(Kyiv) L’Ukraine a annoncé dimanche que plus de 1200 corps avaient été découverts à ce jour dans la région de Kyiv, lieu d’atrocités commises lors de l’occupation russe le mois dernier, alors que les bombardements continuaient sur le pays qui se prépare à subir une offensive massive dans l’est, fui par ses habitants.

Ce que vous devez savoir

  • L’aéroport de Dnipro a été la cible d’une nouvelle frappe russe et est « complètement détruit » ;
  • La propagande russe a conduit aux atrocités de Boutcha, selon Kyiv ;
  • L’Ukraine a ouvert 5600 enquêtes pour crimes de guerre présumés depuis le début de l’invasion russe ;
  • L’Union européenne va discuter lundi d’une nouvelle vague de sanctions contre Moscou ;
  • Le pape demande une « trêve de Pâques » pour « arriver à la paix » ;
  • Plus de 4,5 millions d’Ukrainiens ont fui la guerre depuis le 24 février ;
  • Plus de 1200 corps ont été découverts à ce jour dans la région de Kyiv ;
  • Dix civils ont été tués et au moins 11 blessés dans des frappes autour et au sud-est de Kharkiv.

Dans l’immédiat, les frappes aériennes et les bombardements ont continué sur l’Ukraine : dimanche, ils ont fait au moins deux morts à Kharkiv (est), deuxième ville du pays, et dans sa banlieue, a annoncé le gouverneur régional Oleg Sinegoubov.

Samedi, 10 civils ont été tués et au moins 11 blessés dans des frappes autour et au sud-est de Kharkiv, a annoncé le gouverneur dimanche soir.

« L’armée russe continue de faire la guerre aux civils, faute de victoires sur le front », a accusé le gouverneur de Kharkiv.

Lundi, le chancelier autrichien Karl Nehammer sera le premier dirigeant européen à se rendre à Moscou depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine le 24 février pour y rencontrer le président Poutine.

À Dnipro, grande cité industrielle d’un million d’habitants, une pluie de missiles a anéanti l’aéroport local, déjà frappé le 15 mars, ont annoncé les autorités locales. Le nombre de victimes est encore inconnu.

Photo RONALDO SCHEMIDT, Agence France-Presse

« Nouvelle attaque contre l’aéroport de Dnipro. Il n’en reste plus rien. L’aéroport lui-même et les infrastructures à proximité ont été détruits. Et les missiles continuent de voler », a écrit sur Telegram Valentin Reznitchenko, le gouverneur régional.

Dans la nuit, c’est sur la région de Mykolaïv, à une centaine de kilomètres au nord-est d’Odessa, troisième ville du pays et grand port stratégique sur la mer Noire, que s’étaient abattus sept missiles, selon le commandement militaire local.

Massacres et cruautés

Dimanche, le pape François a appelé depuis la place Saint-Pierre à une « trêve de Pâques » pour « arriver à la paix » en Ukraine et mettre fin à « une guerre qui chaque jour met devant nos yeux d’odieux massacres et des cruautés atroces commis contre des civils sans défense »

Comme en réponse, le patriarche de l’Église orthodoxe russe Kirill, un des piliers du régime de Vladimir Poutine, a appelé à « faire corps » autour du Kremlin pour combattre les « ennemis extérieurs et intérieurs » de la Russie.

Lundi, le conflit ukrainien sera au menu des discussions d’un échange virtuel entre le président américain Joe Biden et le premier ministre indien Narendra Modi, dont le pays a refusé jusqu’à présent de se joindre aux votes condamnant Moscou aux Nations unies.

Alors que la population tente de fuir l’est du pays pour échapper à la bataille qui s’y annonce, c’est dans la région de Kyiv, occupée pendant plusieurs semaines par des unités russes, et lieux d’atrocités commises contre la population civile, que se poursuit la recherche des corps.

Photo ZOHRA BENSEMRA, REUTERS

Des sauveteurs poursuivent leurs recherches pour trouver des corps sous les décombres d’un bâtiment détruit par les bombardements russes, à Borodyanka, dans la région de Kyiv.

« À ce jour, nous avons 1222 personnes tuées, pour la seule région de Kyiv », a déclaré la procureure générale Iryna Venediktova à la chaîne britannique Sky News.  

Elle n’a pas précisé si les corps découverts étaient exclusivement ceux de civils, mais a également fait état de 5600 enquêtes ouvertes pour crimes de guerre présumés depuis le début de l’invasion russe le 24 février.

Mme Venediktova avait fait état il y a une semaine de 410 civils morts retrouvés après le retrait des forces russes des positions qu’elles occupaient dans la région de Kyiv, d’où elles avaient été incapables de prendre la capitale face à la résistance acharnée des Ukrainiens.

La procureure avait alors laissé entendre qu’il y avait sans doute beaucoup d’autres cadavres qui n’avaient pas encore été ramassés et expertisés.

Dans la seule ville de Boutcha, au nord-ouest de Kyiv, devenue un symbole des atrocités de la guerre en Ukraine, près de 300 personnes ont été enterrées dans des fosses communes, selon un bilan annoncé par les autorités ukrainiennes le 2 avril.

« Boutcha ne s’est pas fait en un jour. Pendant de nombreuses années, les élites politiques et la propagande russes ont incité à la haine, déshumanisé les Ukrainiens, nourri la supériorité russe et préparé le terrain pour ces atrocités », a écrit le ministre des Affaires étrangères ukrainien Dmytro Kouleba sur Twitter.  

De son côté, le ministère de la Défense russe a accusé dimanche les Ukrainiens et les Occidentaux de provocations « monstrueuses et sans pitié » et de meurtres de civils à Louhansk dans la région du Donbass (est) partiellement contrôlée par les séparatistes prorusses.

À Bouzova, également près de Kyiv, deux corps habillés en civil ont été découverts dans une bouche d’égout, a constaté l’AFP. Une femme a regardé à l’intérieur avant de s’effondrer, ayant reconnu le corps aux chaussures : « Mon fils, mon fils », a-t-elle crié.  

Prêts pour la « grande bataille »

Plus à l’est, les Ukrainiens se préparaient à livrer une « grande bataille » pour le contrôle de la région du Donbass, désormais cible prioritaire de Moscou, et d’où l’évacuation des civils se poursuit dans la crainte d’une offensive imminente.

« L’Ukraine est prête pour les grandes batailles », a assuré samedi soir le conseiller présidentiel ukrainien Mykhaïlo Podoliak, alors que Kyiv venait de recevoir la visite du premier ministre britannique Boris Johnson, et la promesse de nouvelles livraisons d’armes, notamment des véhicules blindés et des missiles antinavires.

Après avoir retiré ses troupes de la région de Kyiv et du nord de l’Ukraine, la Russie a fait sa priorité de la conquête totale du Donbass, dont une partie est contrôlée depuis 2014 par des séparatistes prorusses.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé les Occidentaux à « suivre l’exemple du Royaume-Uni » et à imposer « un embargo total sur les hydrocarbures russes ».  

Mais dimanche, sur la chaîne américaine CBS, il a ajouté : « je n’ai pas confiance dans le fait que nous recevions tout ce dont nous avons besoin ».

Les ministres des Affaires étrangères de l’UE, qui se réunissent lundi à Luxembourg, doivent étudier un sixième paquet de sanctions contre Moscou, qui ne touchera toutefois pas les achats de pétrole et de gaz.  

Le chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell a annoncé son intention de lancer lundi la discussion sur un embargo pétrolier, « mais une proposition formelle n’est pas sur la table », a reconnu vendredi un haut fonctionnaire européen.  

Ces discussions interviennent au moment où la Banque mondiale publie ses dernières prévisions, catastrophiques, pour l’Ukraine : l’économie de ce pays en guerre va se contracter de 45,1 % cette année en raison du conflit.  

Toute la région sera également impactée. La seule Europe de l’Est devrait subir une récession de 30,7 %, selon l’institution.

De son côté, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a dit que l’Alliance préparait des plans pour une force militaire permanente à ses frontières pour prévenir toute nouvelle agression de la Russie.

Cette nouvelle force sera, a-t-il ajouté, une « conséquence à long terme » de l’invasion de l’Ukraine ordonnée par le président russe Vladimir Poutine.

Évacuations

La vice-première ministre ukrainienne, Iryna Verechtchouk, a indiqué dimanche que 4532 civils avaient été évacués la veille de zones menacées par les combats.

Photo Andriy Andriyenko, Associated Press

Les évacuations se poursuivaient dimanche à la gare de Kramatorsk, où une frappe de missile vendredi a fait 52 morts, dont 5 enfants.

La majorité a quitté la région de Zaporijjia (sud), a-t-elle ajouté, précisant que près de 200 personnes avaient pu quitter la ville portuaire assiégée de Marioupol (sud) et que plus d’un millier avaient fui des villes de la région de Louhansk, dans l’est.

À Kramatorsk, où une frappe de missile vendredi devant la gare a fait 57 morts dont au moins 5 enfants parmi les centaines de personnes qui attendaient pour prendre un train vers l’ouest, les évacuations de civils se sont poursuivies samedi par la route.

Plus de 4,5 millions d’Ukrainiens ont fui leur pays depuis le début de l’invasion russe, selon le Haut commissariat aux réfugiés (HCR).

Dans l’attente d’une grande offensive russe, soldats ukrainiens et membres de la Défense territoriale étaient occupés à fortifier leurs positions et à creuser de nouvelles tranchées, dans la zone rurale de Barvinkove, dans l’est du pays. Les bords de routes ont été minés, et des obstacles antichars installés à tous les carrefours.

Vladimir Poutine, dont la décision d’envahir l’Ukraine s’est brisée sur la résistance acharnée des Ukrainiens, a revu ses plans à la baisse mais veut obtenir une victoire au Donbass avant le défilé militaire du 9 mai marquant sur la Place Rouge la victoire soviétique sur les nazis, selon des analystes.