(Paris) Ce n’est pas un suspense, quoique… Alors que les Français votent ce dimanche au premier tour de l’élection présidentielle, la plupart des commentateurs s’entendent pour dire que le « match est plié », bref que le résultat n’est qu’une formalité.

Avec 26 % des intentions de vote*, Emmanuel Macron ne devrait pas avoir trop de difficulté à passer ce premier round. Idem pour Marine Le Pen, qui le talonne à 22 %. L’écart entre les deux candidats se resserre un peu plus chaque jour, au point que l’on se demande maintenant si la patronne du Rassemblement national ne pourrait pas l’emporter au second tour, prévu le 24 avril.

Macron a connu une hausse spectaculaire dans les sondages, dans la foulée de l’invasion russe de l’Ukraine, en raison de ses offensives diplomatiques acharnées auprès de Vladimir Poutine. On le voyait comme le seul capable de briller en cas de crise internationale. Sa victoire semblait assurée, au point que la campagne a perdu de son intérêt.

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Le président Emmanuel Macron

Mais depuis que « l’effet drapeau » s’est estompé, le président sortant ne fait que perdre des points.

Il faut dire qu’il a déclaré sa candidature sur le tard et que sa campagne n’a jamais vraiment levé, faute de temps et d’un programme « visionnaire », selon certains.

Macron n’a aussi donné qu’un seul rassemblement public et a refusé de participer à un débat télévisé, une stratégie du retrait qui a été vertement critiquée par ses adversaires et a réduit sur le fond une campagne déjà bien bouleversée par la guerre en Ukraine.

Bref, on lui reproche de s’asseoir sur ses acquis, de jouer la prudence.

Rien pour aider : une commission d’enquête sénatoriale révélait à la mi-mars que le gouvernement avait eu des recours réguliers et onéreux à des cabinets de conseil privés (près de 900 millions d’euros en 2021), une « affaire » qui a passablement obstrué la campagne macronienne.

Opération dédiabolisation

À l’inverse, la dynamique Marine Le Pen ne cesse de progresser, à la faveur d’une campagne de terrain soutenue et d’une opération de dédiabolisation réussie. La « méchante » de naguère est devenue la candidate des petites gens, et tant pis si cela est assorti d’une politique anti-immigration tirant sur la xénophobie.

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Marine Le Pen

« Elle profite de la comparaison avec Éric Zemmour, qui tient un discours encore plus à droite, résume Caroline Vigoureux, journaliste politique à l’Opinion. Elle-même a beaucoup lissé son discours. Elle est revenue sur des mesures qui étaient clivantes, comme la sortie de l’euro. Et puis elle a fait une bonne campagne de terrain, cohérente, constante, dans laquelle elle parle beaucoup du pouvoir d’achat, qui est une vraie préoccupation dans l’électorat. »

Caroline Vigoureux se garde toutefois de claironner que ce premier tour est gagné d’avance. Si tout indique qu’on se dirige en effet vers un second tour Macron-Le Pen comme en 2017, rien n’exclut un coup de théâtre de dernière minute.

Une élection présidentielle a toujours son lot de surprises, quelles qu’elles soient.

Caroline Vigoureux, journaliste politique à l’Opinion

La surprise, dans ce cas-ci, pourrait s’appeler Jean-Luc Mélenchon. Le candidat de La France insoumise (gauche radicale) voit sa courbe monter à un rythme régulier depuis deux semaines, et ne se trouve plus qu’à cinq points de Marine Le Pen. Il pourrait la coiffer au poteau si l’électorat de gauche, jusqu’ici très divisé, optait pour le vote utile et décidait de faire commun pour faire barrage à l’extrême droite.

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Jean-Luc Mélenchon

Un scénario possible, mais « peu probable », nuance Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et enseignant à Sciences Po à Paris, en évoquant un trop grand écart entre les deux candidats. « Mélenchon profite d’une courbe ascendante, dit-il. Mais Marine Le Pen aussi. Donc elle maintient son avance, qui est quand même assez importante. »

Les sondages

Évidemment, les sondages peuvent se tromper. On le sait depuis Trump et le Brexit. Mais à ce point ? Bruno Cautrès en doute. « Ce serait un plantage tellement énorme que ce n’est pas envisageable », dit-il.

Il faudra voir, par ailleurs, quel rôle jouera le taux d’abstention, évalué par la plupart des sondages à 30 %, ce qui constituerait un record pour une présidentielle.

D’autres surprises sont aussi possibles dans le reste du peloton. Éric Zemmour terminera-t-il sa glissade sur une remontée ? La candidate de droite Valérie Pécresse dépassera-t-elle le seuil psychologique des 10 % ? La socialiste Anne Hidalgo rasera-t-elle les pâquerettes ou le bitume ? L’ineffable Jean Lassalle aura-t-il plus de voix que de « J’aime » sur TikTok ?

Réponse après la fermeture des bureaux de vote dimanche, à 19 h, heure de Paris.

* Sondage Odoxa, 7 avril

Intentions de vote

Emmanuel Macron (République en marche) : 26 %

Marine Le Pen (Rassemblement national) : 22 %

Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) : 17 %

Éric Zemmour (Reconquête) : 9 %

Valérie Pécresse (Les Républicains) : 9 %

Yannick Jadot (Europe Écologie les Verts) : 5 %

Fabien Roussel (Parti communiste) : 3 %

Jean Lassalle (Résistons) : 3 %

Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) : 2 %

Anne Hidalgo (Parti socialiste) : 2 %

Philippe Poutou (Nouveau Parti anticapitaliste) : 1 %

Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) : 1 %

Source : Sondage Les Échos/Opinionway du 7 avril

La campagne en chiffres

10 et 24 avril

Dates du premier tour et du second tour de l’élection présidentielle

1965

Année d’instauration du suffrage universel à deux tours, toujours en vigueur en France. Les deux candidats ayant obtenu le plus de voix au premier tour restent en lice pour le second tour, qui a lieu deux semaines plus tard. Un candidat ayant obtenu la majorité absolue dès le premier tour est automatiquement élu. Ce n’est jamais arrivé.

48,8 millions

Nombre de Français inscrits sur les listes électorales

30 %

Selon un sondage Ipsos du 3 avril, 30 % des électeurs disent ne pas être certains d’aller voter au premier tour. Ce serait un taux d’abstention historique, qui dépasserait le record de l’élection présidentielle de 2002 (28,4 %).

54 %

Proportion des Français qui se disent d’abord préoccupés par la question du pouvoir d’achat. Viennent ensuite la guerre en Ukraine (33 %) et l’environnement (26 %). (Sondage Ipsos, 6 avril 2022)

21 h 30

Heure à laquelle TF1 diffusera le film Les visiteurs ce soir, coupant ainsi court à la soirée électorale du premier tour. La direction de la chaîne explique ce choix du fait que « les usages, les goûts et les attentes des téléspectateurs ont évolué ».

10 jours

Le candidat élu n’entre pas tout de suite en fonction. Le mandat du président sortant s’achève 10 jours après l’élection. Le nouveau ou la nouvelle président(e) de la République entre alors à l’Élysée après une cérémonie d’investiture.