(Bruxelles) Plus qu’une invasion russe de l’Ukraine, les Européens redoutent que Kiev tombe dans le piège d’une confrontation armée dans la région du Donbass, déclenchée par une provocation des séparatistes prorusses, et ont averti Moscou de leur détermination à la sanctionner, ont expliqué mardi plusieurs responsables.

« Personne ne sait si (le président russe, Vladimir) Poutine a pris la décision d’une intervention et quel en sera le déclencheur, mais l’alerte maximale a été lancée jusqu’à fin février », a confié l’un d’eux.

Moscou a positionné plus de 100 000 troupes de combat, des chars et de l’artillerie aux frontières de l’Ukraine et en Crimée, annexée en 2014, où ont commencé mardi des manœuvres aéronavales.

PHOTO MAKSIM LEVIN, REUTERS

Un militaire ukrainien dans un abri, près de la ligne de démarcation avec le territoire contrôlé par les rebelles russophones soutenus par la Russie, près de la ville d'Avdiivka, dans l'est de l'Ukraine, le 25 janvier 2022.

De nombreuses unités sont déployées à proximité des républiques autoproclamées de Lougansk et de Donetsk dans la région houillère du Donbass (est de l’Ukraine), où les séparatistes prorusses combattent les forces ukrainiennes depuis huit ans.

Moscou veut défendre ces deux « républiques » autoproclamées. La Douma, la chambre basse du Parlement russe, étudie une demande du parti communiste appelant Vladimir Poutine à les reconnaître. Le porte-parole du Kremlin a déclaré lundi que la Russie juge « très élevé » le risque d’une offensive des troupes ukrainiennes contre les séparatistes prorusses.

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell s’est dit le 17 janvier « préoccupé par la situation dans les régions non contrôlées par Kiev, car elles […] se rapprochent de plus en plus de la Russie ».

« La concentration de forces à la frontière de l’Ukraine est liée à leur intégration de fait à la Russie », a-t-il expliqué aux députés européens.

La région va être le théâtre d’énormes provocations et les dirigeants ukrainiens sont appelés à ne rien faire qui puisse être utilisé comme une provocation.

Un diplomate européen.

« Il faut tirer les leçons de ce qui s’est passé en Géorgie en 2008 », a-t-il rappelé. Une opération militaire des forces géorgiennes contre la région séparatiste d’Ossétie du Sud avait provoqué une intervention de l’armée russe. Le conflit avait duré cinq jours et s’était terminé par la reconnaissance de l’Ossétie et de l’Abkhazie par Moscou.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a assuré lundi que son pays « ne cèdera pas aux provocations ».

« L’Union européenne sanctionnera toute agression armée en Ukraine, car elles peuvent revêtir de nombreuses formes et ne pas impliquer nécessairement des militaires russes », a assuré un responsable européen.

Ces messages sont transmis à Moscou, car « les Européens parlent avec les autorités russes et avec leurs négociateurs » à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et au sein du Conseil OTAN-Russie, a-t-il expliqué.

« Isolement total » de la Russie

Des options ont été préparées pour répondre à différents types d’actions contre l’Ukraine imputables à la Russie. Les sanctions économiques et financières instaurées par l’UE après l’annexion de la Crimée et renouvelées à l’unanimité tous les six mois « constituent l’ossature » de la réaction européenne, mais l’échelle est beaucoup plus importante.

Elles seront « sans précédent » et la Russie « sera totalement isolée », a averti lundi le ministre danois des Affaires étrangères Jeppe Kofod.

« Tout est sur la table et si l’on veut être crédibles, rien ne peut être écarté », a expliqué le responsable européen. La Russie tire 46 % de ses revenus de ses ventes de gaz et de pétrole et les pays européens sont d’importants clients, a-t-il souligné.

« La question est celle de la volonté politique de voter ces sanctions » a-t-il reconnu.

Certains Européens sont hésitants. Le chancelier allemand Olaf Scholz insiste sur « les conséquences » des sanctions pour l’économie allemande. Mais « il y a une unité des Européens avec les États-Unis pour afficher, à un moment donné, un ensemble de sanctions considérées comme dissuasives », a affirmé mardi le chef de la diplomatie française Jean-Yves le Drian.

La priorité est de « dissuader » le président russe d’agir. « Pour Vladimir Poutine, c’est maintenant ou jamais, car le réarmement de l’Ukraine notamment avec l’achat de drones à la Turquie, va permettre à Kiev de mener une guerre défensive », a expliqué le responsable européen.

« Les alliés sont très nerveux, car tous les scénarios sont possibles et personne ne sait comment cela va finir », a-t-il conclu.