(Novolouganské) A demi-accroupi, le ministre ukrainien de l’Intérieur Denys Monastyrsky court le long de la route jonchée de véhicules abandonnés allant de la ligne de front en direction de la petite ville de Novolouganské, dans l’est du pays.

Autour de lui, d’abord un, puis une dizaine d’obus de mortiers se sont soudainement abattus en sifflant.

Plus de peur que de mal au final pour le ministre. L’incident n’a pas fait de blessés et M. Monastyrsky, portant un gilet pare-balle et un casque estimera plus tard que c’était l’armée ukrainienne, et pas lui personnellement, qui était visé.

Ce bombardement témoigne néanmoins de la recrudescence des violences cette semaine dans l’est de l’Ukraine sur fond de crainte d’une invasion russe.  

Kiev et les séparatistes soutenus par Moscou s’accusent mutuellement d’envenimer ce conflit qui a fait plus de 14 000 morts en huit ans.

L’armée ukrainienne a fait état de deux soldats tués et quatre autres blessés dans les bombardements samedi, pire bilan quotidien depuis des mois.  

L’un d’eux, Anton Sydorov, un capitaine de 35 ans, père de trois enfants, a été tué dans la matinée par un éclat de missile d’artillerie près de la Novolouganské.

« La situation est encore pire qu’hier […] Ça tire à l’aide d’armes interdites, des obus de calibre de 152 mm sont tombés près de la ville », confie à l’AFP Andriï, un soldat ukrainien de 26 ans posté près de cette localité.  

« Il y a des blessés dans plusieurs bataillons. C’est de plus en plus chaud », ajoute le jeune homme. Il confirme la position du gouvernement assurant que l’armée s’abstient de riposter aux bombardements séparatistes sauf si ceux-ci les visent directement.

« La paix, le calme, la tranquillité »

Pour se rendre à Novolouganské, 4000 habitants avant le début du conflit, la route est crevassée de nids-de-poule, résultat d’une absence d’entretien. À pied, il faut slalomer entre les champs de mines délimités par des petits poteaux peints en rouge.

La ville, à seulement trois kilomètres des positions séparatistes, est une de ces zones grises situées en plein no man’s land, dont seuls quelques habitants n’ont pas abandonné les immeubles décrépis.

« On n’a pas peur », lance d’un ton bravache Rouslan, 10 ans, qui fait les cent pas avec son berger allemand et quelques copains entre le stade endommagé et un centre de commandement de l’armée ukrainienne, à 50 mètres de là.

Gérante d’un magasin d’alimentation, Elena Valerievna, la cinquantaine, est plus inquiète. « Ça fait longtemps que ça n’avait pas autant bombardé », assure-t-elle, évoquant des tirs « très puissants » et faisant « très peur » à partir de 8 h du matin.

Alors que les Occidentaux craignent une invasion de la Russie, qui a massé quelque 150 000 de soldats à la frontière ukrainienne, le ministre Monastyrsky tenait à démontrer à des journalistes le niveau de préparation de l’armée ukrainienne en leur faisant visiter les tranchées.

Les autorités ukrainiennes ne cessent aussi d’assurer que contrairement aux affirmations des séparatistes et de Moscou, aucune offensive contre les rebelles n’est prévue.

« Nous n’avons pas peur. Nous sommes prêts pour tous les scénarios », assurait à l’AFP quelques minutes seulement avant le bombardement le jeune ministre de 41 ans. « J’ai l’impression qu’il n’y a pas la moindre chance pour l’ennemi ici ».

En bonnet et doudoune par une température proche de zéro degrés, Elena Valerievna a moins d’espoir : « Je veux que ce soit la paix, le calme, la tranquillité. Voilà ce que je veux. Pas de guerre, mais ça je pense que ce n’est pas possible », soupire-t-elle.