(Paris) « Pitoyable », « impardonnable » : Éric Zemmour s’est attiré une bronca générale samedi, après avoir dénoncé « l’obsession de l’inclusion » des enfants handicapés et défendu des « établissements spécialisés » pour les scolariser, avant de nuancer ses propos.

Vendredi, lors d’une discussion avec des enseignants acquis à sa cause à Honnecourt-sur-Escaut (Nord), le candidat d’extrême droite a expliqué « penser qu’il faut effectivement des établissements spécialisés, sauf pour les gens légèrement handicapés évidemment ».

« Pour le reste, oui, je pense que l’obsession de l’inclusion est une mauvaise manière faite aux autres enfants et à ces enfants-là qui sont, les pauvres, complètement dépassés par les autres enfants. Donc je pense qu’il faut des enseignants spécialisés qui s’en occupent », a-t-il estimé.

La secrétaire d’État chargée du Handicap Sophie Cluzel a fustigé samedi sur Twitter « une déclaration pitoyable ». « Très en colère » sur BFMTV, elle a critiqué une « vision misérabiliste » et « excluante » du handicap.

« Bien sûr que c’est compliqué, mais c’est vraiment l’honneur de la France de pouvoir scolariser ces enfants avec les autres, au milieu des autres », a-t-elle ajouté.

Selon la ministre, 384 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés dans des établissements « classiques », en augmentation de 20 % par rapport à 2017, et 80 000 enfants et adolescents sont accueillis dans les instituts médico-éducatifs (IME) « spécialisés ».

Le chef de file des députés LR Damien Abad, lui-même en situation de handicap, a dénoncé des propos « scandaleux » d’Éric Zemmour et une « ségrégation à tous les étages ».

« Oui, nous devons avoir l’obsession de l’inclusion. Je demande des excuses publiques », a-t-il lancé sur Twitter.

La candidate du Rassemblement national, Marine Le Pen, a pour sa part jugé « impardonnable » de « s’attaquer aux enfants fragilisés par un handicap ».  

« Mon projet, c’est plus d’inclusion pour les enfants fragiles », a embrayé Valérie Pécresse en marge d’un déplacement en Grèce, fustigeant « la brutalité » des propos d’Éric Zemmour.

Même ton des candidats à gauche : « Il est comme toujours dans l’outrance, la violence et l’injure », a cinglé la candidate désormais déclarée Anne Hidalgo, Jean-Luc Mélenchon fustigeant « une vision du monde opposée » à la sienne. Et le communiste Fabien Roussel s’est dit « révulsé par la proposition » d’Éric Zemmour, en le comparant à une « société d’apartheid ».

« S’en occuper mieux »

Les réactions ont également été vives dans le milieu associatif : le président national de l’Association pour adultes et jeunes handicapés Jean-Louis Garcia s’est ému sur BFMTV de ce qu’il considère être une « ségrégation », une « mise à part », tandis que la présidente de SOS autisme France Olivia Cattan s’est « indignée » de propos jugés « discriminatoires » et d’une « méconnaissance » du candidat Zemmour sur le sujet. Les deux renvoyant à la loi de 2005 qui garantit l’égalité des chances pour les enfants handicapés. Comme l’Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteurs (ANPIHM) qui dénonce aussi un manque de moyens spécialisés.

Le président de l’Association pour la prise en compte du handicap dans les politiques publiques et privées (APHPP) Matthieu Annereau, par ailleurs élu local LREM et non-voyant, a quant à lui estimé que « l’exclusion des 12 millions de personnes handicapées en France évoquée par M. Zemmour (était) profondément nauséabonde ».

Face à la bronca, l’ancien polémiste s’est expliqué et a nuancé ses propos samedi matin à Villers-Cotterêts (Aisne). « Bien sûr, il y a des cas où le fait de les mettre dans un établissement ordinaire est une bonne chose, car ça leur permet de progresser, de se socialiser. Et puis il y a d’autres cas, réels, plus nombreux qu’on ne le dit, où c’est une souffrance pour ces enfants » handicapés.

« Ce que j’ai voulu dire, c’est que je ne veux pas que l’obsession de l’inclusion nous prive et nous conduise à négliger la nécessité d’établissements spécialisés », a-t-il poursuivi. « Je pense que c’est une position idéologique, comme toujours. On a décidé que c’était mieux de mettre tout le monde ensemble. Moi, je pense que non », « pas pour les mettre à l’écart, mais pour s’en occuper mieux ».

Le candidat à la présidentielle a appelé à « prendre en compte les cas particuliers » de chaque enfant, avec des possibilités de « passerelles » entre « établissements spécialisés » et « ordinaires ».

En début de soirée, il a publié un message vidéo dans lequel il a dénoncé des « propos détournés » par des « politiciens » coupables selon lui de « mensonges » et d’« hypocrisie », en s’en prenant à « l’idéologie égalitariste » qui « détourne l’égalité pour nier les cas particuliers ».