(Washington) Les États-Unis ont assuré jeudi que le gazoduc Nord Stream 2 cher à Moscou serait mort-né en cas d’invasion russe de l’Ukraine, appelant la Russie à « revenir à la table des négociations » malgré sa première réaction plutôt froide au rejet américain de ses exigences clés.

Le sort de ce gazoduc controversé entre la Russie et l’Allemagne, dont Washington n’a jamais voulu, mais qui est désormais achevé avec la bénédiction de Berlin, sera certainement au cœur de la prochaine visite du chancelier allemand Olaf Scholz à la Maison-Blanche, le 7 février, pour rencontrer le président américain Joe Biden.

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Les États-Unis et l’OTAN ont sans surprise formellement rejeté mercredi des demandes clés de Moscou, à savoir la fin de la politique d’élargissement de l’OTAN et un retour de ses déploiements militaires sur les frontières de 1997.

Accusé de timidité et tergiversations, le gouvernement allemand a tenté de clarifier jeudi sa position. Les « sanctions fortes » en cours de préparation par les Occidentaux en cas d’offensive russe incluent aussi Nord Stream 2, qui attend toujours sa mise en service, a déclaré la cheffe de la diplomatie allemande Annalena Baerbock.

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Nord Stream 2 est un gazoduc qui doit acheminer d’énormes quantités de gaz naturel russe vers l’Allemagne. Le tuyau est posé au fond de la mer Baltique.

S’appuyant sur ces propos et sur ses « conversations » avec l’Allemagne, le gouvernement américain s’est montré encore plus catégorique.

« Je veux être claire avec vous aujourd’hui : si la Russie envahit l’Ukraine, d’une manière ou d’une autre, Nord Stream 2 n’ira pas de l’avant », a prévenu la numéro 3 de la diplomatie américaine, Victoria Nuland.

Les États-Unis ont par ailleurs saisi le Conseil de sécurité de l’ONU jeudi, réclamant une réunion lundi en raison de la « menace claire » que fait peser à leurs yeux la Russie sur « la paix et la sécurité internationales ».

« Nette possibilité » d’une invasion

Le président Biden a appelé jeudi son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky et lui a réaffirmé que les États-Unis répondraient « résolument » en cas d’invasion russe, les deux hommes discutant de la possibilité d’une assistance économique accrue, selon un communiqué de l’administration américaine.

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Joe Biden, président des États-Unis

Le démocrate a également soulevé la « nette possibilité que les Russes puissent envahir l’Ukraine en février », une date déjà évoquée par les renseignements américains, a précisé sur Twitter la porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain.

Les Occidentaux continuent donc de mettre la pression sur la Russie, qui s’est montrée pour le moins réservée au lendemain de la réception des réponses écrites des États-Unis et de l’OTAN à ses demandes pour sortir de l’impasse actuelle.

« La balle est dans leur camp », « nous espérons que Moscou va étudier ce que nous leur proposons et revenir à la table des négociations », a dit Victoria Nuland, réaffirmant qu’en cas de « rejet » de cette « offre de dialogue », les sanctions seraient « très douloureuses ».

Le bras de fer persiste

Quelque 100 000 militaires russes campent à la frontière ukrainienne avec leurs blindés depuis fin 2021.

La Russie dément tout projet d’invasion, mais s’estime menacée par l’expansion de l’OTAN depuis 20 ans ainsi que par le soutien occidental à son voisin ukrainien.

Moscou a réclamé la fin formelle de l’élargissement de l’Alliance atlantique, notamment à l’Ukraine, et un retour des déploiements militaires occidentaux aux frontières de 1997.

Les États-Unis et l’OTAN ont, sans surprise, formellement rejeté mercredi ces demandes clés de Moscou, tout en ouvrant à nouveau la porte à des négociations sur des limites réciproques au déploiement des missiles de courte et moyenne portée des deux puissances nucléaires rivales en Europe ainsi qu’aux exercices militaires aux abords du camp adverse.

« On ne peut pas dire que nos points de vue aient été pris en compte », a regretté le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov a lui aussi constaté l’absence d’une « réponse positive » à la principale revendication russe.

Mais il n’a pas fermé la porte au dialogue, relevant qu’on pouvait « espérer le début d’une conversation sérieuse sur des questions secondaires ».

Pékin soutient Moscou

Le président Zelensky avait salué plus tôt l’exercice diplomatique « constructif » de la veille à Paris, où des négociateurs russes et ukrainiens se sont retrouvés pour la première fois depuis des mois, sous égide franco-allemande, pour parler du conflit entre Kiev et des séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine.

Avancée timide, mais rare, les émissaires ont annoncé un nouveau rendez-vous pour début février à Berlin.

La France y a vu « un bon signal » russe, avant un entretien entre les présidents Emmanuel Macron et Vladimir Poutine prévu vendredi.

La Russie peut se satisfaire du soutien explicite de la Chine, qui a défendu les « préoccupations raisonnables » du Kremlin.

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Vladimir Poutine, président de la Russie

Mais Washington a aussi appelé Pékin « à utiliser son influence sur Moscou » pour éviter un conflit en Ukraine, qui ne serait « pas bon pour la Chine non plus », en raison de son « impact important sur l’économie mondiale » et « le secteur énergétique ».

Dans les rues de Kiev, des Ukrainiens espéraient que la diplomatie et l’aide militaire occidentale empêcheraient une invasion russe.

« Je ne pense pas que la Russie passera à l’action, mais il est important d’obtenir dès maintenant le soutien de nos partenaires occidentaux, y compris des armes », a déclaré à l’AFP Andriï Chyfrouk, un responsable des achats publics.