(Paris) Tcherniguiv (nord), la deuxième ville d’Ukraine la plus détruite par des bombardements après Marioupol (sud), a continué à être pilonnée dans la nuit de mardi à mercredi par l’armée russe, malgré l’engagement par Moscou d’y réduire « radicalement » son activité militaire.

Les autorités ukrainiennes ont également accusé les forces russes d’avoir « bombardé délibérément » un bâtiment de la Croix-Rouge à Marioupol.

Fortement diminuées par la résistance ukrainienne, les troupes russes semblent vouloir se réorganiser pour un assaut maximal dans le Donbass.

Voici un point de la situation établi à partir d’éléments des journalistes de l’AFP sur place ainsi que des déclarations officielles ukrainiennes et russes, de sources occidentales, d’analystes et d’organisations internationales.

Kyiv

Les sirènes ont beaucoup sonné dans la capitale et ses alentours au cours de la nuit. Les autorités font état de 30 bombardements russes au cours des dernières 24 heures.

Irpin, que les autorités ukrainiennes ont annoncé avoir repris lundi soir,  résonnait de fréquentes explosions mercredi matin, a constaté l’AFP. Au moins 200 personnes y sont mortes depuis le début du conflit, selon son maire.

Les forces russes ont « vraisemblablement abandonné leurs efforts d’encercler Kyiv à l’heure qu’il est, même si elles continuent de se battre pour maintenir leurs positions actuelles sur les deux rives de la rivière Dniepr », selon l’Institut pour l’étude de la guerre (ISW).

Le haut commandement russe « doit avoir conclu qu’il ne peut pas prendre Kyiv et qu’il ne peut pas rapprocher son artillerie du centre de la ville », estime ce centre de recherche américain.

Mardi, le vice-ministre russe de la Défense, Alexandre Fomine, avait fait état de la volonté de Moscou de « réduire radicalement l’activité militaire en direction de Kyiv et Tcherniguiv ».

L’Est

L’armée ukrainienne a repris le contrôle d’une autoroute stratégique reliant Kharkiv à Tchougouïv, dans l’est de l’Ukraine, ont constaté mercredi des journalistes de l’AFP.

L’AFP a également constaté de visu le départ des forces russes de la ville de Trostyanets (nord-est). Après un mois d’occupation, elles sont parties sans combattre ou presque, selon de multiples témoignages recueillis par l’AFP dans la ville en partie détruite.

« Il est très probable que la Russie cherche à transférer sa puissance de frappe depuis le Nord vers les régions (séparatistes) du Donetsk et de Louhansk à l’est », a jugé de son côté le ministère britannique de la Défense sur son compte Twitter.

Car « de larges portions du territoire de Donetsk restent sous contrôle ukrainien » et s’emparer de tout le territoire de Donetsk et de l’entièreté de celui de Louhansk « va requérir une offensive militaire majeure », selon l’ISW.

Le Sud

Les forces russes ont « bombardé délibérément un bâtiment du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Marioupol », a affirmé Lioudmyla Denissova, chargée des droits humains auprès du Parlement ukrainien.

« Les avions et l’artillerie ennemis ont bombardé le bâtiment, marqué d’une croix rouge sur fond blanc, ce qui signifie la présence de blessés, de biens civils ou humanitaires », a-t-elle ajouté, disant ne pas disposer d’informations « concernant les victimes ».

Les forces russes auraient également procédé à l’évacuation forcée vers la Russie d’une maternité, emmenant « plus de 70 personnes, des femmes et du personnel médical », selon la mairie de Marioupol.  

Cette ville portuaire est toujours assiégée par l’armée russe qui tente de s’en emparer depuis fin février. Environ 160 000 personnes y seraient toujours coincées.

La résistance ukrainienne se poursuit autour de la ville de Kherson, sous contrôle russe.  

Le Nord

« Des unités russes ayant souffert de lourdes pertes ont été forcées de rentrer en Biélorussie et en Russie pour se réorganiser et se réapprovisionner », ce qui « met encore davantage de pression sur la logistique tendue » de Moscou et « démontre ses difficultés à réorganiser ses unités » avancées en Ukraine, affirme le ministère britannique de la Défense.

Bilan humain

Aucun bilan précis et récent des victimes civiles n’est disponible. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) évoquait il y a quelques jours 1025 civils tués. Mais il fait peu de doutes que les bilans réels sont très supérieurs.

Selon Tetyana Lomakina, conseillère de la présidence ukrainienne, « environ 5000 personnes » ont été enterrées rien qu’à Marioupol, mais il pourrait y avoir en réalité « autour de 10 000 morts ».

Sur le plan militaire, les fourchettes sont extrêmement larges. La Russie a reconnu vendredi la mort de 1351 de ses soldats pour 3825 blessés, premiers chiffres depuis plus de trois semaines.

Les sources occidentales parlent à l’unisson de plusieurs milliers de morts côté russe, Kyiv allant même jusqu’à 12 000.

Côté ukrainien, le président Volodymyr Zelensky a évoqué le 12 mars « environ 1300 » militaires tués. Presque deux semaines après, ce chiffre a peu de signification.

Réfugiés et déplacés

Le conflit a déjà contraint plus de 4 millions d’Ukrainiens à fuir leur pays, selon l’ONU.

Au total, plus de dix millions de personnes, soit plus d’un quart de la population, ont dû quitter leur foyer soit en traversant la frontière pour se réfugier dans les pays limitrophes, soit en trouvant refuge ailleurs en Ukraine.  

L’ONU estime à près de 6,5 millions le nombre de déplacés à l’intérieur du pays.