Depuis le début de l’invasion russe, l’Ukraine a reçu beaucoup d’aide internationale sous forme de dons. Mais on lui accorde aussi des prêts, comme l’a fait le Canada, à certaines conditions. Survol.

500 millions

Le Canada a fourni une aide humanitaire (dons) de 145 millions à l’Ukraine. Mais il a aussi consenti un prêt d’un maximum de 500 millions en vertu de la Loi sur les accords de Bretton Woods, du nom de la conférence de 1944 au New Hampshire où ont été fondés le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Cette somme vise à « soutenir la résilience économique du pays face à l’agression militaire russe », indique Affaires mondiales Canada. Elle constitue un appui budgétaire général. Lors du dépôt du budget, Ottawa a aussi promis un autre prêt d’un milliard à l’Ukraine.

5,6 milliards

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Distribution d’aide humanitaire dans la ville de Dnipro, en Ukraine, le 2 mars dernier

Le 10 mars, le FMI annonçait une aide d’urgence de 1,4 milliard à l’Ukraine. Il emboîtait le pas à la Banque mondiale, qui, trois jours plus tôt, annonçait un financement d’urgence de 723 millions sous forme de prêts, garantie et dons. En incluant la Banque européenne, ce sont 5,6 milliards d’aide qui ont été promis à l’Ukraine par ces institutions financières internationales auxquelles le Canada participe aussi. « Les dons sont faits par les pays ou la Banque mondiale alors que le FMI fait presque uniquement des prêts », précise Pascal Bédard, maître d’enseignement au département d’économie appliqué de HEC Montréal.

Soutenir une économie qui s’effondre

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Des pompiers ukrainiens tentent d’éteindre un incendie qui ravage des réserves de carburant frappées par un missile russe à Lviv, le 27 mars dernier

En Ukraine, l’urgence de faire ces prêts fait écho à une économie qui s’effondre rapidement avec la destruction des usines, la perte de récoltes (vitales dans ce pays), l’exode de la population et une partie du capital humain migrant vers l’armée. Selon un article publié dans La Tribune, journal français, la guerre coûtera au bas mot à l’Ukraine 10 % de son PIB, et ça pourrait atteindre 35 %. Cela représente des sommes colossales.

Avec intérêts…

Ces prêts du Canada, du FMI et autres sont-ils assortis d’intérêts, de paiements réguliers et d’échéances ? Absolument ! Ils sont négociés à la pièce. Ainsi, en 2014 et 2015, le Canada avait accordé un prêt de 400 millions à l’Ukraine pour appuyer son redressement économique et son développement dans la foulée de l’élection du gouvernement de Petro Porochenko et de tensions avec la Russie. « Ce prêt a été entièrement remboursé avec intérêts, selon le calendrier prévu, en 2020 », lit-on sur le site d’Affaires mondiales Canada.

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Des soldats ukrainiens montent la garde à un barrage routier à Kyiv

… et certains engagements

Le pays bénéficiaire doit aussi répondre à des engagements visant à renforcer ses fondements démocratiques. Ainsi, lorsque le FMI a accordé un prêt de 5,5 milliards à l’Ukraine en 2019, cela venait avec des « actions préalables », dont le renforcement de l’indépendance de la justice et la lutte contre la corruption, disait alors Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI. « La philosophie derrière ça est de renforcer l’État de droit, la démocratie, indique Pascal Bédard. Avant l’arrivée du président Zelensky, l’État de droit, ce n’était pas fort en Ukraine. Le bloc occidental essaie de pousser ses valeurs et de les rendre conditionnelles à l’octroi des prêts. »

120 millions

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Soldat ukrainien sur un tank en banlieue de la capitale, Kyiv

À propos de ces actions préalables, le Canada a aussi accordé, en janvier 2022, un « prêt souverain concessionnel » de 120 millions à l’Ukraine qui s’ajoute à celui de 500 millions. Cet autre prêt doit être spécifiquement utilisé pour « la résilience économique et les réformes de gouvernance du pays », précise Affaires mondiales Canada.

L’exemple de la Grèce

En général, estime Pascal Bédard, les pays bénéficiaires de prêts les remboursent. « Ça ne fait pas les manchettes, mais c’est la norme plus que l’exception », dit-il. On en a pour exemple la Grèce, qui, tout récemment, a remboursé avec deux ans d’avance la dernière tranche (1,85 milliard d’euros) de l’emprunt titanesque de 260 milliards d’euros fait auprès de l’Union européenne et du FMI pour éviter la faillite issue de la crise financière de 2008. Mais la Grèce a encore la dette publique la plus élevée de la zone euro et doit reconquérir une meilleure notation sur les marchés publics. Cette notation est actuellement de BB selon le site Trading Economics.

Dettes effacées

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Des sacs de sable placés devant l’entrée d’un édifice de Dnipro, centre industriel d’importance situé au centre de l’Ukraine

A contrario, certains pays n’en finissent plus de chercher leur air, et dans de tels cas, ils peuvent voir leur dette carrément effacée. Ainsi, en 1987, au Sommet de la Francophonie de Québec, le Canada a effacé la dette de 325 millions de sept pays africains. Depuis 2000, le Canada a aussi procédé à un allégement d’un milliard en dettes bilatérales de 16 pays. Les pays prêteurs qui effacent une ardoise s’attendent cependant à un retour d’ascenseur, estime M. Bédard. « On voudra par exemple que ce pays soit amical ou encore ne mette pas trop de bâtons dans les roues d’une minière souhaitant aller y faire de l’extraction », par exemple.