Emmanuel Macron a annoncé une stratégie nationale contre l’endométriose, une maladie méconnue. Une « première victoire » qui arrive trop tard pour certaines femmes de la « génération sacrifiée ».

(Paris) L’endométriose est une maladie gynécologique chronique, aux causes toujours méconnues, dont le délai de diagnostic est aberrant. Pour lutter contre cette maladie, caractérisée par la présence de tissu de l’endomètre en dehors de l’utérus, le gouvernement français a annoncé en janvier une stratégie nationale. Une initiative dont des groupes de femmes au Québec et au Canada souhaitent s’inspirer.

Onze ans. C’est le nombre d’années qu’a dû attendre Alix Bertrand, 23 ans, avant d’obtenir son diagnostic d’endométriose. Elle présentait pourtant de nombreux symptômes de la maladie : des maux de ventre intenses, un poids qui fait du yo-yo, une fatigue inhabituelle. Des symptômes apparus dès ses premières règles, à 11 ans. Entre les médecins qui lui disaient « qu’il fallait attendre que la machine se mette en route » et sa famille qui lui disait qu’elle était « peut-être un peu chochotte », comme se souvient la jeune femme, Alix n’a pas eu d’autre choix que d’endurer son mal.

PHOTO FOURNIE PAR ALIX BERTRAND

Alix Bertrand, 23 ans, atteinte d’endométriose

À la suite de quatre rencontres infructueuses, toutes avec des médecins différents, la résidante de la région de Lyon en a eu assez. En 2018, elle demande à passer de nouveaux tests. Échographie, rien. Scanographie, rien. C’est finalement l’imagerie par résonance magnétique (IRM) qui détecte l’endométriose, une maladie qui affecte l’appareil génital féminin et qui touche 10 % des femmes, de la puberté à la ménopause.

Mais le diagnostic a tellement traîné que la maladie a progressé. Les douleurs ovariennes se sont étendues à d’autres parties de son corps. Les nerfs de son bassin sont abîmés de manière définitive, sa moelle épinière, peut-être aussi. Elle attend encore les résultats de son IRM. S’il fallait que les nerfs de ses jambes soient affectés, elle pourrait ne plus pouvoir marcher dans les prochaines années. « Je fais partie de la génération sacrifiée », lâche l’étudiante en anthropologie.

Le 11 janvier 2022, le président de la République française, Emmanuel Macron, a annoncé une stratégie nationale contre l’endométriose. Son gouvernement s’engage à investir 20 millions d’euros (environ 27,8 millions de dollars) sur 5 ans pour la recherche, à donner la priorité à la formation aux étudiants ainsi qu’aux praticiens et à instaurer un réseau de professionnels de la santé dédié au diagnostic et à la prise en charge de l’endométriose dans chaque région de la France d’ici 2023.

Pour la présidente d’EndoFrance, Yasmine Candau, c’est une « première victoire ». Créée en 2001, l’association a participé à l’élaboration de cette stratégie aux côtés de 200 autres experts, associations et professionnels de la santé. EndoFrance militait depuis 2003 déjà pour qu’une telle initiative soit entreprise par le gouvernement français. « Ça a pris longtemps avant d’être pris au sérieux. Le fait que le président de la République en parle, ça légitime la souffrance associée à l’endométriose », souligne la bénévole.

Lutter contre l’errance de diagnostic

En France, le délai moyen pour obtenir un diagnostic d’endométriose est de sept à dix ans. Au Canada, il est de cinq ans. Les femmes atteintes de la maladie doivent souvent consulter de cinq à sept médecins afin de recevoir ce diagnostic.

Que le délai soit de trois, cinq, sept ou dix ans, c’est trop long.

Marie-Josée Thibert, fondatrice de l’organisme Endométriose Québec

Mme Thibert se réjouit de la nouvelle stratégie française et indique qu’au Canada aussi, les choses bougent. Il y a quelques semaines, le collectif de médecins, chercheurs et patientes EndoAct Canada a lancé une campagne de sensibilisation dans tout le pays. Ce collectif encourage les gens à communiquer avec leur député pour demander la mise en place d’une stratégie nationale. Il s’inspire de l’Australie, qui a lancé en 2018 un plan d’action national.

La lutte contre l’endométriose n’est cependant pas gagnée. Des médecins mal informés qui disent à leurs patientes que l’endométriose est « une maladie à la mode », que « tout le monde veut l’avoir » ou qu’elles sont « trop jeunes pour avoir de l’endométriose », il en existe encore, soutient Mme Candau.

« Réflexe endométriose »

Selon le chirurgien gynécologue obstétricien français Éric Sauvanet, l’endométriose demeure peu connue des médecins, en plus d’être complexe à comprendre. Soit le praticien prescrit le mauvais examen, soit l’examen, par exemple, l’échographie, n’est pas bien réalisé par manque de connaissances au sujet de la maladie, explique celui qui est également cofondateur du Centre de l’endométriose de l’hôpital Paris Saint-Joseph.

Si on laisse évoluer les symptômes vers des douleurs neuropathiques chroniques, on va avoir beaucoup plus de difficulté à revenir à une qualité de vie normale.

Le Dr Éric Sauvanet, chirurgien gynécologue obstétricien

Le Dr Sauvanet souligne que le pronostic est sombre pour 15 % à 20 % des patientes.

La stratégie française s’engage ainsi à prioriser l’endométriose lors de la formation, initiale et continue, des médecins et des professionnels de la santé. L’objectif : développer un « réflexe endométriose », espère le président français.

Et si Alix Bertrand avait été prise en charge plus tôt ? « Inconsciemment, je pense que je vais toujours garder une certaine rancœur envers la situation », admet-elle, tout en restant lucide quant au fait que son état aurait pu tout de même se détériorer avec un diagnostic plus rapide.

Bientôt un test salivaire pour détecter l’endométriose ?

En février, l’entreprise Ziwig a dévoilé son EndoTest : un test salivaire de dépistage de l’endométriose. La jeune pousse française promet une fiabilité « proche du 100 % ». Il suffit pour les femmes de transmettre à leur laboratoire, par la poste, un échantillon de leur salive, recueilli dans un tube de plastique. Le résultat du séquençage des microARN présents est obtenu en une dizaine de jours. Pour l’instant, l’EndoTest doit encore être validé par la Haute Autorité de santé en France (l’équivalent de Santé Canada), puisque le produit a été évalué sur seulement 200 femmes. Le ministre français de la Santé, Olivier Véran, a donc demandé qu’une nouvelle étude soit réalisée, cette fois-ci, sur 1000 femmes, afin de « conforter les données ».

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