(Kiev) La justice ukrainienne a décidé mercredi du maintien en liberté de l’ex-président et opposant Petro Porochenko, accusé de haute trahison, tout en lui interdisant de quitter le pays.

La décision a été annoncée par le juge Oleksiï Sokolov. Réagissant à l’annonce, M. Porochenko et ses proches ont chanté l’hymne national dans la salle d’audience du tribunal de Kiev, selon des journalistes de l’AFP sur place.  

Le parquet avait réclamé son incarcération, sauf versement d’une caution d’environ 30 millions d’euros.

Le juge a néanmoins ordonné au principal opposant au président Volodymyr Zelensky de rendre ses passeports, sans lesquels il ne pourra pas quitter l’Ukraine. Les avocats de M. Porochenko ont aussitôt annoncé qu’ils feraient appel de cette décision.

« Chers amis, je vous félicite », a déclaré à la presse l’ex-chef de l’État et milliardaire, entouré de sa femme et de plusieurs députés de son parti. « Nous sommes venus ici pour montrer que nous n’avons pas peur, que la vérité est avec nous ».  

Il accuse le président Zelensky d’avoir ourdi les poursuites contre lui pour se débarrasser d’un rival politique, le « discréditer » et « diviser » le pays avec cette affaire malgré la menace d’une imminente invasion russe.  

Les poursuites contre M. Porochenko sont suivies de près par les Occidentaux, l’Ukraine ayant été condamnée dans le passé pour des persécutions jugées politiques contre d’anciens hauts responsables d’État.  

« L’un des objectifs de longue date de Moscou a été d’essayer de semer des divisions entre et au sein de nos pays », a averti le secrétaire d’État américain Antony Blinken lors d’une rencontre mercredi à Kiev avec M. Zelensky, dans une allusion apparente à l’affaire Porochenko.  

« Nous ne pouvons pas et ne les laisserons pas faire cela », a-t-il poursuivi.

Plus d’un millier de partisans de M. Porochenko se sont réunis devant le tribunal dans l’attente de la décision. Des heurts avec les forces de l’ordre ont brièvement éclaté, blessant un policier et un manifestant, selon la police.

Les protestataires se sont ensuite dirigés vers la présidence avant de se disperser.  

Milliardaire de 56 ans, M. Porochenko est revenu en Ukraine lundi après un mois à l’étranger, malgré la menace d’une arrestation.

Les enquêteurs suspectent M. Porochenko d’avoir travaillé avec le richissime magnat prorusse Viktor Medvedtchouk, un proche du président russe Vladimir Poutine, pour faciliter l’achat en 2014 et 2015 de charbon à des entreprises situées dans l’est de l’Ukraine, aux mains des séparatistes prorusses qui sont en guerre contre Kiev.

Selon le parquet, l’ex-président avait ainsi de facto utilisé des fonds d’État pour financer les séparatistes, un acte de « haute trahison », passible de jusqu’à 15 ans de prison.

M. Porochenko, dont les relations étaient exécrables avec la Russie durant sa présidence, a notamment dirigé le pays au pic du conflit.

Aujourd’hui député, l’ex-président est cité dans plusieurs dizaines d’affaires judiciaires.

Pendant son passage au pouvoir, il a rapproché son pays des Occidentaux, mais n’a pas réussi à y endiguer la corruption et la pauvreté.  

M. Zelensky, un ancien comédien, l’a largement battu lors de la présidentielle de 2019, mais peine à éradiquer ces mêmes fléaux.