine se prépare à livrer son ultime bataille, avait annoncé il y a quelques jours l’armée ukrainienne.

Samedi, le président ukrainien a admis que la situation à Marioupol était « très difficile » et que les forces ukrainiennes ne contrôlaient plus qu’une partie de la ville.

Aux yeux de Volodymyr Zelensky, seules deux issues sont possibles. « Soit les partenaires fournissent à l’Ukraine toutes les armes lourdes nécessaires, les avions et, sans exagération aucune, immédiatement », pour « réduire la pression sur Marioupol et lever le siège ». Soit on s’engage dans « la voie de la négociation. […] [Et là encore], le rôle des partenaires devrait être décisif ». La recherche d’une solution « militaire ou diplomatique » est une activité « quotidienne » depuis le début du blocus, a-t-il ajouté, mais elle s’avère « extrêmement difficile ».

L’oligarque russe Roman Abramovitch s’est rendu à Kyiv pour tenter de relancer les pourparlers de paix entre la Russie et l’Ukraine, a rapporté samedi Bloomberg, citant des personnes proches du dossier.

Selon le média américain, le milliardaire fait office de médiateur informel depuis le début de l’invasion russe, alors que le président ukrainien lui aurait demandé de s’impliquer.

Kyiv bombardé

La réplique promise par Moscou au naufrage du Moskva n’a pas tardé. Les forces russes ont repris leur attaque contre Kyiv, comme elles l’avaient annoncé vendredi.

Une personne a été tuée et plusieurs ont été hospitalisées à la suite d’une frappe samedi contre un complexe industriel en banlieue de la capitale ukrainienne, qui construit notamment des chars, a annoncé le maire de Kyiv, Vitali Klitschko.

La Russie a de son côté affirmé que « des bâtiments de production d’une usine d’armement à Kyiv » avaient été détruits.

La capitale et ses alentours avaient été relativement épargnés depuis le retrait des troupes russes du nord du pays, fin mars, mais la perte de son vaisseau amiral, coulé par deux missiles ukrainiens, selon le Pentagone, a provoqué l’ire de Moscou.

PHOTO MARKO DJURICA, REUTERS

Une raffinerie de pétrole a été touchée par une frappe à Lyssytchansk, dans l’est.

Les forces russes ont aussi bombardé une raffinerie de pétrole dans l’est de l’Ukraine, qui retient son souffle sous la crainte d’une offensive imminente majeure. Le gouverneur de la région de Louhansk, Serguiï Gaïdaï, a appelé ses habitants à partir. « Tant que vous en avez la chance, évacuez », a-t-il écrit sur Telegram.

Le monde doit « se préparer »

Le président de l’Ukraine a de nouveau alerté le monde samedi sur un éventuel recours de la Russie à l’arme nucléaire.

Nous ne devrions pas attendre le moment où la Russie décidera d’utiliser ses armes nucléaires. Nous devons nous préparer à cela.

Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine

La veille, il avait aussi lancé une mise en garde.

« Il faut des médicaments [contre les radiations], des abris antiaériens », a-t-il plaidé. « Il faut leur parler, signer des traités, sévir économiquement. [Les Russes] peuvent utiliser n’importe quelle arme, j’en suis convaincu », a déclaré le chef d’État.

Vidéo russe des rescapés du Moskva

Le ministère de la Défense de Russie a diffusé samedi une vidéo d’une trentaine de secondes censée présenter les rescapés du Moskva, qui a sombré jeudi dans la mer Noire.

« Le commandant en chef de la marine, l’amiral Nikolaï Ievménov, et le commandant de la flotte en mer Noire ont rencontré l’équipage du croiseur Moskva à Sébastopol », en Crimée, a déclaré le Ministère dans un bref communiqué.

L’amiral « a informé l’équipage du croiseur que les officiers, les aspirants et les marins continueraient de servir dans la marine », a-t-il ajouté.

En outre, Moscou a interdit l’accès à son sol au premier ministre du Royaume-Uni, Boris Johnson, ainsi qu’à une dizaine de hauts responsables britanniques, en réplique aux sanctions visant la Russie.

Le communiqué du ministère de la Défense cite « des actions hostiles sans précédent du gouvernement britannique, exprimées en particulier dans l’imposition de sanctions contre de hauts fonctionnaires » en Russie.

Le 9 avril dernier, Boris Johnson s’était rendu en visite surprise à Kyiv, qui n’avait encore jamais reçu de dirigeant du G7 depuis le début de la guerre en Ukraine.

Avec l’Agence France-Presse, l’Associated Press et Bloomberg