Les prochains jours pourraient être décisifs dans le conflit en Ukraine, a déclaré le président Volodymyr Zelensky dimanche soir. L’est du pays se prépare à une offensive russe d’envergure dans l’écho des bombardements, toujours en cours.

« Les troupes russes vont se diriger vers une opération de plus grande ampleur vers l’est de notre État », a soutenu le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, dans une allocution à la nation dimanche soir.

PHOTO FOURNIE PAR LA PRÉSIDENCE UKRAINIENNE/ASSOCIATED PRESS

Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine

Or, les habitants de ces régions ont déjà connu la guerre. « La majorité d’entre eux ont déjà été déplacés une fois, et maintenant, ils doivent fuir à nouveau », déplore Maria Popova, professeure au département de science politique de l’Université McGill, spécialisée en post-soviétie. « Ceux qui sont sur la ligne de front, ou dans les régions de l’Est, ont vraiment très peur », renchérit-elle.

Depuis 2014, des affrontements entre l’armée ukrainienne et des groupes séparatistes soutenus financièrement et militairement par la Russie ont fait 14 000 morts et des centaines de milliers de déplacés, rappelle Mme Popova.

Selon elle, le soutien de la Russie dans la région du Donbass, dans l’est du pays, était le premier signe de l’invasion de l’Ukraine.

Il n’y avait pas un mouvement séparatiste qui bouillonnait, c’est vraiment l’interférence russe, et son soutien militaire, qui a lancé l’insurrection.

Maria Popova, professeure au département de science politique de l’Université McGill

D’après des spécialistes militaires américains, les troupes russes pourraient mener une offensive majeure à partir de la ville d’Izioum, près de Kharkiv, dans le nord-est du pays, vers Dnipro, « considérée comme une cible stratégique de la région du Donbass de l’est de l’Ukraine », et située au nord de Marioupol, a rapporté dimanche le New York Times. Le gouverneur de la région de Dnipro a d’ailleurs affirmé que l’aéroport avait été frappé deux fois par des missiles dimanche, selon l’Associated Press.

PHOTO FOURNIE PAR MAXAR TECHNOLOGIES/REUTERS

Cette image satellite montre un aperçu d’un convoi de véhicules blindés et de camions se déplaçant vers le sud, autour de Velykyi Burluk, à l’est de Kharkiv, dans l’est de l’Ukraine, vendredi.

Si l’est de l’Ukraine venait à tomber, les habitants pro-Ukraine risquent d’être ciblés spécifiquement par les forces russes, craint Maria Popova. « Puisque la Russie n’a pas pu prendre Kyiv en trois jours, comme elle l’avait prévu, elle est arrivée à la conclusion que ce n’est pas seulement le gouvernement ukrainien qui est ‟nazi”, mais que le ‟nazisme” a infecté la nation ukrainienne, explique Mme Popova. Donc son but sera d’éradiquer quiconque est considéré comme un ‟activiste” ukrainien. »

Les évacuations se poursuivent

PHOTO LEONHARD FOEGER, REUTERS

Des réfugiés ukrainiens arrivent à Medyka, en Pologne, après avoir traversé la frontière.

Depuis des jours, les autorités ukrainiennes enjoignent donc à la population de l’est du pays de quitter la région avant les combats. Dimanche, la vice-première ministre ukrainienne, Iryna Verechtchouk, a affirmé que 4532 civils avaient pu être évacués la veille de zones menacées. Des évacuations devaient avoir lieu de Marioupol, ville assiégée depuis maintenant six semaines, mais aussi de Berdyansk, Tokmak et Enerhodar (au sud), ainsi que de Sieverierodonetsk, Lysychansk, Popasna et Rubizhne (à l’est).

Rappelons que vendredi, un missile attribué à la Russie a frappé la gare de Kramatorsk, dans l’est du pays, tuant 52 civils, dont 5 enfants, qui se préparaient à fuir.

En dehors des zones séparatistes de Donetsk et Louhansk, « si la Russie prend des territoires à l’est, ce sera une occupation, estime Maria Popova. Les troupes russes vont découvrir qu’elles ne sont pas les bienvenues sur ce territoire, qu’elles sont vues comme des envahisseurs, pas comme des libérateurs ».

Plus de 4,5 millions de réfugiés ukrainiens ont fui leur pays depuis le 24 février, selon les chiffres du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) publiés dimanche.

Crimes de guerre et bombardements

PHOTO SERGEI CHUZAVKOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des secouristes transportent un corps dans le village d’Andriivka, dans la région de Kyiv.

Plus de 1200 corps – pas nécessairement que des civils – ont été découverts à ce jour dans la région de Kyiv. Autour de Kharkiv, au nord-est, 10 personnes ont été tuées et au moins 11 blessées dans des frappes la veille, a annoncé dimanche le gouverneur de la région.

Dans le sud du pays, un couvre-feu est en vigueur depuis samedi soir et jusqu’à lundi matin à Odessa, le grand port ukrainien sur la mer Noire. En effet, à Mykolaïv, située à une centaine de kilomètres au nord-est, sept missiles se sont abattus dans la nuit de samedi à dimanche, selon le commandement militaire local.

L’Ukraine a ouvert 5600 enquêtes pour crimes de guerre présumés sur son territoire depuis le début de l’invasion russe, a indiqué dimanche la procureure générale du pays, Iryna Venediktova.

Sanctions et diplomatie

PHOTO SERGEY BOBOK, AGENCE FRANCE-PRESSE

Immeuble endommagé par les bombardements à Kharkiv

Les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne vont discuter ce lundi à Luxembourg de nouvelles sanctions contre Moscou. L’arrêt des achats de pétrole et de gaz pour cesser de financer l’effort de guerre russe divise toutefois encore les 27.

Le chancelier autrichien Karl Nehammer doit aussi devenir lundi le premier dirigeant européen à rencontrer le président Vladimir Poutine à Moscou depuis le début de l’invasion russe.

Le conflit en Ukraine sera par ailleurs au menu d’un échange virtuel lundi entre Joe Biden et le premier ministre indien Narendra Modi.

Le pape François a appelé dimanche depuis la place Saint-Pierre à une « trêve de Pâques » en Ukraine « pour arriver à la paix à travers de véritables négociations ».

Une économie en chute libre

L’économie de l’Ukraine va se contracter de 45,1 % cette année en raison de la guerre menée par la Russie, dont le PIB devrait lui-même s’effondrer de 11,2 %, selon les plus récentes prévisions de la Banque mondiale publiées dimanche.

Avec l’Agence France-Presse et l’Associated Press

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    Nombre d’hommes ukrainiens en âge de combattre détenus jusqu’à présent pour avoir tenté de fuir le pays, en contradiction avec la loi martiale.
    source : services frontaliers ukrainiens, rapportés par l’Agence France-Presse