(Paris) Le Mali s’est invité jeudi dans la présidentielle : plusieurs candidats ont vu dans le retrait annoncé de la France un « échec » d’Emmanuel Macron, dans une campagne toujours marquée par de vives tensions à droite à moins de deux mois du premier tour.

Dans leur majorité, les prétendants à l’Élysée se sont déclarés plutôt favorables au désengagement de la France de ce pays où 48 militaires français de l’opération Barkhane ont été tués, mais certains ont tiré à boulets rouges sur la stratégie du président Macron durant ces cinq dernières années.

Si la politique étrangère a rarement été décisive dans une élection présidentielle, elle n’en reste pas moins très importante pour la stature que veulent se donner les candidats et le bilan du président sortant.

Le leader de la France insoumise a eu les mots les plus durs. « Le retrait piteux du Mali signe le bilan accablant du duo Hollande-Macron », a tranché Jean-Luc Mélenchon, le mieux placé à gauche dans les sondages. Il faisait référence à l’engagement des troupes françaises au Mali décidé par François Hollande en 2013.

PHOTO FLORENT VERGNES, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Des soldats français de l’opération Barkhane plient le drapeau français après qu’il a été retiré du mât de la base militaire de Barkhane lors d’une cérémonie de remise à l’armée malienne à Tombouctou.

Évoquant « un désastre largement prévisible », il s’en est pris avec virulence à une stratégie qui a laissé le pays « en ruine ».

De son côté, la candidate socialiste Anne Hidalgo a critiqué un « échec pour Emmanuel Macron » sur Radio J.

Emmanuel Macron a, lui, récusé toute notion d’« échec ». « Que se serait-il passé en 2013 si la France n’avait pas fait le choix d’intervenir ? Vous auriez à coup sûr un effondrement de l’État malien », a-t-il assuré dans la matinée lors d’une conférence de presse, saluant les « nombreux succès » de l’armée dont l’élimination de grands chefs djihadistes.

« Retrait plus précoce »

L’ancien président François Hollande (2012-17) a pour sa part défendu, dans un entretien avec l’AFP, sa décision d’envoyer en 2013 des troupes françaises au Mali.

Tout en lançant une petite pique à son successeur : « J’aurais sans doute fait un retrait plus précoce, au moins dès le coup d’État de 2020. Je serais parti plus tôt, dès lors qu’il y avait une rupture, dès lors qu’il n’y avait plus d’institutions ni de dialogue politique », a-t-il affirmé.

À droite, la candidate LR Valérie Pécresse a estimé que « la façon dont la France est traitée par la junte malienne n’est pas digne ». Marine Le Pen (RN), a considéré que « le fait d’être obligés de partir après avoir été humiliés à ce point par le gouvernement malien est un échec ».

Guerre des transfuges

A l’extrême droite, la bataille acharnée se poursuit sur fond de guerre des transfuges.  

Dernier acte en date : l’annonce mercredi soir du ralliement de l’eurodéputé et ex-haut dirigeant du RN Nicolas Bay à Éric Zemmour. Ce transfuge a claqué la porte en fustigeant les « revirements et reculades » de Marine Le Pen. Il a aussi porté plainte pour diffamation après avoir été accusé par le RN de « sabotage » et d’avoir fourni des informations au camp Zemmour.

La question des transfuges concerne aussi la candidate LR Valérie Pécresse après le départ d’Éric Woerth pour le camp Macron, les confidences acerbes de l’ex-président Nicolas Sarkozy et une assemblée électorale jugée ratée.

Critiquée pour avoir évoqué le terme complotiste de « grand remplacement » cher à Éric Zemmour, Mme Pécresse, qui a repris la route jeudi, pour la Vendée, a nié toute « ambiguïté » vis-à-vis de l’extrême droite et dénoncé « le jeu malsain des macronistes ».

Plusieurs sondages la donnaient en baisse jeudi dans les intentions de vote. Une étude Odoxa-Mascadet pour L’Obs la crédite même de 12 % (-7 points par rapport à décembre) contre 14 % à Éric Zemmour (+2) et 18 % à Marine Le Pen (+1). « La réunion ratée lui coûte très cher », relève l’institut.

Deux qualifiés de plus

À gauche, Jean-Luc Mélenchon se présente de plus en plus comme le représentant du « vote utile ».

Le leader de LFI a reçu l’appui inopiné de l’ancienne candidate socialiste à la présidentielle de 2007, Ségolène Royal, qui le considère comme « le plus solide », provoquant l’ire d’Anne Hidalgo qui a jugé cela « forcément choquant ».

Et la course à l’Élysée compte deux qualifiés de plus.  

Après Valérie Pécresse, Emmanuel Macron, Anne Hidalgo et Nathalie Arthaud (LO), c’est au tour de Fabien Roussel (PCF) et Jean Lassalle d’obtenir les 500 parrainages d’élus, respectivement 529 et 503, selon le décompte du Conseil constitutionnel.

Yannick Jadot (490 parrainages) y est presque. Mais ce n’est pas encore le cas pour Jean-Luc Mélenchon (370), Marine Le Pen (366) ou Éric Zemmour (291). Et le compteur de Christiane Taubira ne décolle toujours pas (86).